Retour sur la Conférence sociale du 16 octobre 2023

Ce contenu a été publié sous le gouvernement de la Première ministre, Élisabeth Borne.

Publié le 18/10/2023|Modifié le 18/10/2023

La Conférence sociale du 16 octobre 2023 a débouché sur plusieurs mesures pour que le travail paie plus et que les salariés aient davantage de perspectives professionnelles. Retour en vidéos sur les temps forts de la conférence.

La Première ministre pendant son discours à la Conférence sociale du 16 octobre 2023.
La Première ministre pendant son discours à la Conférence sociale du 16 octobre 2023. - Source : Matignon / Damien Carles
La Première ministre a réuni lundi 16 octobre 2023 au Cese l’ensemble des organisations syndicales et patronales pour une conférence sociale portant sur les dynamiques de parcours et de rémunération.

Après le discours introductif de la Première ministre, la matinée a été consacrée, notamment, à la prise de parole d’experts :
  • M. Jean-Luc TAVERNIER (INSEE) sur les éléments macro-économiques et conjoncturels,
  • Mme Sandrine CAZES (OCDE) sur une comparaison internationale des salaires,
  • M. Antoine BOZIO (Institut des politiques publiques) sur l’impact du système socio-fiscal sur les salaires,
  • M. Gilbert CETTE (professeur à Neoma business school) sur la situation des travailleurs pauvres.
Source : Ouverture de la Conférence sociale au CESE

Le discours d'ouverture d'Elisabeth Borne et les interventions d'experts lors de la Conférence sociale du 16 octobre 2023.

Mesdames et Messieurs les ministres,

Monsieur le président du Conseil économique, social et environnemental,

Mesdames et Messieurs les secrétaires généraux,

Messieurs les présidents,

Mesdames et Messieurs,


Avant toute chose, je voulais avoir un mot après le drame qui a touché notre pays vendredi dernier à Arras, Dominique Bernard, professeurs de Lettres au lycées Gambetta, a été sauvagement assassiné, victime du terrorisme islamiste. Un autre enseignant, et deux agents de service, ont été blessés. Cette attaque survient à un moment particulier. Trois ans pratiquement jour pour jour après la mort de Samuel Paty, et dans le contexte géopolitique que nous connaissons.

Avant d'entamer nos échanges, je voulais une fois de plus adresser mes pensées, dire ma solidarité, celle de mon gouvernement, et je n'en doute pas, celle de chacune et chacun envers les familles, les proches, et les collègues des victimes. Dire notre soutien à toutes les équipes du lycée Gambetta, aux parents, aux élèves, et plus généralement, assurer tous les enseignants de France de notre mobilisation et de notre soutien. Comme le feront tous les établissements scolaires de France tout à l'heure, je vous propose d'observer une minute de silence.


Je vous remercie.


Après échange avec les uns et les autres, nous avons décidé de maintenir cette conférence sociale, car nous n'acceptons pas que le terrorisme mette notre pays à l'arrêt. Je vous prie par avance de m'excuser mais en raison de cette situation, je devrai rejoindre l'Élysée pour un Conseil de Défense et de Sécurité nationale à midi. Face à de tels drames, nous avons un devoir d'unité. L'unité, ça n'est pas nier nos différences, c'est aussi être capable de se parler, de mener ensemble un dialogue apaisé, pour construire des solutions dans l'intérêt du pays et des Français. C'est précisément l'enjeu de cette conférence sociale, dans la lignée des rencontres de Saint-Denis initiées par le président de la République, avec les paris politiques.

Au sein de cet hémicycle du Conseil économique, social et environnemental, chambre de la société civile, nous ouvrons aujourd'hui, organisations patronales, syndicales, gouvernement, chercheurs, experts, une nouvelle étape pour notre démocratie sociale. La semaine dernière, avec le ministre du Travail Olivier Dussopt, j'ai eu l'occasion de m'entretenir avec vous, pour préparer cette conférence sociale. Je souhaite que le dialogue soit ouvert et que nous puissions évoquer les sujets qui vous tiennent à cœur. C'est dans cet état d'esprit que nous avons tenu compte de vos demandes sur le déroulé de cette journée, et ajusté les thèmes de cette journées en conséquence.


A travers vos interventions puis de quatre ateliers, nous aurons l'occasion de mettre sur la table des enjeux importants pour l'ensemble des Français qui travaillent.


