L'espace pour tous

Ce contenu a été publié sous le gouvernement de la Première ministre, Élisabeth Borne.

Publié le 18/09/2022|Modifié le 20/09/2022

Le 73ème congrès international d'astronautique a réuni, en France, l'ensemble des acteurs de l'espace autour des toutes dernières informations et innovations en matière spatiale. La Première ministre a annoncé un plan de 9 milliards d'euros d'investissements dans le secteur pour les 3 prochaines années.

Source : 73ème Congrès International d'Astronautique : intervention d'Élisabeth Borne

Intervention d’Élisabeth Borne au 73ème Congrès International d’Astronautique.

Madame la ministre, chère Sylvie,

Monsieur le président du CNES, cher Philippe BAPTISTE,

Monsieur le directeur général de l’Agence spatiale européenne, cher Joseph ASCHBACHER,

Mesdames et Messieurs, chers astronautes, entrepreneurs, industriels, étudiants.


Il y a quelques jours, des images nous sont parvenues, venues directement du ciel, celles d'une France jaunie par la sécheresse. Depuis des mois, les images du télescope James-Webb fascinent le monde et ouvrent de nouvelles portes pour notre recherche. Au moment même où nous parlons, depuis les données de nos téléphones portables, jusqu'aux communications de nos forces, une grande partie de nos quotidiens, de notre défense, de notre recherche, dépend de l'espace. Je tenais à être présente parmi vous.

 

D'abord parce que le Congrès international d'astronautique fait de la France, à travers le CNES, et pour quelques jours, le Centre mondial de la recherche et des échanges pour toute l'industrie spatiale. Mais je voulais prendre part à cette édition aussi, parce que le thème que vous avez choisi, l'Espace pour tous, reflète parfaitement la conviction de la France, et les défis à venir. Mesdames et Messieurs, nous vivons une période de bouleversements majeurs. Je pense aux bascules géopolitiques bien sûr, mais aussi aux lames de fond que sont les changements climatiques et numériques.

 

Pour les surmonter, l'espace sera crucial. Qu'il s'agisse des émissions de gaz à effet de serre, du niveau des océans, ou encore de l'évolution des surfaces végétales, seuls les satellites peuvent permettre de mesurer en tout point du globe, et dans la durée, les paramètres du dérèglement climatique. Ce sont plus de la moitié des données utiles au GIEC, par exemple, qui ne peuvent être mesurées que de l'espace. Notre mission est maintenant de mettre l'espace au service de la transition écologique. Dès à présent, les satellites et les services Copernicus permettent, notamment à des startups, de détecter des fuites de méthane de l'industrie pétrolière et gazière. Déployés par l'Union européenne, ils sont un parfait exemple de ce que nous pouvons faire ensemble.

 

Nous devons aller plus loin, être plus ambitieux encore. C'est précisément l'objet du Space Climate Observatory, qui rassemble 40 agences et organisations, déterminées à se battre pour évaluer, atténuer, et nous adapter au dérèglement climatique. C'est une excellente chose, continuons dans cette direction. Je veux ajouter que le spatial ne doit pas seulement être un outil au service de notre action pour la transition écologique. Pour la première fois, les questions de compensation carbone et de gestion responsable sont prises en compte par l'organisation même de ce congrès. C'est le signe d'une inflexion majeure, et c'est le signe de votre responsabilité.

 

Ensuite, parler d'espace, c'est parler de numérique. Nos téléphones, nos systèmes de géolocalisation, Internet, tout dépend aujourd'hui de notre activité spatiale. Au fil du temps, nos technologies se sont perfectionnées, et il y a quelques jours à peine, Ariane 5 a décollé de Kourou avec à son bord le satellite Eutelsat VHTS Konnect. Ce satellite, c'est Internet très haut débit pour 500 000 personnes en Europe, en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. C'est aussi le succès d'une R et D, efficacement stimulée par le Secrétariat général pour l'investissement et par le CNES.

 

Nous le voyons, la connectivité s'accélère, et elle sera une des clés de notre puissance économique, comme de notre souveraineté. C'est pourquoi nous avons décidé, à l'échelle européenne, de compléter nos deux programmes spatiaux phares, Galileo et Copernicus, par une initiative de connectivité sécurisée. Le but de ce programme est clair : créer un système européen pour des télécommunications spatiales sécurisées. C'est utile pour les citoyens européens, en permettant des connexions modernes, y compris dans les zones blanches, c'est impératif pour notre sécurité nationale, et nous pourrons bénéficier partout et dans le monde entier de télécommunications de bonne qualité et au plus haut standard de sécurité. Mais au-delà des projets spatiaux que vous portez, nous devons aussi accentuer nos coopérations en matière de recherche spatiale. Parce que c’est souvent dans l’espace que nous avons fait des découvertes scientifiques aux retombées que nous ne soupçonnions pas. Je pense notamment aux missions Proxima et Alpha de Thomas PESQUET, les expériences menées à bord de la Station spatiale internationale ont permis des résultats en matière de santé, notamment sur la sédentarité. L'espace est donc un immense laboratoire d'exploration scientifique. Et je veux saluer ici l'excellence de notre recherche spatiale française, et le travail mené par le monde de la recherche, par le CNES, par le CNRS, et par tous ceux qui placent la France à la pointe du spatial.

