Monsieur le Préfet,
Mesdames et Messieurs les élus locaux,
Monsieur le Président du Conseil départemental,
Monsieur le représentant de Madame la Présidente de région,
Monsieur le Maire,
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais d'abord remercier pour leur accueil chaleureux les responsables de cette scierie Grandpierre, ici à Champagnole. Vous noterez notre parfait bon goût : vous avez choisi de m'amener dans une magnifique entreprise dirigée par une femme, cheffe d'entreprise, en cette semaine et Journée internationale des droits des femmes qui a eu lieu mardi. Je vois qu'il y a des femmes également représentées parmi les lauréats que je vais féliciter dans un instant.
Et je voudrais vous exprimer ma gratitude pour la visite que vous m'avez réservée, pour ce que j'y ai vu, moi qui n'oublie jamais que je suis aussi un élu de la montagne, je dis cela ici, dans le Jura pyrénéen, mais avec des problématiques sur la filière bois, comme on dit, tout à fait identiques. Tout en concédant que je vous trouve ici un coup d'avance dont, évidemment, je vais essayer de m'inspirer.
Je suis donc venu dans le Jura aujourd'hui, d'abord parce que je me suis fait le serment d'avoir visité tous les départements, en tout cas métropolitains, durant mon séjour à l'Hôtel de Matignon, et personne n'a besoin de me réentendre expliquer mon attachement profond aux territoires de la République, partout. Parce qu’on le démontre encore ce matin, c’est là que tout se passe. Et il s’y passe beaucoup de choses.
En réalité je suis venu, comme toujours quand je viens dans un département, illustrer un pan de l’activité du Gouvernement, la politique de l’État que j’ai l’honneur de représenter. Et pour expliquer à mes concitoyens pourquoi c’est important, pourquoi l’illustration que j’ai souhaité incarner est majeure pour notre pays mais aussi pour les territoires. Et c'est toujours, je le dis, dans un cadre partenarial et de dialogue avec les acteurs du territoire. C'est même de là que tout se passe. Donc, je suis dans ce département du Jura, je salue particulièrement Mesdames et Messieurs les élus, les représentants locaux.
Alors que la crise sanitaire n'est pas tout à fait terminée, vous l'avez vu, nous avons même soit un plateau, soit quelques résurgences des taux d'incidence en France, ailleurs comme dans d'autres pays, je n'oublie pas que le Jura était aux avant-postes dans le combat contre la pandémie. Je me souviens, vous vous en doutez, au jour le jour, presque heure par heure, des résultats que vous aviez obtenus très vite sur la vaccination – dont chacun sait ici que cela restera le levier qui nous a permis de résister, de faire face et, je l'espère, de surmonter cette crise sanitaire. Et donc, cela n'aurait pas été possible sans la mobilisation des acteurs locaux. Je sais, Monsieur le préfet, je cite évidemment aussi l'ARS, que vous y avez grandement contribué. Mais c'est aussi pour moi l'opportunité de redire inlassablement à toutes celles et ceux qui se mobilisent, notamment les élus du territoire, combien seule une responsabilité collective nous permet et nous a permis de faire face à cette situation comme à toutes les autres.
Une crise non pas chasse l'autre, mais s'ajoute puisque nous sommes confrontés aux conséquences dramatiques de l'agression tout à fait éhontée de la Russie sur l'Ukraine qui, on le sait, aura et a déjà des conséquences. Elle en a bien sûr d'abord pour le peuple ukrainien dont je veux une nouvelle fois saluer l'esprit de résistance et de sacrifice qui nous impressionne tous et je l'espère, impressionne aussi M. POUTINE. Nous leur apportons toute l'aide possible, vous le savez. Nous devrons, je me suis déjà exprimé sur ce sujet, y compris sans doute ici dans le Jura, accueillir les réfugiés ukrainiens parce que c'est l'honneur en même temps que la tradition de la France, de se montrer solidaire des peuples qui souffrent et qui sont opprimés. Nous aurons aussi, incontestablement, nous les voyons, des conséquences de nature économique et sociale. Je suis ici dans une entreprise. Nous avons essayé de prendre en main le sujet au niveau national et européen car la réponse est évidemment internationale.