Pendant de nombreuses années, les conférences sociales ont été consacrées à la question du chômage. Grâce à la politique économique menée depuis 2017, deux millions d’emplois ont été créés, et le chômage a baissé de près de trois points. Aujourd'hui, grâce à un taux de chômage plus bas, des travailleurs ont plus de pouvoir de négociation au sein des entreprises et des branches - c'est particulièrement vrai dans les branches où il existe des tensions de recrutement - et qui doivent en partie réinventer les conditions de travail pour continuer à être attractives.


Dans ce nouveau contexte, notre ambition de plein emploi doit aller de pair avec le bon emploi. C'est pour cela que nous nous retrouvons aujourd'hui, avec la volonté que le travail paie mieux, et de relancer la promotion sociale. Car nous avons une conviction : c'est d'abord du travail que vient le pouvoir d'achat. C'est le sens de la politique économique menée depuis six ans sous l'autorité du président de la République, par le ministre de l'Économie Bruno Le Maire, en restaurant notre attractivité, en baissant les impôts et les charges, et en investissant massivement dans les secteurs d'avenir. C'est aussi l'objectif de la réforme du marché du travail et de la réforme de l'assurance chômage.


De plus, face à l'inflation, nous avons eu une attention particulière au pouvoir d'achat des classes moyennes et des plus modestes. Nous avons lancé le bouclier énergétique, un chèque énergie exceptionnel, et l'indemnité carburant. Et avec le ministre du Travail Olivier Dussopt, nous avons revalorisé les petites retraites. Avec la ministre des Solidarités et des Familles Aurore Bergé, nous simplifions le versement de la prime d'activité. Mais les Français nous le disent : il faut que le travail paie mieux, notamment dans certaines professions essentielles. Des actions ont été engagées pour améliorer le partage de la valeur dans les entreprises - je pense notamment à la prime dite Macron, désormais pérennisée avec la prime de partage de la valeur, mais aussi à l'accord que vous avez trouvé et que le Parlement est en train de retranscrire fidèlement dans la loi.


Du côté des agents publics, le Gouvernement a pris ses responsabilités avec les hausses du point d'indice, le Ségur de la Santé pour les [personnels hospitaliers], ou encore la revalorisation des rémunérations de tous les enseignants. Mais en dehors de la fonction publique, l'évolution de la rémunération relève de la négociation de branche ou d'entreprise, pas de l'État. C'est l'enjeu central de notre réflexion commune aujourd'hui, c'est la négociation qui amènera la révision des grilles de classification, c'est la négociation que fera évoluer les salaires minimums des branches qui sont encore en-dessous du Smic, et c'est ensemble que nous pourrons progresser sur la question des temps partiels subis et des contrats courts. Bien sûr, l'État prendra toute sa part. Je souhaite notamment mener une action résolue et renforcée en faveur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. C'est l'un des thèmes des ateliers de cet après-midi, des actions fortes sont nécessaires. Nous devons agir ensemble : c'est au cœur de la feuille de route de la ministre Bérangère Couillard.


Mesdames et Messieurs, cette Conférence sociale doit être l'occasion de nous demander comment collectivement, nous pouvons accélérer la promotion sociale, et faire progresser les salariés. C'est aussi une condition de notre compétitivité. Aujourd'hui, avec le ralentissement des gains de compétitivité, les salaires n'augmentent plus avec le dynamisme d'autrefois. Et la promesse républicaine d'ascension sociale et salariale tout au long de la carrière, est souvent remise en question. Personne n'aspire à passer toute sa carrière au même niveau de rémunération, chacun doit avoir des perspectives, à la fois de carrière et de salaire.


Ma conviction, c'est qu'il n'y a pas de fatalité. Et c'est notamment en investissant dans les compétences et dans la formation tout au long de la vie qu'il est possible de relancer cette dynamique. C'est le sens de la politique menée depuis 2017, en favorisant l'apprentissage, la formation, avec par exemple la création du compte personnel formation, et en accompagnant davantage les personnes les plus éloignées de l'emploi. Avec Olivier Dussopt, nous poursuivons notre action , notamment avec la création de France Travail


Vos discussions aujourd'hui sont complémentaires de celles que vous allez aborder dans l'agenda social, avec l'ouverture prochaine d'une négociation sur l'emploi des seniors, et les enjeux de parcours et de reconversion professionnelle.


