Élisabeth BORNE
Bien, Mesdames et
Messieurs les ministres, Mesdames et Messieurs, parler de sécurité routière,
c'est évoquer la vie quotidienne de nos concitoyens, ceux qui prennent la route
chaque jour ou ceux qui apprennent à conduire. C'est aussi parler des piétons, des
cyclistes, de la capacité des différents modes de transport à cohabiter. Mais
malheureusement, parler de sécurité routière, ça n'est pas que cela. C'est
aussi évoquer des accidents, des drames qui peuvent briser la vie de familles
entières. En 2022, 3 267 personnes ont perdu la vie dans un accident de la
route et plus de 16 000 ont été grièvement blessées. Je visitais tout à l'heure
avec le ministre de l'Intérieur, Gérald DARMANIN, et le ministre de la Santé,
François BRAUN, l'établissement de soins de suite et de réadaptation de
Coubert, qui prend en charge des victimes d'accidents de la route. J'y ai
rencontré des soignants au dévouement remarquable et je veux à nouveau les
saluer et les remercier. J'ai pu parler avec des patients au courage exceptionnel,
malgré les douleurs, malgré les blessures, malgré le handicap parfois. Ces
drames nous obligent, nous poussent à continuer à prévenir, à continuer à agir.
C'est tout le sens du comité interministériel de la sécurité routière que j'ai
réuni aujourd'hui. Pour prendre des mesures, nous devons d'abord poser un
diagnostic sur la situation. Depuis 10 ans, les chiffres de la sécurité
routière sont assez stables, même si l'on peut noter que le premier semestre
2023 marque une forte inflexion, avec une baisse de la mortalité sur la route
de 11 % par rapport au premier semestre 2022. C'est un des meilleurs résultats
de l'histoire de la sécurité routière. Nous pouvons le saluer, mais nous devons
aussi en comprendre les raisons et prendre en compte les évolutions des types
d'accidents, en particulier depuis le dernier comité interministériel de
sécurité routière en 2018. J'en vois une principale. Il y a moins de victimes
en voiture, mais nettement plus en vélo ou en trottinette électrique. Ces
dernières représentent désormais 8 % des décès et 20 % des blessés graves. Cela
doit nous interpeller et nous pousser à faire évoluer nos réponses en matière
de sécurité routière. Notre ambition, c'est une politique publique de sécurité
routière qui garantit la sécurité de chacun et qui n'oppose pas les usagers
entre eux. Notre volonté, avec le ministre de l'Intérieur Gérald DARMANIN et
l'ensemble des ministères concernés, c'est de réduire le nombre d'accidents, de
sanctionner plus durement les comportements dangereux et de mieux accompagner
les victimes. Pour y parvenir, je tiens à saluer le travail du Conseil national
de la sécurité routière sur lequel ce comité interministériel s'appuie
largement. Je veux également remercier la déléguée interministérielle à la
sécurité routière Florence GUILLAUME et son équipe pour leur engagement sans
faille. Je laisserai au ministre le soin de détailler nos décisions, mais je
voulais en quelques mots revenir sur les grandes orientations de ce comité
interministériel. Notre premier objectif, c'est d'améliorer l'éducation
routière des plus jeunes qui utilisent souvent le vélo ou la trottinette avec
une connaissance parcellaire du code de la route. Nous allons donc améliorer la
formation au collège, que cela soit pour sécuriser l'usage du vélo ou pour
renforcer l'attestation scolaire de sécurité routière nécessaire. J'ajoute que
ces mesures du comité interministériel de la sécurité routière viennent en
complément de notre action pour faciliter le passage du code et du permis. Une
proposition de loi portée par la majorité a été récemment adoptée en ce sens.