Je prépare actuellement, à la demande du Président de la République, un plan de résilience. Il y aura des activités économiques plus touchées que d'autres parce qu'elles sont plus en relation avec cette zone du monde, mais on voit bien aussi qu'il y aura des conséquences générales, à commencer évidemment par les questions énergétiques que vous vivez. Et j'interrogeais certains de vos salariés et je leur ai demandé : où habitez-vous ? On imagine bien, je n'ai pas posé la question, qu'ils se rendent sur leur lieu de travail en voiture. Je ne vous répète pas que je suis du même territoire que vous, d'une certaine manière, donc on voit bien l'impact que cela peut provoquer. Je veux vous redire ici – parce que c'est aussi mon rôle – que la Nation s'est déjà montrée très solidaire, puisque la question du renchérissement des matières premières et des fournitures énergétiques n'a pas commencé avec la guerre en Ukraine, bien avant, et que déjà nous avions pris nos responsabilités. Je le dis parce que vous êtes aussi des contribuables, des consommateurs.
On a bloqué le prix du gaz, on a limité la progression du prix de l'électricité, on a fait un chèque inflation, une indemnité inflation. Tout ça, vous le savez. Cela coûte quand même 20 milliards d'euros à la Nation, ces mesures. Et quand bien même, parce que je le lis parfois, oui évidemment, nous avons aussi des rentrées fiscales puisqu'elles sont assises sur le renchérissement des prix de l'énergie. Je suis très transparent avec vous : 4 milliards et demi, voilà.
Donc, entre 20 milliards de dépenses et 4 milliards et demi, je ne suis pas certain que l’État, comme je le lis parfois, se fasse du gras sur la crise énergétique. C’est bien évidemment le contraire, ça le sera d’autant plus que nous allons, le Président de la République l’a dit, être conduit à tenir compte du renchérissement nouveau notamment des prix du pétrole. Alors, on ne va pas vous faire la démonstration que tout cela vient plutôt du prix du gaz. Enfin, le prix du gaz… La question du gaz pour nous est traitée par les blocages des prix mais nous devrons prendre, compte tenu de l'évolution de la situation, des responsabilités qui sont les nôtres.
Et je le dis en particulier à Mesdames et Messieurs les parlementaires, pour faire face à l'impact sur le pouvoir d'achat en particulier, je sais bien qu'il y a aussi des questions liées aux prix des denrées alimentaires, mais aux prix de l'énergie qui ne concernent pas, je reviens à mon sujet, que les consommateurs citoyens mais aussi les entreprises.
Alors là aussi, avec évidemment des secteurs, je pense aux pêcheurs, je pense aux agriculteurs, qui sont encore plus impactés que d'autres. Mais enfin le monde de l'entreprise, les activités professionnelles ne sont évidemment pas à l'abri, épargnées par ces phénomènes.
Nous nous trouvons cher peuple français ensemble, à faire face à une nouvelle crise. Vous en connaissez tous les ressorts et les origines. Il faut agir sur tous les terrains diplomatique, politique, humanitaire, économique. Je vous le dis les yeux dans les yeux, nous ferons face, par la solidarité, par la patience. Et à long terme, nul doute que la paix et la démocratie l'emporteront.
Je suis donc venu, disais-je, dans le Jura et dans cette magnifique entreprise aussi pour vous parler finalement d'une autre conséquence de ce que nous vivons – aussi bien d'ailleurs la crise sanitaire que, on va dire, la crise diplomatico-militaire ou ukrainienne. Qu’est-ce que tout ça a en commun finalement ? Je le dis, outre les conséquences, c'est de mettre en relief – c'est d'ailleurs le propre des crises – des sujets qui existaient avant qu'elles n'arrivent, mais soit parce qu'ils étaient difficiles, soit parce qu'on avait un peu tendance à les mettre sous le tapis.