Mesdames et Messieurs, sur la façon d'améliorer le pouvoir d'achat, et les carrières par la négociation collective, sur la lutte contre les temps partiels subis et les contrats courts, sur l'impact des cotisation et des prestations sociales sur les revenus, ou pour renforcer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, je souhaite que cette conférence sociale soit l'occasion de partager les constats, trouver des points d'accord, et des perceptives d'évolution au service des travailleurs et des entreprises. Nous en avons la responsabilité, je dirais même le devoir, car ce sont les attentes des salariés et des Français. Nous devons collectivement y répondre.


Je vais maintenant laisser la parole à Jean-Luc Tavernier, Sandrine Cazes, Antoine Bozio et Gilles Bercette, pour dresser un diagnostic de notre situation économique et sociale. Je tiens à les remercier particulièrement pour leur présence aujourd'hui.


Je vous remercie.

Elisabeth Borne, Première ministre

Une partie de l’après-midi a été dédiée à des échanges en ateliers autour de quatre thématiques :
  • l’amélioration du pouvoir d’achat et des carrières par la négociation collective,
  • l’amélioration des salaires en luttant contre les temps partiels subis et les contrats courts,
  • l’évaluation de l’impact des cotisations et des prestations sociales sur les revenus,
  • le renforcement de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Ces ateliers ont donné lieu à une restitution en hémicycle qui a été suivie du discours de conclusion de la Première ministre.
Source : Clôture de la Conférence sociale au CESE

Les conclusions des ateliers thématiques et le discours de clôture d'Elisabeth Borne lors de la Conférence sociale du 16 octobre 2023.

Mesdames et Monsieur les ministres,

Monsieur le Président du Conseil économique, social et environnemental,

Mesdames et Monsieur les secrétaires généraux,

Messieurs les Présidents,

Mesdames et Messieurs,

Je tenais d’abord à vous remercier pour cette journée de travail très intéressante, riche et dense.

Les présentations autour de notre contexte économique et social ce matin, les interventions des partenaires sociaux et le travail mené lors des ateliers, sont autant de moments forts, où les idées ont pu s’exprimer, le débat se tenir et les propositions émerger.

Je souhaite remercier tout particulièrement les rapporteurs des différents groupes, François NOGUÉ, Karima SILVENT, Dominique LIBAULT et Sylvie PERETTI, pour leurs restitutions claires, utiles et passionnantes.

Et plus globalement, je voulais saluer votre engagement pour faire de cette Conférence sociale, non seulement un moment de concertation utile, mais aussi une première étape de construction de solutions.

Ce matin, j’ai eu l’occasion de revenir sur les grands enjeux de cette journée, et notamment notre volonté de donner des réponses à nos concitoyens pour que le travail paye mieux et pour renforcer la promotion sociale.

Dans la continuité des restitutions de vos travaux, je souhaitais revenir sur plusieurs enjeux importants et avancer quelques propositions.

Mais avant de développer mon propos, je voudrais souligner un point : pour tous les défis devant nous, l’État a bien sûr sa part de responsabilité, et j’entends la prendre.

Ainsi, pour la fonction publique, le ministre Stanislas GUERINI a transmis vendredi une proposition d’agenda social ambitieux avec l’ouverture de plusieurs cycles de négociation : sur les rémunérations et les parcours de carrière, sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, sur la formation, sur les conditions et l’organisation du travail.

Mais pour le secteur privé, les questions de rémunérations et de parcours professionnels relèvent avant tout du dialogue social et de la négociation collective.

Je sais combien les partenaires sociaux sont attachés au respect de leurs prérogatives.

Je sais pouvoir compter sur l’engagement et la mobilisation de toutes et tous.

*

Mesdames et Messieurs,

Notre premier défi collectif, c’est que le travail paye mieux.

Aujourd’hui, certains de nos concitoyens nous le disent : « on ne s’en sort pas, même en travaillant ».

Certes, la baisse de la productivité ces dernières années a eu un effet sur l’évolution des rémunérations.

Certes, les revalorisations automatiques du SMIC et les négociations salariales ont essentiellement bénéficié aux plus bas salaires, avec pour conséquence un tassement des rémunérations et des perspectives d’augmentation amoindries.

Mais quand on se donne l’objectif d’atteindre le plein emploi, on doit aussi garantir l’accès au bon emploi.

Il est donc important de conserver une forte dynamique des rémunérations avec des effets bénéfiques pour la motivation des salariés, pour le pouvoir d’achat et pour notre croissance.

Sans se substituer aux branches et aux employeurs, l’État doit donner une impulsion, orienter, voire parfois sanctionner.

