L'explosion des
cours du gaz et de l'électricité à l'échelle européenne renforce aujourd'hui
les préoccupations de nos compatriotes et pèse sur notre économie. Très tôt,
nous avons pris des mesures fortes pour protéger les Français. Mais chacun le
sait, et il faut le dire de manière transparente, ces mesures ont un coût pour
nos finances publiques. Dans ce contexte, nous devons continuer à répondre aux
inquiétudes, tout en veillant à ne pas creuser davantage notre dette, et à
cibler au mieux nos dispositifs, comme le Président de la République l'avait
annoncé dès le 14 juillet. Mesdames et Messieurs, l'arrêt quasi total des
livraisons de gaz russe et les travaux de maintenance sur de nombreux réacteurs
nucléaires français provoquent une situation énergétique exceptionnelle. Le
premier défi de mon Gouvernement est de nous assurer qu'il y aura suffisamment
de gaz et d'électricité cet hiver pour les Français. Nous avons anticipé cette
situation. Nous avons accéléré le remplissage de nos stocks de gaz, qui est
aujourd'hui de 95 %. Nous avons augmenté les capacités d'importation de nos
terminaux méthaniers qui accueillent les navires de gaz naturel liquéfié en
provenance du monde entier et c’est aussi dans cet objectif que nous avons
présenté au parlement dès cet été, les dispositions pour accélérer la création
d'un nouveau terminal méthanier au Havre. Nous avons renforcé et diversifié nos
approvisionnements de gaz en provenance d'autres pays. Enfin, face à cette
situation exceptionnelle, nous accélérons les projets d'énergies renouvelables.
Ces décisions ont permis de limiter les risques et de se préparer pour les
prochains mois. Mais aujourd'hui, ce qui intéresse les Français, c'est le
résultat. Y aura-t-il assez de gaz et d'électricité cet hiver ? Il y a quelques
semaines, j'avais pris l'engagement de revenir devant les Français une fois les
prévisions des gestionnaires de réseau de transport de gaz et d'électricité
connues. Je souhaite expliquer de manière transparente les scénarios, les
risques et les solutions à notre disposition. Aujourd'hui, les prévisions des
gestionnaires de réseau ont été rendues publiques. Leur scénario se fonde sur
les hypothèses les plus probables, mais ils examinent également les cas de
figure les plus dégradés où toutes les difficultés se cumuleraient. À partir de
ces prévisions, nous pouvons tirer deux enseignements. Le premier, c'est que
dans les scénarios les plus probables, si chacun prend ses responsabilités et
fait preuve de la sobriété nécessaire, il n'y aura pas de coupures. Nous
n'aurions alors pas besoin d'activer le dispositif de rationnement pour les
entreprises, qui consomment beaucoup de gaz. Le second enseignement, c'est que
seule la sobriété et la solidarité européennes nous permettront d'éviter des
coupures et des rationnements dans les cas de figure les plus pessimistes,
comme un hiver particulièrement froid cumulé à des difficultés
d'approvisionnement. Ces scénarios nous incitent à poursuivre notre stratégie,
une sobriété choisie plutôt que des coupures subites, une solidarité européenne
pour mieux résister à l'hiver. Nous avons donc deux enjeux devant nous. Le
premier, c'est la réussite du plan de sobriété annoncé en juillet. Notre
objectif est de baisser de 10 % notre consommation d'énergie par rapport à
l'année dernière et d'éviter au maximum les pics de consommation. La sobriété,
ce n'est pas produire moins. Il s'agit de réduire un peu le chauffage et
d'éviter toutes les consommations inutiles. Ce sont donc des millions de
décisions individuelles chaque jour de chacun d'entre nous qui sont
indispensables pour que l'hiver prochain se passe bien. État, collectivités,
entreprises, particuliers, tout le monde a son rôle à jouer selon ses moyens et
ses capacités. Évidemment, ce ne sont pas les Français en situation de précarité
énergétique sur qui les efforts doivent peser. Nous travaillons sur ce plan de
sobriété depuis l’été et la ministre de la Transition énergétique y reviendra.
Le second enjeu pour affronter la crise énergétique cet hiver, c’est la
solidarité européenne. Nos économies sont dépendantes les unes des autres et
nous pouvons avoir besoin de nos voisins pour nous livrer de l’électricité.