Ces sujets, ils portent un nom : la dépendance et la souveraineté. On a cru que la mondialisation représentait l'avenir du monde. Moi, je ne pense pas du tout, jamais, je ne suis pas de ceux – il y en a beaucoup – qui regardent dans le rétroviseur et qui pensent qu'on va revenir soit à Charles MARTEL, soit au XIXème siècle et ça, ça n'existe pas. Le monde est ouvert. On ne changera pas ça. Mais ce n'est pas un long fleuve tranquille. Et donc, nous avons le devoir non pas d'écarter les grandes tendances de l'économie, mais de les réguler et de nous y adapter. Et c'est vrai de notre rapport à l'industrie. C’est ça qui est quand même formidable, vous voyez, en France. Je ne dis pas que je l'ai découvert, mais quand même, quand je vois qu'ici l'emploi industriel représente 31 % de l'emploi, rapporté à la population, ou un certain nombre d'agrégats, nous sommes dans un vrai département industriel. J'allais presque dire un grand département industriel. Ça ne tombait peut-être pas sous le sens et pourtant c'est le cas.
Donc, ce n'est pas plus mal de venir ici dans le Jura, ici à Champagnole, parler d'industrie, en ce que l'industrie est un élément de notre indépendance nationale. Et j'ajouterais, parce que c'est aussi notre conception des choses dans le grand débat national dans lequel nous nous trouvons légitimement.
Deux, c'est une question de souveraineté européenne. Nous ne distinguons pas, je le dis, parce qu'il n'est pas possible, parce que ce serait une erreur géopolitique comme économique, de distinguer l'indépendance de la France et l'indépendance de l'Europe. Nous parlons du même sujet. Mais en tout cas le diagnostic, lui, Mesdames et Messieurs, il est très clair.
Nous avons fait le choix collectif – je ne suis pas ici, jamais d’ailleurs, pour distribuer les bons et les mauvais points – de nous désindustrialiser depuis des décennies. Les chiffres sont nets, évidents, clairs. Je le dis toujours, je ne suis pas remonté jusqu’à Mathusalem : 1981, vous voyez, ça tombe rond, jusqu’à peu près la fin des années 2010, 50 000 emplois industriels perdus en France en moyenne. Vous voulez d’autres chiffres ? En 2000, plus près de nous, la part dans le PIB de l’industrie : 16,7 %. 2018, qu'est-ce que c’est 18 ans à l'échelle de l'histoire d'une nation ? Rien. 11,9 %. 2000 : 16,7 ; 2018, 11,9. 2018, en Allemagne, 23 %. Quand nous sommes à 11,9 %. Italie, 18 %. N’en rajoutons pas mais les faits sont là.
Quelles sont les conséquences de tout cela ? Les conséquences, évidemment, c'est l'emploi. L'industrie est une activité économique, plus que d'autres, c’est connu, je ne suis pas spécialiste, créatrice d'emplois. Les salaires, je le dis, en moyenne, l'industrie est le secteur où le revenu (ou les salaires) des salariés – aussi parce qu'il y a eu une forte élévation de la technologie, de la qualification – sont les mieux rémunérés. Je dis cela au moment où nous parlons de questions de pouvoir d'achat, dans notre pays comme ailleurs.
Ma présence ici illustre que c'est aussi une question ou un enjeu d'aménagement du territoire. Quand vous regardez la carte des implantations territoriales de l'industrie en France, vous êtes sidérés et heureusement si je puis me permettre. Et vous avez des industries dans des lieux improbables, improbables non pas en ce qu'ils ne méritent pas le respect, mais parce qu’on ne s'y attendait pas. On associe bien sûr, il y a la vallée du Rhône, il y a de grands sites industriels, mais c'est très disséminé sur le territoire. Et moi qui suis comme vous, très attaché à tous les territoires de la République, c'est une excellente nouvelle et j'ai des personnes autour de moi, qui en sont, si je puis dire, l'incarnation vivante.