Autrement dit, prendre toute sa part pour accompagner la dynamique des rémunérations et des carrières.

Je vous donne un exemple : ce n’est pas normal que près de 50% des branches n’aient pas actualisé leurs grilles de rémunération depuis plus de 10 ans, voire 20 ans pour certaines.

De fait, les classifications salariales ne prennent plus suffisamment en compte l’évolution des métiers et des compétences, et elles manquent de dynamisme.

C’est néfaste pour les salariés et leur pouvoir d’achat, mais c’est aussi préjudiciable pour les entreprises, car l’absence de perspectives peut engendrer un désinvestissement des salariés au travail.

C’est pourquoi je souhaite que le ministère du Travail puisse renforcer son accompagnement des branches dont les classifications sont anciennes.

Mais vos discussions cet après-midi l’ont montré, nous avons besoin d’une instance pour inscrire nos échanges dans la durée.

Je vous propose donc la mise en place d’un Haut conseil des rémunérations.

Lieu de travail, d’échanges et de propositions, il nous permettra d’avancer sur le lien entre productivité, création de valeur et salaire.

Il permettra de suivre et d’accompagner la révision des classifications et de prévenir les tassements des grilles, par exemple en garantissant qu’un effort pour se former se traduise par une réelle progression du salarié.

C‘est un enjeu clé et avec les ministres Olivier DUSSOPT et Carole GRANDJEAN, le Gouvernement est déterminé à agir.

Le Haut-Conseil suivra le déploiement des mécanismes de partage de la valeur, déterminants pour valoriser l’investissement des salariés dans l’entreprise.

Ce Haut Conseil permettra également d’approfondir notre constat, nos études et nos propositions sur les temps partiels subis et les contrats courts.

Certains d’entre vous ont souhaité une évaluation des dispositifs qui ont été mis en place à la suite de votre Accord national interprofessionnel de 2013 pour désinciter au temps partiel.

Ce travail pourra être l’un des chantiers prioritaires du Haut Conseil.

Ce Haut Conseil devra également se pencher, et j’y tiens, sur la question de la situation salariale des femmes, avec un seul cap : l’égalité.

Les missions de ce Haut conseil seront inscrites dans la loi.

Vous serez pleinement associés à sa définition.

Le ministre du Travail, Olivier DUSSOPT, mènera des consultations avec vous à partir du mois de décembre pour en définir les contours, la composition et le fonctionnement.

Sur les minima de branches, j’entends la volonté de certaines organisations syndicales d’aller plus loin en instaurant des mesures coercitives.

Aujourd’hui, 10 branches ont des minima durablement inférieurs au SMIC.

Certes, il y a eu des améliorations ces dernières années, mais la situation demeure insatisfaisante.

Je le disais déjà en tant que ministre du Travail.

Je le dis toujours comme Première ministre.

C’est la position constante du Gouvernement.

Et nous devons ensemble remédier rapidement à cette situation.

Le ministère du Travail recevra prochainement toutes les branches ayant des minima en dessous du SMIC, pour qu’elles s’expliquent sur leur retard.

La démarche sera transparente et nous ferons connaître la liste de ces branches dans les prochaines semaines.

Si nous ne constatons pas de progrès significatifs d’ici le 1er juin 2024, le Gouvernement proposera au Parlement un texte de loi qui permettra de calculer les exonérations non pas sur la base du SMIC, mais sur la base du minima de branche.

Les entreprises de ces branches avec des grilles conformes au SMIC ne seront pas concernées.

Chacun doit prendre ses responsabilités.

J’invite ces branches à ouvrir sans tarder des négociations.

Et si cela ne suffit pas, nous prendrons les nôtres.

*

Mesdames et Messieurs,

Les questions que je viens d’évoquer illustrent des difficultés de fonctionnement de certaines branches, où le dialogue social est parfois dégradé, voire inexistant.

Cela peut être dû à un éparpillement important des branches, qui nuit à l’efficacité de la négociation.

Depuis 2017, les fusions de branches ont bien avancé.

Il y en a 171 aujourd’hui, mais avec la crise sanitaire, nous avons mis en pause ce chantier.

Je vous propose donc de lancer l’acte II de la restructuration des branches.

Je sais que c’est un enjeu important pour vous.

Dès le début de l’année prochaine, le ministre du Travail entamera un cycle de concertations avec les organisations syndicales et patronales dans cet objectif.

Je le dis devant vous, la taille de la branche ne peut pas être le seul critère pertinent et nous ne fixerons pas de critères quantitatifs.