 

Mais je voudrais partager une conviction profonde avec vous : Ma conviction, c'est que notre excellence est décuplée quand nous travaillons en coopération. Il y a peu de secteurs plus fédérateurs que la recherche spatiale. Peu de secteurs où la coopération s'impose aussi fortement : Huygens, Cassini, Rosetta Philae, sont autant de missions que nous ne pouvions réussir qu’en commun. Nous continuerons à promouvoir la coopération, et l'Agence spatiale européenne doit y jouer un rôle central. Et de la même façon, nous devons nous unir autour de grands projets d'exploration qui nous fédèrent, nous dépassent, et permettront des avancées concrètes sur Terre.

 

Mesdames et Messieurs, en lançant cet appel à la coopération, je reste parfaitement lucide. J'évoquais il y a quelques instants les bouleversements de notre monde ; l'espace n'en est pas exempt. D'abord, il y a la centralité de l'espace pour nos quotidiens et toutes nos politiques publiques. Ensuite, avec la multiplication des usages de l'espace, celui-ci devient de plus en plus encombré, pollué, et les débris peuvent être des menaces pour nos satellites, comme pour nos activités. Nous devons en tenir compte, et l'Europe est pionnière en la matière. Enfin, et c'est une révolution qui nous préoccupe particulièrement, on y voit des actes d'espionnage. On sait aujourd'hui aussi que certains États peuvent empêcher l'accès à l'espace, dégrader des satellites, ou les dévier de leur orbite. L'espace devient un champ de confrontation à part entière, ça n'est plus une fiction. Dans ce contexte inédit, le président de la République, à Toulouse, a fixé les grandes ambitions de notre stratégie spatiale ; d'une stratégie que nous n'envisageons qu'avec l'Europe.

 

La première ambition, c'est de garder en français, et en européen, notre autonomie d'accès à l'espace. C'est une question déterminante, une question de souveraineté. Nous ne pouvons pas être le seul continent qui accepte de dépendre d'autres puissances pour ses lancements. Cela signifierait mettre notre accès à l'espace dans les mains d'autres nations. Nous ne pouvons évidemment pas l'accepter. Nous devons donc assumer la préférence européenne pour les lancements, gagner en compétitivité et construire de grands projets de lanceurs. Je pense évidemment à Ariane 6, mais aussi au mini et micro lanceur réutilisable.

 

Notre seconde ambition, c'est de prendre pleinement le tournant des constellations, et plus largement de tous les services spatiaux. L'Europe a pris la mesure de l'enjeu. Il nous faut maintenant aller vite et innover.

 

La troisième ambition de notre stratégie, c'est de nous placer à la pointe du spatial pour le climat, et de prendre pleinement part aux aventures scientifiques et aux explorations à venir.

 

Pour atteindre ces 3 premières ambitions, nous avons besoin de moyens forts, et d'une recherche de pointe. C’est pourquoi, suivant le cap fixé par le Président de la République, nous avons augmenté considérablement nos moyens pour le spatial depuis 5 ans. C’est inscrit dans la trajectoire budgétaire de la loi de programmation de la recherche, avec des moyens massifs pour le CNES. C’est également l’un des piliers du plan France 2030, qui prévoit 1,5 milliard d’euros pour le spatial. Et ce sera au cœur des discussions, lors de la prochaine ministérielle de l'ESA, avec des ambitions fortes. Au total, ce sont plus de 9 milliards d’euros que la France s’apprête à investir sur le secteur spatial dans les 3 prochaines années, pour la recherche et notre industrie spatiale. Évidemment, nous souhaitons que ces investissements majeurs aient un impact maximal pour notre recherche, notre industrie, et nos concitoyens.

 

Nous devons veiller à toujours recourir aux mécanismes les plus pertinents au sein de l’Union européenne, en bilatéral avec les autres puissances spatiales, ou encore au sein de l’Agence spatiale européenne. C’est pourquoi les ministères réuniront les parties prenantes du secteur fin octobre, pour partager nos priorités, et nos leviers de financement. Enfin, je ne pourrais être complète sans évoquer notre 4e ambition, celle d’assumer la part militaire de notre puissance spatiale. Nous ne pouvons pas être les naïfs de la militarisation de l'espace. Nous devons en tenir compte, nous adapter et fournir des équipements spatiaux à la hauteur des enjeux de sûreté actuelle. Il s’agit de préserver notre autonomie stratégique nationale en matière d’appréciation de situation, de décisions et de conduite des opérations. Il s’agit aussi de garantir l’accès à l’espace et de défendre les intérêts nationaux dans ce milieu, y compris de façon active.

