Enjeux règlementaires du PNNF et autorisation environnementale
Un projet de construction d’une paire de réacteurs EPR2 est un chantier de longue haleine, qui suppose un travail de préparation très en amont des premiers « coups de pioche ». Une composante essentielle de ce travail concerne l’obtention des autorisations administratives nécessaires au lancement des opérations de construction.
En raison de l’importance de cet enjeu pour la réussite du programme EPR2, l’une des missions de la DINN est de s’assurer que le maître d’ouvrage présente des dossiers de demandes d’autorisations administratives de qualité et obtienne les autorisations nécessaires pour chaque phase du projet en temps et en heure. Cette supervision implique à la fois de veiller à la qualité et à l’exhaustivité des dossiers présentés par EDF - de manière à obtenir une validation « du premier coup » -, et sur l’efficacité du processus d’instruction par les services de l’État compétents.
Depuis la loi relative à l’accélération des procédures nucléaires (voir infra), l’autorisation environnementale (AE) est l’une des trois principales autorisations requises pour la réalisation des projets nucléaires, avec l’autorisation de création (DAC) et l’autorisation de mise en service (DMES) des réacteurs. Si la dernière n’intervient que bien plus tard dans le développement du projet, le dépôt des dossiers de demande des deux premières est possible dès que le maître d’ouvrage confirme son intention de poursuivre le projet.
Cette décision du maître d’ouvrage ne peut intervenir qu’après avoir achevé la procédure de participation du public qui prend le plus souvent la forme, pour les projets de cette ampleur, d’un débat public organisé par la Commission nationale du débat public (CNDP). L’un des objectifs de cette période de concertation publique est de poser la question de l’opportunité du projet et de ses alternatives. Pour Penly, la décision du maître d’ouvrage de poursuivre le projet est intervenue le 28 juin 2023, à l’issue du débat public « Nouveaux réacteurs nucléaires et projet Penly » qui s’est tenu du 27 octobre 2022 au 27 février 2023 et a également porté sur les enjeux du programme dans son ensemble
[1].
Chacune des autorisations préalables nécessaires à la réalisation du projet poursuit un objectif spécifique. L’autorisation environnementale, délivrée par décret du Premier ministre, vise principalement à encadrer les incidences des travaux préparatoires du projet sur l’environnement, conformément aux règlementations applicables aux activités susceptibles de porter atteinte à l’environnement (ICPE), à la gestion de la ressource en eau (IOTA), et à la protection des espèces protégées. Dans le cadre de son instruction, l’administration s’attache à vérifier que le maître d’ouvrage propose des modalités de travaux dont les impacts environnementaux sont inévitables et restent les plus limités possibles.
Le dossier d’autorisation environnementale est ainsi composé de différentes pièces décrivant les activités du projet, les lieux d’implantation, les espèces concernées, ainsi que l’étude d’impact environnemental. Une fois déposé, ce dossier fait l’objet d’une instruction par les services déconcentrés de l’Etat, qui s’appuient sur les organismes publics ou des agences compétences. Durant cette phase, et lorsque cela s’avère nécessaire, le maître d’ouvrage peut être amené à étoffer son dossier, en complétant par exemple l’étude d’impact environnemental.
Enfin, il est à noter que, pour les projets de construction des réacteurs situés en bord de mer, l’obtention d’un titre d’occupation du domaine public maritime est également requise pour la partie des opérations et aménagement situés à proximité ou sur le rivage.
Les acquis de la loi « d’accélération du nucléaire »
La loi d’accélération du nucléaire du 22 juin 2023
[2] prévoit que l’autorisation environnementale (AE) permette seule l’engagement des travaux préparatoires, sans attendre l’obtention de l’autorisation de création (DAC). Cependant, cette anticipation des travaux ne s’applique pas aux bâtiments destinés à recevoir des matières nucléaires ou à héberger des matériels de sauvegarde, et donc au « premier béton nucléaire »
[3], pour lesquels l’obtention du DAC reste nécessaire.
Par « travaux préparatoires », on désigne ainsi l’ensemble des opérations de préparation du site d’accueil du projet hors bâtiments destinés à accueillir du combustible nucléaire (terrassement, défrichage, etc.).
Le lancement des travaux préparatoires du chantier de Penly
Avec la publication le 5 juin et le 6 juillet des décrets d’autorisation environnementale
[4] et d’approbation de la convention d’utilisation du domaine public maritime relative aux travaux en mer et sur le rivage
[5], le démarrage de l’ensemble travaux préparatoires est désormais possible sur le site de Penly.
Ces autorisations marquent l’aboutissement d’un processus d’instruction par les services de l’Etat de près de onze mois, depuis le dépôt des dossiers du projet EPR2 Penly le 28 juin 2023. Ce délai d’instruction a permis d’enrichir le projet
[6] jusqu’au lancement de la procédure d’enquête publique qui s’est déroulée du 1er février au 6 mars 2024. Celle-ci a fait l’objet d’un avis favorable sans réserve de la Commission d’enquête dédiée.
L’objectif de ces travaux préparatoires qui s’étaleront sur un peu plus de trois ans et dont le lancement sera progressif à compter de cet été consiste à préparer le site afin d’accueillir dans les meilleures conditions le chantier nucléaire, sous réserve de l’obtention future du décret d’autorisation de création (DAC) - autorisation qui sera précédée d’une nouvelle enquête publique prévue pour début 2026.
Les travaux préparatoires planifiés relèvent principalement de travaux de génie civil visant à reprofiler la falaise (déjà en partie artificialisée au moment de la construction des réacteurs Penly 1 et 2 dans les années 1980) et à élargir la plateforme en mer (de l’ordre de 20 hectares) à des fins de logistique de chantier. Ils incluent également les déplacements de certaines espèces - comme les orchidées et les batraciens - pour veiller à leur préservation dans le cadre de la démarche éviter - réduire - compenser (ERC), des interventions de défrichement dans le respect des calendriers naturels et la mise en place de dispositifs de limitation des bruits, de poussières et de vibrations. Enfin, ils permettront le début de la construction de certains ouvrages en dehors de l’îlot nucléaire du réacteur, comme les ouvrages de prise d’eau (canal d’amenée, stations de pompage et ouvrages de rejets en mer).
A court terme, dans la foulée de la publication des décrets d’autorisation, les entreprises en charge des premiers travaux vont pouvoir s’installer sur le site.
[1] Tous les éléments, en particulier le dossier du maître d’ouvrage, ayant été mis en discussion lors du débat public « Nouveaux réacteurs nucléaires et projet Penly » sont accessibles sur le
site de la CNDP
[3] Le premier béton correspond à la première coulée de béton d’un réacteur nucléaire, généralement pour la réalisation du radier, base des fondations.
[4] https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000049655806
[5] Décret n°2024-704 : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000049889692
Décret n°2024-705 : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000049889730
[6] En particulier sur l’étude d’impact environnemental, grâce aux conclusions d’un
avis globalement positif de l’Autorité environnementale (AE) de l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD) publié le 9 novembre 2023