Mais il est essentiel que nous allions au bout de cette démarche.

Il en va de la qualité du dialogue social et de la réponse à toutes les attentes de nos concitoyens.

Une branche qui fonctionne, c’est une branche avec des meilleures rémunérations, une politique de formation efficace et des perspectives d’évolutions pour les salariés.

Comme je l’ai indiqué lors des entretiens bilatéraux avec vous, je souhaite une approche au cas par cas et prévoir la fusion lorsque cela permet un progrès dans la négociation collective.

*

Votre deuxième atelier portait sur le temps partiel subi et les contrats courts, qui sont la première cause de précarité et de pauvreté au travail.

En 20 ans, la proportion de salariés en contrat court a beaucoup augmenté, et le nombre de CDD de moins d’un mois a été multiplié par 2,5.

Le bonus – malus, pleinement entré en vigueur cette année, commence à montrer des effets positifs.

Par ailleurs, environ 1,5 million de salariés sont concernés par le temps partiel subi, et ne peuvent pas gagner davantage, car ils ne peuvent pas travailler davantage.

C’est incompréhensible alors que certains secteurs font face à des importantes tensions de recrutement.

C’est surtout l’une des premières raisons pour lesquelles certains travailleurs restent sous le seuil de pauvreté.

Et comme souvent, les femmes sont beaucoup plus touchées que les hommes.

Une femme qui élève seule son enfant et à qui son employeur ne propose qu’un contrat de 20 heures par semaine est de façon quasi certaine condamnée à vivre dans la pauvreté.

Comme je l’ai indiqué à l’instant, je souhaite que ce défi puisse être un chantier prioritaire sur lequel se penche le Haut Conseil des Rémunérations, afin de préparer une négociation interprofessionnelle sur les temps partiels dans une deuxième étape de l’agenda social.

Sans attendre, vous pourrez examiner la question du Compte Personnel Formation, y compris pour les salariés à temps partiel, dans le cadre de votre négociation sur les parcours et la formation professionnelle.

Par ailleurs, nous devons avancer de manière pragmatique, dans tous les territoires, pour que l’articulation entre l’offre et la demande d’emploi permette d’organiser des cumuls de temps partiels.

La mobilisation des groupements d’employeurs et le déploiement de France Travail sont des leviers pour y arriver.

L’État donnera également l’impulsion pour développer la négociation collective au niveau territorial.

*

Autre défi que je voulais aborder avec vous, et qui me tient à cœur : c’est celui de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Aujourd’hui, le constat est clair : malgré les mesures prises, notamment depuis 2017, des inégalités demeurent entre les femmes et les hommes au travail, en particulier en termes de rémunération et de progression dans les carrières.

Mixité des métiers, orientation professionnelle, accès aux postes à responsabilité, égalité salariale : nous devons agir sur tous les leviers.

L’index de l’égalité professionnelle a été un outil important pour faire progresser les entreprises, même s’il ne doit pas se substituer aux négociations sur le sujet.

Il est évidemment perfectible et il demeure certains biais – certains l’ont souligné –, mais il a permis de faire bouger les lignes et inspiré l’Union européenne.

Fort de notre expérience et des idées dont vous venez de nous faire part, je vous propose de bâtir un nouvel index.

Nous en fixerons les ambitions et nous le construirons dans la concertation.

Il doit être plus ambitieux, plus transparent.

Nous devons aussi le rendre plus fiable encore et mieux contrôler son application.

Je vous propose d’engager dès maintenant des travaux pour faire aboutir ce nouvel index dans les 18 mois, anticipant ainsi le délai de transposition de la directive transparence salariale.

J’ajoute que l’égalité professionnelle, c’est aussi permettre aux jeunes parents de mieux concilier leur vie familiale et leur activité professionnelle.

Nous agissons en ce sens.

Nous avons doublé la durée du congé paternité.

Nous sommes en train de mettre en place un service public de la petite enfance, qui va permettre d’augmenter le nombre de solutions d’accueil pour les jeunes enfants.

Nous voulons aller encore plus loin, et avec la ministre des Solidarités et des Familles, Aurore BERGE, nous souhaitons engager une réforme du congé parental.

Notre objectif : qu’il évolue vers une période d’interruption choisie, mieux rémunérée, partagée entre les parents et qui permette un retour plus facile vers l’emploi.

Ce nouveau congé parental, indemnisé par la sécurité sociale, doit pouvoir être attractif pour la mère comme pour le père.