 

C’est pour cela que l’armée de l’Air est devenue l’armée de l’Air et de l’Espace. C’est pour cette raison que la loi de programmation militaire 2019-2025 prévoit une enveloppe de 5 milliards d’euros de crédits destinés aux spatial. C’est inédit et nécessaire. Cela ne s’arrêtera pas. Nous lançons par ailleurs des coopérations opérationnelles en matière spatiale, et le centre d’excellence espace de l’OTAN à Toulouse en est l’illustration. Internationalement, nous œuvrons pour garantir des normes qui promeuvent les comportements responsables, et rappellent que l'espace appartient à tous.

 

Mesdames et Messieurs, la course technologique bat son plein, et si la France et l'Europe sont aujourd'hui parmi les leaders de l'industrie spatiale et en pointe pour l'industrie des satellites, cette position n'est jamais acquise. Alors, en plus de nos moyens, il nous faut de la méthode et travailler à unir nos forces. Le CNES sera évidemment central, et son contrat d'objectifs et de performance le renforce. Le CNES a toujours su évoluer, s'adapter et doit continuer. J'attends bien entendu la mobilisation de tous les acteurs industriels historiques : Ils ont réussi à faire de la France et de l'Europe des puissances spatiales incontournables dans les satellites et les lanceurs. Nous avons encore beaucoup à faire ensemble.

 

Je pense aussi à toute la génération d'acteurs émergents, qui bousculent les codes et nous poussent à innover. C'est une dynamique utile, saine. Etats, industriels historiques et nouveaux acteurs doivent travailler ensemble. C'est la condition de notre succès. Et je veux saluer les initiatives nombreuses qui permettent de nous rapprocher. Enfin, pour réussir, toute notre industrie spatiale a besoin de la jeunesse. L'Espace fascine, intrigue, les expéditions et les images satellites sont autant de moments qui aiguisent l'intérêt, et poussent nos jeunes vers le spatial et vers la science en général. Il nous faut nous donner les moyens de transformer la curiosité en métier. L'Industrie spatiale doit agir en faveur du soutien à l'enseignement, développer le mentorat et je pense par exemple à l'initiative SpaceEarth du GIFAS.

 

Nous devons aussi nous engager pour plus de mixité. Parmi les salariés du secteur, on ne compte qu'une femme sur 5, et nous descendons à une sur 10 pour les astronautes. Trouvons des moyens d'avancer. Je suis fière que, dans le sillage de Claudie HAIGNERÉ, l'Europe soit aujourd'hui représentée dans la Station spatiale internationale par l'astronaute Samantha CRISTOFORETTI. Mesdames et Messieurs, chers astronautes, entrepreneurs, industriels, étudiants, nous sommes réunis aujourd'hui autour d'un défi : l'espace. Il a déjà peuplé l'imaginaire de millions de personnes, il est votre réalité, il permet à la science de faire des pas de géant, et se trouve aujourd'hui au cœur de notre quotidien et au cœur de notre souveraineté. Nous n'avons pas fini. Nous avons encore des découvertes à faire, encore des solutions à trouver, encore des expéditions à mener, et des mondes à explorer. Nous y parviendrons ensemble par notre quête d'innovation. Nous y parviendrons ensemble en unissant nos forces. Nous y parviendrons ensemble, en français et en européen. Nous avons été parmi les pionniers des débuts du spatial et nous serons à la pointe de son avenir.

 

L'avenir de l'espace se discute ici, il se construit par coopération, il nous offrira des découvertes et des avancées. Je souhaite donc un très bon congrès à toutes et à tous. Merci.

Le 18 septembre, lors du 73ème Congrès international d'astronautique (IAC) organisé à Paris, la Première ministre a annoncé un plan de 9 milliards d'euros d'investissements dans le secteur spatial pour les 3 prochaines années.
Ce discours a été l'occasion de rappeler les 4 axes stratégiques de la France en matière de politique spatiale :
  • Tout d'abord, garder l'autonomie d'accès à l'espace du pays, notamment dans les projets de lancement, qui est une condition indispensable à la préservation de la souveraineté spatiale française ;
  • Ensuite, prendre le « tournant des constellations » sujet méconnu du grand public et pourtant essentiel, qui permet de maîtriser les données de circulation, de santé, etc. ;
  • Être à la pointe de la technologie spatiale, pour faire de l'espace un levier d'action en faveur du climat, et prendre part aux prochaines explorations ;
  • Enfin, assumer la part militaire de la puissance spatiale française. L'objectif est de fournir des équipements spatiaux à la hauteur des enjeux de sûreté auxquels la France est aujourd'hui confrontée.
Enfin, l'ambition de la France dans le domaine spatial s'inscrit sur le plan européen, afin de construire avec l'ensemble des autres pays de grands projets d'exploration qui permettront des avancées concrètes sur Terre.
Les deux programmes spatiaux phares, Galileo et Copernicus, seront complétés par une initiative de connectivité sécurisée : l'objectif est de créer un système européen pour des télécommunications spatiales sécurisées.

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