J'ajoute que l'industrie, cela doit redevenir et c'est en train de revenir, très bon pour le développement durable, surtout si, comme nous le faisons, nous nous engageons très fortement dans les mouvements qui s'appellent la décarbonation, qui s'appellent la lutte contre le réchauffement climatique. Je suis allé à Arcelor Mittal, vous voyez. On est à Dunkerque. Là, c'est la méga-industrie. Arcelor Mittal décide de réinvestir en France, avec le soutien de l'État, pour décarboner ses processus de production. C'est considérable. Je vous le dis, c'est considérable. Donc c'est bon pour le développement.
Il y a aussi quelque chose que vous n'oublierez pas parce que ça, ce n'est pas demain, c'est aujourd'hui. Si nous avons désindustrialisé, c’est que nous importons. D'ailleurs, notre balance commerciale en porte trace. Et si nous importons de très loin, le bilan carbone de tout ça est facile, malheureusement, à dresser.
Donc, nous sommes sur un enjeu de souveraineté. Je vous le dis, ce n'est pas simplement une question économique, c’est important. C'est une question politique, pas au sens partisan, au sens la vie de la Cité. Que voulons-nous pour notre pays ? Parce que si on sait ce qu'on veut pour notre pays, alors on sait où il faut faire porter les efforts parce qu'il y a des efforts à faire, de productivité, de compétitivité.
Je veux affirmer haut et fort devant vous que ce n'est pas un gros mot dans ma bouche. Bien au contraire. Valorisons le travail, ne le taxons pas trop. Rendons toutes ces industries compétitives et c’est vrai, du champ de l'activité. Alors, je voulais essayer de vous convaincre, qu’une fois que le diagnostic est posé, que les enjeux sont identifiés, il faut toujours revenir à des choses simples finalement. L'objectif des pouvoirs publics, globalement considéré, c’est de se donner les moyens de les atteindre, tout est là, et de choisir les bons leviers – c’est parfois plus difficile, il y a discussion, il y a débat, c’est normal.
Alors, un point positif quand même : je le dis d’emblée, pour bien fixer le décor, on a pris toute une série de mesures. Je ne vais pas les égrener ici, mais en fait, là aussi vous en êtes la preuve vivante : la France s’est remise à créer des emplois industriels. C’est une très bonne nouvelle. Alors, on va faire les gens modestes quand même, je vous ai donné les 50 000 emplois perdus par an. J’ai fait mon calcul : entre 2017 et 2019 (donc sur 3 ans), + 31 000. On ne peut pas vraiment dire que ce soit encore un tsunami. Mais le cap est fixé. Je mets de côté, avec votre autorisation, l’année 2020 car crise économique, tout le pays s'est arrêté.
Mais 2020 c'est aussi l'année du plan de relance que j'ai présenté, vous vous en souvenez tous, au mois de septembre de cette année-là et c'était un choix volontaire, comme aurait dit l'autre. Sur les fameux 100 milliards : 35 milliards pour l'industrie directement ou indirectement. C'est un choix politique, pour toutes les raisons que j'ai rappelées tout à l'heure.
Et en 2021 – maintenant nous avons les chiffres puisque nous sommes au début de l’année 2022 – nous avons créé en net 18 000 emplois industriels en France. Ce n'est pas encore 50 000. Donc je ne suis pas autorisé à exprimer devant vous une satisfaction exagérée. Mais je crois que la tendance est claire et que nous devons absolument la consolider. Je le dis, en n’omettant pas que l'industrie, c'est très vaste et qu'il y a des secteurs qui sont exposés à des difficultés plus fortes que d'autres. Je n'oublie pas que je suis dans le Jura, je n'oublie pas Saint-Claude et MBF, pas du tout Mesdames et Messieurs.
C'est l'industrie automobile, vous le savez, ce sont les fonderies. Et là, nous avons un sujet particulièrement redoutable, de croisement entre nos ambitions industrielles – il y a une histoire de l'industrie automobile en France – et de transition écologique. Vous reconnaissez parfaitement les débats, il s'agit tout simplement, si je puis dire, de passer du moteur thermique au moteur électrique. Je vous assure que c'est un sujet qui m'a beaucoup, beaucoup occupé – on pense à la crise sanitaire, enfin de beaucoup de choses, mais il y avait d'autres sujets sur la table. On a beaucoup discuté, essayer de constituer une filière, il y a des sous-traitants, il y a évidemment les grands constructeurs automobiles dont chacun connaît le nom. Comment les aider, comment les accompagner ?