Une concertation sur cette réforme va être ouverte rapidement avec les organisations syndicales et patronales.

Devenir parent ne doit pas être un frein à l’emploi et à la progression des carrières, particulièrement pour les femmes.

*

Dernier sujet que je souhaitais évoquer, celui des dispositifs d’exonérations de cotisations et de prime d’activité.

Je sais que certains d’entre vous doutent de l’utilité de certains allègements.

Je veux le dire franchement : la politique que nous menons depuis 6 ans donne des résultats pour l’emploi comme pour la réindustrialisation.

Ces exonérations améliorent notre attractivité, créent de l’emploi et aident aussi à le préserver.

Quant à la prime d’activité, elle répond à notre volonté d’inciter à l’emploi, en faisant en sorte que le travail paye plus que l’inactivité.

Nous ne dévierons pas de notre cap économique.

En revanche, nous devons veiller sans cesse à l’efficacité de nos dispositifs, et vérifier qu’ils n’aient pas d’effets pervers, notamment l’enfermement dans des bas salaires ou le manque d’incitation à la reprise d’activité.

Vous avez également souligné le problème de lisibilité des prestations sociales.

Je le comprends.

Nous y travaillons avec la mise à disposition des données individuelles sur les prestations par la plateforme « Mes droits sociaux ».

C’est également tout l’objet de la solidarité à la source pour permettre dans un premier temps, un remplissage automatique des données de revenus pour le RSA et la prime d’activité.

Cette simplification, c’est aussi le gage de données plus fiables et d’un juste recours aux prestations sociales.

C’est la garantie que chacun puisse toucher ce à quoi il a droit.

De plus, je trouve également intéressant de pouvoir connaître de manière transparente les aides publiques et les exonérations dont chaque entreprise bénéficie.

Enfin, sur les exonérations de cotisations sociales, j’entends le besoin d’avoir davantage de données par secteur ou par entreprise et davantage de débats.

Aussi, je confierai très prochainement une mission à des experts pour poursuivre ces travaux et analyser les interactions entre exonérations, salaires et prime d’activité.

Cette mission associera les partenaires sociaux et les forces politiques. Je souhaite que ses conclusions soient rendues dans les 6 mois.

Ces travaux nous donneront un cadre pour nos prochaines discussions.

Nous sommes ouverts à des évolutions, si elles améliorent la rémunération du travail et les perspectives professionnelles et ne dégradent ni l’attractivité, ni l’emploi, ni nos comptes publics.

*

Mesdames et Messieurs,

Je voulais enfin avoir un mot de méthode.

J’ai parlé ce matin d’étape importante pour notre démocratie sociale.

J’ai toujours eu une conviction : c’est par le dialogue et la concertation que l’on trouve des meilleures solutions.

Le dialogue social est une force.

Il est nécessaire pour répondre à bon nombre des enjeux de la vie au travail, pour permettre au plein emploi d’aller de pair avec le bon emploi.

C’est grâce au dialogue social que nous répondrons à certaines des préoccupations les plus fortes des Français.

J’ajoute que Conférence sociale et agenda social sont complémentaires, et que certains des échanges que nous avons eus aujourd’hui peuvent trouver des issues dans les négociations à venir.

Le document d’orientation de l’agenda social du 12 juillet vous sera transmis dans les prochains jours.

Une fois de plus, devant vous, je m’engage à retranscrire fidèlement les accords trouvés dans ce cadre.

Ensuite, je crois que le dialogue social et nos politiques de l’emploi doivent se tourner davantage vers les territoires.

Il n’y a pas de réponse unique aux défis de l’emploi.

Chaque territoire a ses forces et ses faiblesses, ses atouts, ses filières en développement.

Nous devons donc faire émerger des réponses locales.

Comme je le disais tout à l’heure, nous serons mobilisés pour développer le dialogue social au niveau des territoires.

*

Mesdames et Messieurs,

Aujourd’hui, éclairé par des experts, nous avons montré l’intérêt et l’importance d’un dialogue entre l’État et les partenaires sociaux, pour avancer sur les priorités des Français.

Pour faire en sorte que le travail paye mieux.

Pour veiller à ce que la promotion sociale fonctionne dans notre pays.

C’est une étape importante.

Ensemble, nous voulons donner des solutions aux travailleurs, aux entreprises.

Ensemble, nous voulons offrir des solutions aux Français.

Je vous remercie.

Elisabeth Borne, Première ministre

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