Grâce à nos terminaux méthaniers, nous sommes devenus un point d’entrée de gaz
en Europe. Nous devons fournir une part de ce gaz à nos partenaires européens
qui, en retour, nous fourniront en électricité. Mesdames et Messieurs, l’autre
question qui nous préoccupe tous, c’est celle des prix du gaz et de
l’électricité. Notre objectif aujourd’hui, c’est de stopper l’explosion des
cours de l’énergie à l’échelle européenne et de les ramener à plus de
modération. Concernant le gaz, les marchés fixent actuellement pour 2023 un
prix 5 fois supérieur à celui de 2021. Ces prévisions et les prix actuels du
gaz en Europe sont bien supérieurs à ceux qui se pratiquent ailleurs dans le
monde. Cette situation est liée à la guerre en Ukraine et à la décision russe
de couper presque totalement les exportations de gaz vers l'Europe. Face à cela
et à la crainte des marchés d'une pénurie du gaz cet hiver en Europe, les prix
du gaz montent. Sur l'électricité, les prix anticipés par les marchés en 2023
sont 10 fois supérieurs à ceux de 2021. À l'heure actuelle, ces prix de marché
sont considérablement plus élevés que les coûts de production. C'est dû, comme
pour le gaz, à une crainte excessive de pénurie. Mais ce n'est pas tout. Du
fait de l'arrêt d'une partie de notre parc nucléaire, une part d'électricité
plus importante que d'habitude est produite à partir de centrales gaz en France
et en Europe. Son coût de production a fortement augmenté du fait de l'envol
des prix du gaz. Tout cela conduit à des prix déraisonnables et nous sommes
résolus à y remédier. Pour faire baisser les prix du gaz et de l'électricité,
nous allons agir au niveau européen et au niveau national. Nous devons d'abord
rassurer les marchés sur les risques de pénurie. Les prévisions des
gestionnaires de réseau montrent que les craintes sont excessives et que les
prix sont donc exagérément hauts. Ensuite, nous ne sommes pas dupes : certains
spéculent sur la crise et font artificiellement monter les prix. Ce n'est pas
acceptable. Nous agirons contre la spéculation sur les prix de l'énergie. Ce
matin encore, la Commission européenne a proposé que chaque pays puisse
récupérer les marges exceptionnelles que certains producteurs d'énergie ont
réalisées dans ce contexte spéculatif. C'est un mécanisme à l'œuvre en France
sur le nucléaire et le renouvelable et que nous avons renforcé cet été. Mais
nous ne laisserons pas de situation de rente s'installer. Par ailleurs, j’ai
échangé hier avec la présidente de la Commission européenne Ursula VON DER
LEYEN, nous partageons une grande communauté de vues. Nous sommes convenus de
revoir les règles de plafonnement des prix du marché de l'électricité. Les
travaux sur les nouvelles règles ont déjà bien avancé. Nous souhaitons
également travailler ensemble sur la mise en place, d'ici la fin de l'année,
d'un plafond de prix sur le marché européen du gaz. L'objectif est d'éviter que
le prix du gaz en Europe ne s'écarte de celui qui est pratiqué ailleurs dans le
monde. Enfin, la France défendra la nécessité de fixer un plafond du prix du
gaz utilisé par les centrales électriques. C'est un sujet difficile, il
nécessite encore du travail, mais nous pensons que c'est un chantier important.
Au-delà de cette refonte des règles de marché, notre priorité absolue pour
maîtriser les prix, c'est de réduire notre dépendance à l'électricité produite
à partir d'énergies fossiles, le gaz et le charbon. À court terme, nous sommes
vigilants à ce qu’EDF tienne son planning de redémarrage des réacteurs
nucléaires, ce qui aura un effet immédiat sur la baisse des prix de
l'électricité. Nous savons que les équipes d'EDF sont pleinement mobilisées
pour atteindre cet objectif et je veux dire aux agents de cette entreprise ma
confiance face à ce défi. Pour les années qui viennent, nous devons accélérer
la mise en service des énergies renouvelables. À cet effet, un projet de loi
sera présenté le 26 septembre en Conseil des ministres. À plus long terme, nous
produirons davantage d'électricité décarbonée grâce à la construction des
nouveaux réacteurs nucléaires annoncée par le Président de la République.