Il y a des exigences fixées par la Commission européenne qui sont extrêmement fortes en termes de calendrier. Ça donne à réfléchir d'ailleurs, je le dis, et la France a dit : on a fait déjà un peu bouger les lignes, mais peut-être qu'il faudrait adapter ces calendriers parce que le remède de cheval ne doit pas avoir des conséquences trop fortes. Mais elles sont là, y compris dans le Jura.
Nous avons le devoir d'accompagner cette transition. L'idée n'est pas de dire : « Ah mais non, on ne va pas s'occuper de transformer notre industrie automobile, on va garder des moteurs thermiques et des fonderies traditionnelles ». Inconscience. Mais l'idée n'est pas non plus, je vous le dis, et vous avez vu les gigafactories que le Président de la République a lui-même annoncé sur les batteries, l'idée est de dire : « Nous devons être au rendez-vous donc on doit accompagner ». Cela veut dire qu'il y a des métiers qui évoluent, qu’il y a des compétences qui évoluent, qu’il y a des territoires aussi dont la composition industrielle évolue. C'est la raison pour laquelle nous dégageons des moyens très importants au bénéfice de l'industrie, j'ai cité le plan de relance.
Mais vous savez tous et toutes que le plan de relance, il s'arrête, puisqu'il était fait pour relancer une économie conjoncturellement très gravement entamée par les conséquences économiques de la crise sanitaire. Le Président de la République a annoncé le plan France 2030. Mettons-nous à la place de ces personnes une minute. Vous seriez chef d'entreprise, métier remarquable, remarquable, utile s’il en est, vous auriez besoin d’un cap. L’investisseur, je parle sous votre contrôle, ne raisonne pas sur un an.
Dans le plan France 2030 avec ce paquet mis sur l’industrie, je l'ai dit à Madame, tout à l’heure : « Là vous allez nous aider aujourd’hui, on va remplacer telle machine pour faire notre AOC ». J’ai bien compris. Mais elle m’a dit, et c’est heureux : « Ah oui mais j’ai d’autres projets après ». Je lui dis : « Madame, figurez-vous que dans France 2030, nous avons, à l’instigation de mon excellent ministre de l’Agriculture, M. Julien DENORMANDIE, dégagé des enveloppes bien sûr pour l’industrie, mais en particulier pour la filière bois. »
Il faudrait des dossiers exigeants, ce n’est pas un guichet ouvert, Mesdames et Messieurs, vous le savez. Mais nous devions vous donner des perspectives d'avenir, pour vous dire que ce que nous sommes en train de faire, ce qui est une nécessité, je n'y reviens pas, pour le pays et pour l'Europe, va s'inscrire dans la durée. Et entre parenthèses, ce qui se joue entre autres aujourd'hui à Versailles, sommet des chefs d'État et de gouvernement de l'Union européenne, c'est la même chose ; c'est-à-dire que faire un plan de résilience comme nous sommes en train de le préparer qui ne serait que franco-français et qui ne s'occuperait que des conséquences de court terme de la crise russo-ukrainienne, ce serait sans doute indispensable, mais on passera à côté de la plaque.
L'objectif, c'est que les mesures que nous allons prendre et annoncer soient orientées vers comment être moins dépendant de façon définitive du gaz russe. Comment, par rapport à certaines ressources rares comme l'aluminium ou le titane, peut-on trouver des alternatives ? Alors c'est sûr que, je vous le concède, cela ne va pas se faire en six mois. Enfin, comme dirait ma grand-mère, plus tard on commence, plus tard on finit. Et cela ne peut pas se faire dans un cadre strictement national.
Nous avons besoin de l'Europe. Je le dis ici. Nous avons besoin de l'Europe. L'Europe, je le dis à mes concitoyens, vous EN êtes tous des citoyens, a prouvé son utilité. J'ai fait allusion aux performances du Jura sur la vaccination, Mesdames et Messieurs. Je rappelle quand même que cela a été critiqué au début, on va dire, mal compris. S'il n'y avait pas eu cette coordination des commandes de vaccins, ça a été une force considérable, même l'Europe est devenue la plus grande puissance exportatrice. Ça a été une réussite totale. Vous voyez, qu’il y a un pays qui était sorti de l'Europe, qui a voulu faire cavalier seul, au début, on a dit : mon Dieu, c'était le modèle absolu. On me le citait tous les mardis à l’Assemblée nationale. Après, on se dit : tiens, non, là peut-être, on a fait peut-être un jugement rapide. L'Europe a été au rendez-vous.
Je parlais de la relance tout à l'heure donc vous allez bénéficier de 100 milliards, annoncés, encore une fois, en septembre 2020. 40 milliards de ces 100 milliards nous seront remboursés par l'Union européenne. C’est énorme. Et ça veut dire quoi ? Ça veut dire que nous avons su convaincre l'Europe d'être solidaires. Et je ne parle pas, pour revenir au tout début de mon propos, de la position et de la réaction de l'Union européenne face à la crise ukrainienne. Je me demande même si chacun, ici, au fond de lui-même, n'en a pas été surpris, n'a pas été agréablement surpris par la rapidité, par la vigueur, par l'unité. Je pense même qu’il y a un autre personnage, un peu plus loin, qui a été très surpris par cette réaction. Il faut que nous continuions.
Et dans la présidence de l'Union européenne, je vais finir là-dessus, oui il faut qu'on fasse progresser, je le dis, le Smic européen. Voilà, parce que oui, on paie des gens, on a une protection sociale, là aussi des concurrences à l'intérieur de l'Union européenne. Mais plus important ou tout aussi important, il faut, je vais le dire simplement, la taxe carbone aux frontières. C'est très important que les pays européens s'accordent, si possible sous présidence française, pour l'adopter, parce que c'est bien beau de faire venir des produits industriels de loin qui n'ont pas les mêmes contraintes environnementales que nous et qui du coup sont beaucoup moins chers, inondent nos marchés, tuent des emplois locaux ; ce n'est pas juste. Voilà tous les enjeux qui sont sur la table, je voulais les rappeler devant vous.
Pour terminer, nous avons donc, je l’ai dit, déployé tous ces outils. Il y en a un, je ne vais pas rentrer dans les détails techniques, qui s’appelle « Territoires d’Industrie ». Monsieur le Président, vous connaissez « Territoires d’Industrie », ça marche très bien. Je le signale, il y en a 146 en France, 146, des aides spécifiques. Nous avons mis aussi des moyens spécifiques pour justement les territoires qui sont impactés par ces reconversions, par ces restructurations et qui, je crois, sont visibles dans beaucoup de territoires. Et c’est ce plan qu’on est venu décliner ici dans le Jura et dont vous êtes le premier lauréat. L’idée, c’est de sauvegarder, l’idée c’est de vous développer, l’idée aussi, je le dis haut et fort, faisant allusion par avance puisque je ne m’exprimerai plus, à l’usine, à l’entreprise, à la très belle entreprise que nous allons voir dans le domaine des jouets cet après-midi, c’est de relocaliser.