Compte tenu de ces perspectives de baisse des prix du gaz et de l'électricité,
j'adresse une recommandation aux entreprises et aux collectivités. Soyez
prudents quand vous engagez de nouveaux contrats d'achat d'énergie, surtout
s'ils portent sur plusieurs années. Les prix aujourd'hui sont anormalement
élevés. Et dans cette période difficile, nous attendons des fournisseurs qu'ils
accompagnent leurs clients en proposant les meilleures offres. La Commission de
régulation de l'énergie a ouvert une enquête et sanctionnera les pratiques
abusives. Dans ce contexte d'explosion du prix du gaz et de l'électricité, la
France est le pays qui a le mieux protégé les ménages en Europe. Nous avons agi
très tôt avec le bouclier tarifaire qui a bloqué les prix du gaz et compte tenu
l'augmentation des prix de l'électricité. La facture moyenne des ménages qui se
chauffent au gaz est restée stable en France depuis octobre dernier, alors
qu'elle a augmenté de moitié en Belgique et elle a été multipliée par 3 aux
Pays-Bas et en Allemagne. Pour l'électricité, nous avons limité la hausse des
prix : 4 % en France alors que la facture a été multipliée par deux ou 3 en
Allemagne, en Belgique et aux Pays-Bas. Aujourd’hui, sans action du
Gouvernement, les tarifs du gaz et de l’électricité pour les ménages seraient
multipliés par 2,2 au début de l’année prochaine. Pour éviter ces augmentations
qui ne seraient pas soutenables, nous allons prolonger en 2023 le mécanisme de
bouclier tarifaire pour tous les ménages, pour les copropriétés, les logements
sociaux, les petites entreprises et les plus petites communes. Nous allons ainsi
limiter les hausses de prix à 15 % pour le gaz en janvier 2023, et à 15 % pour
l'électricité en février. 15 % au lieu de 120 %, c'est l'engagement que nous
prenons. L'écart ne sera pas reporté sur les factures des consommateurs en 2024
ou plus tard, il sera pris en charge par l’État. Très concrètement, ces
augmentations vont conduire à une hausse moyenne des factures de l'ordre de 25
euros par mois pour les ménages qui se chauffent au gaz, au lieu d'environ 200
euros par mois sans bouclier tarifaire. Et à une augmentation moyenne de
l'ordre de 20 euros par mois pour les ménages qui se chauffent à l'électricité,
au lieu de 180 euros par mois sans bouclier tarifaire. Ces chiffres
d'augmentation massive des prix ne sont pas théoriques, c'est la réalité de ce
que vivent des dizaines de millions de ménages en Grande-Bretagne, en Italie ou
en Allemagne. Si je résume, le bouclier tarifaire, c'est une économie d'environ
160 euros par mois pour les Français qui se chauffent à l'électricité, et une
économie d'environ 175 euros par mois pour les Français qui se chauffent au
gaz. Nous sommes aussi conscients des difficultés des Français, souvent parmi
les plus précaires, qui ne se chauffent ni au gaz, ni à l'électricité, mais au
fioul ou au bois. Le Parlement a voté cet été une enveloppe de 230 millions
d'euros destinée à aider ceux qui remplissent en ce moment leur cuve. Mesdames
et Messieurs, nous le savons bien, cette augmentation de 15 % n'est pas anodine
pour de nombreux Français. Nous avons donc décidé un accompagnement spécifique
pour aider les plus modestes. Aussi, je vous annonce que des chèques énergie
exceptionnels seront versés d'ici la fin de l'année. Cette aide concernera les
12 millions de foyers les plus modestes, soit 4 foyers sur 10, et son montant sera
de 100 euros ou 200 euros selon le revenu. Par exemple, une mère seule avec
deux enfants qui gagne le Smic touchera un chèque énergie exceptionnel de 200
euros. Et un couple de travailleurs avec un revenu cumulé de 3 000 euros nets
par mois avec deux enfants, bénéficiera d'une aide de 100 euros. Nous sommes
déterminés, comme depuis le début des crises que nous connaissons, à agir, nous
adapter et protéger les Français et notre économie. Je vous remercie. Et je
vais donc donner la parole au ministre de l'Economie et des Finances qui va
revenir sur le financement de l'ensemble de ces mesures. Monsieur le Ministre.