C’est de relocaliser, évidemment. Et là aussi, ça marche. On est allés, je vous cite quelques exemples : des bottes de pluie relocalisées, qui étaient fabriquées bien loin de notre territoire, chez Aigle. Nous avons relocalisé des opérations de production et d’assemblage de vélos. Nous avons relocalisé de la production de composants électroniques. Je vous en cite un en particulier, le paracétamol, on sort de la crise sanitaire, je crois que cela a été un des moments, je vous le dis à tous, les plus émouvants de mon mandat de Premier ministre quand je suis allé en Isère dans cette usine qui, il y a 10 ou 15 ans, avait délocalisé dans le Sud-Est asiatique la fabrication de paracétamol. Ils faisaient cela dans un local, qui devait sans doute être vétuste puisque le symbole a été poussé jusqu'au bout, ils l’avaient rasé. Donc on les a aidés, on les a convaincus de relocaliser et je suis allé poser la première pierre de l'unité de production qui fabriquera d'ailleurs deux fois plus que ce qu'ils avaient délocalisé. Smoby dont je parle, vous l'avez compris là aussi, ils avaient délocalisé des lignes de production de jouets en Chine, je crois, je parle sous le contrôle des élus locaux. Ils vont, parce qu'ils l'ont décidé, mais grâce aussi aux aides et à la volonté politique de l'État, les relocaliser ici.
Donc l'État, je vous le dis, est là. L'État est à vos côtés. L'État est là dans le Jura, Mesdames et Messieurs. Je rappelle, on a fait ce plan de relance. C'est 236 millions d'euros d'argent dans le Jura. Et je ne parle pas, je ne l'ai pas évoqué parce que sinon on va dire que je me répète le « quoi qu'il en coûte » c'est-à-dire que c'est bien beau de relancer, mais si tout le monde s’est cassé la gueule, ça n'existe plus. Donc avant de relancer, on avait empêché que tout cela ferme : le chômage partiel, vous connaissez tout ça par cœur.
Je m’en tiens au plan de relance. 236 millions, Monsieur le préfet, dont 65 ici dans le Jura pour accroître la compétitivité des entreprises ; 30 millions d'aides directes, la baisse des impôts de production. 110 entreprises du Jura aidées par le plan de relance, et sans doute en collaboration étroite avec les collectivités locales que je remercie. 3 800 apprentis dans le Jura, parce que, évidemment, on ne fait pas une industrie performante sans des personnels nombreux et formés. Ça n'existe pas et je crois beaucoup, et on est nombreux ici, à croire en l'apprentissage. Et puisque je parlais de fierté, le record absolu d'apprentis que nous avons financés et que les entreprises ont engagé en 2021 restera assurément pour moi un marqueur extrêmement fort. Donc, ici, on va mettre encore plus le paquet.
On a dit dans France 2030 qu’il y a 100 millions pour les territoires en difficulté, en reconversion, et qu'il faut accompagner. On a appelé cela « Choc industriel ». C’est magnifique, ce n'est pas moi qui ai inventé ce mot. Vous faites partie de « Choc industriel », vous en aviez conscience Mesdames et Messieurs ?
Donc « Choc industriel ». Je vous présente les dix premières, j'espère, entreprises, enfin avec leurs responsables évidemment, qui vont bénéficier de ce programme, ici dans le Jura. Il y en a partout, mais je suis chez vous. 10 entreprises, 4 millions d'euros, c'est ce que l'État va mettre sur la table pour accompagner 17 millions d'euros d'investissements portés par ces entreprises, aboutissant à la création de 79 emplois. C'est un début, je l'espère, mais c'est très clair et j'ai compris que c'était plutôt localisé dans le Haut-Jura parce qu'en réalité, je vais vous faire une petite confidence, j'ai regardé mes papiers, je disais que je n'étais pas un grand familier du Jura à tort, mais il ne va pas mal, le département du Jura, je vous le dis. Croyez-en un Premier ministre qui se balade de haut en bas, de droite à gauche, partout sur le territoire : 5,5 % de chômage, un dynamisme exceptionnel, une variété. Je ne parle pas de la qualité de vie, on dirait presque les Pyrénées. Non, je retire. Mais c'est formidable.
Comme partout, l'État intervient à vos côtés dans des poches ou des endroits où c'est plus difficile, et en particulier si j'ai bien compris, ce que vous appelez le Haut-Jura. Et il est heureux, du coup, que l'essentiel des projets soient récompensés aujourd'hui, soient plutôt ciblés en direction de ces territoires et de ces populations. Je le répète partout, c'est le rôle de l'État, pas de se substituer à vous, je crois à la décentralisation, mais je crois aussi au rôle de l'État pour rééquilibrer et les territoires et les populations les plus en difficulté.
C'est pour cela que j'ai renforcé les préfets de départements. Là aussi, j'entends beaucoup de choses, beaucoup de leçons qui sont données. J'ai mis un terme à la déflation des effectifs à l'échelon déconcentré départemental de l'État : - 35 % en 10 ans, - 35 % vérifiable par tout le monde et notamment par les éminents parlementaires ici réunis. Depuis, je prends Monsieur le préfet à témoin, nous avons, depuis 2020, mis un terme à ça. Alors évidemment un peu au détriment de l'échelon national et régional, parce qu'on ne peut pas créer d'emplois publics nets. C'est clair, mais c'est un choix.
La crise, je le rappelle, a aussi réhabilité une fonction essentielle, un mot-clé qui s'appelle la proximité. Tous ces projets naissent sur les territoires, dans vos entreprises. Il faut que ce soit des acteurs du territoire au plus près des réalités qui les instruisent, qui les « électionnent » et qui les aident.
Je ne saurais achever mon propos, Mesdames et Messieurs, sans vous dire que j'aurais pu faire un autre discours ce matin ici, dans cette scierie, tout entier consacré à la filière bois. Car je suis de ceux-là, initiés, élus dans des territoires fort semblables aux vôtres qui pensent que vraiment, dans les sujets stratégiques où le pays peut s'améliorer, peut améliorer ses performances globales, c'est bien celui-là. Il y en a d'autres, mais alors celui-là, on va caricaturer parce qu'ici, nous en avons un contre-exemple. Beaucoup de forêts, mais en grandes difficultés, liées au changement climatique. Il faut s'occuper davantage de nos forêts. Mais après la transformation, ça part ailleurs et on fait venir ici des produits usinés comme si nous n'étions pas capables de le faire ici.
C'est un enjeu majeur. J'avais annoncé que nous prendrions nos responsabilités, les ministres compétents, au premier rang desquels M. Julien DENORMANDIE, que je citais tout à l'heure, ont mené des Assises du bois et de la forêt avec la compétence sylvicole et la compétence industrielle. Nous y revoilà parce que c'est une industrie, c'est une filière industrielle. Les résultats en seront présentés la semaine prochaine – on ne peut pas tout faire le même jour – par les ministres compétents, mais d'ores et déjà, je vous l'ai dit, pour assurer la poursuite des investissements que vous envisagez pour votre propre entreprise, Madame, le Plan France 2030 a réservé une enveloppe forfaitaire, si je puis m'exprimer ainsi, de 500 millions d'euros pour structurer cette filière stratégique. Là aussi, j'invite tous les gens de bonne foi et il n'y a que de ceux-là, vous le savez, à regarder, c'est un effort inédit qui sera fait par les pouvoirs publics pour ce segment, parce que, je le répète, je crois qu'en termes de souveraineté et de création d'emplois, de potentiel industriel, il est vraiment à l'avant-garde aussi de ce que nous sommes. Je le dis parce que la forêt, moi qui suis un rural, ce n'est pas simplement une question d'exploitation économique. C'est un mode de vie. C'est un rapport à la nature qui est au plus profond du cœur des Français.
Voilà, j'ai beaucoup parlé et je m'en excuse. Mais j'avais beaucoup à vous dire. Je suis heureux de l'avoir fait ici, dans le Jura sur ces sujets stratégiques. Ça fait beaucoup de choses. La crise sanitaire, la crise diplomatique, la réindustrialisation du pays, c'est notre devoir d'être à la manœuvre en permanence jusqu'au bout. Les Français choisiront souverainement. C'est un autre sujet, mais ne tirons jamais motif de l'existence des crises qui, à bon droit, mobilisent considérablement notre énergie. Non pas pour ne pas faire autre chose parce que c'est finalement pareil, mais pour tirer les enseignements structurels pour notre pays, c'est-à-dire pour les générations futures, que ces crises appellent immanquablement.
Je vous remercie.