Et j’ai annoncé, il y a quelques semaines l’abaissement de l’âge de la conduite
à 17 ans. Cette mesure va faciliter
l’émancipation des jeunes, leur accès aux études et à l'emploi, notamment dans
la ruralité. C'est aussi une décision que nous avons prise en responsabilité
dans les pays voisins, où l'on peut d'ores et déjà conduire à 17 ans ; il n'y a
pas de surmortalité sur la route par rapport aux pays où l'âge de conduite est
fixé à 18 ans. Deuxième orientation de ce comité interministériel, nous voulons
soutenir l'engagement autour de la sécurité routière. Nous allons renforcer les
moyens des associations qui sont des partenaires essentiels des pouvoirs
publics, en particulier pour la prévention, nous mènerons un travail étroit
avec les employeurs concernant les trajets domicile-travail, et nous allons
également rendre nos infrastructures plus sûres. Troisième axe de notre action
: nous devons simplifier la vie des usagers sur les routes. Cela vaut pour les
démarches d'immatriculation, pour la dématérialisation du permis de conduire,
pour la consultation du solde des points ou pour les assurances des véhicules.
Ensuite, et c'est la quatrième orientation de ce comité interministériel, nous
voulons mieux détecter, évaluer et suivre les inaptitude à la conduite.
Aujourd'hui, des médecins agréés peuvent évaluer l'aptitude à la conduite, mais
seulement à la suite d'une démarche volontaire. Nous allons donc permettre la
suspension du permis, le temps d'une vérification médicale d'aptitude à la
conduite, dès lors qu'une infraction aura un problème médical pour origine
présumée. De plus, et c'était au cœur de notre réunion de cet après-midi, nous
souhaitons prendre des mesures plus fermes encore contre les comportements les
plus dangereux. Ce comité interministériel est celui de la mobilisation contre
les drogues ; tout comme l'alcool, les stupéfiants sont un fléau sur les
routes, et dans 1 accident mortel sur 5, le conducteur est positif aux
stupéfiants. Nous devons donc être intraitables avec les consommateurs de
drogue et sanctionner plus sévèrement les conduites addictives au volant. C'est
pourquoi nous allons rendre automatique la suspension du permis en cas de
conduite sous l'emprise de stupéfiants. D'autres mesures ont été décidées,
notamment pour les conducteurs sous l'emprise de stupéfiants et qui ont en
outre consommé de l'alcool. Et je laisserai le ministre de l'Intérieur, Gérald
DARMANIN les présenter dans un instant. En outre, nous voulons renforcer les
sanctions en cas de grand excès de vitesse, car ils restent la première cause
d'accidents sur les routes françaises. J'ajoute que le garde des Sceaux, Éric
DUPOND-MORETTI, adressera une circulaire dans les jours qui viennent pour
rappeler au Procureur la nécessité d'une réponse pénale forte en matière de
sécurité routière. Si nous devons être fermes contre les comportements les plus
dangereux, nous devons aussi avoir des sanctions proportionnées, justes et
acceptables contre les petits excès de vitesse, c'est-à-dire moins de 5
kilomètres. Il n'y aura plus de retrait de points dans ces situations. Cela ne
doit évidemment pas se faire au détriment de la sécurité. Cette mesure fera
l'objet d'un suivi rigoureux. Enfin, dernière orientation de ce comité interministériel,
nous devons protéger davantage les usagers vulnérables et mieux accompagner les
victimes. Après un accident grave, certaines familles ne se sentent pas
suffisamment accompagnées. Nous ne pouvons pas l'accepter et nous devons faire
mieux. Nous allons mettre en place un accompagnement dédié pour les familles de
victimes dans chaque département, par l'intermédiaire des comités locaux d'aide
aux victimes, le garde des Sceaux y reviendra. Et par ailleurs, je sais que
l'appellation d'homicide involontaire choque à raison les familles des
victimes. Plus encore quand le conducteur fautif est sous l'emprise de l'alcool
ou de stupéfiants. Aussi, je vous annonce que nous allons créer une
qualification spécifique d'homicide routier. Tout conducteur qui tue une
personne sur la route et serait aujourd'hui poursuivi pour homicide
involontaire sera poursuivi demain pour homicide routier. Cette dénomination
s'appliquera que le conducteur ait consommé ou non de l'alcool ou des
stupéfiants. Le ministre de la Justice, Éric DUPOND-MORETTI y reviendra. Ce
changement permet de mieux rendre compte de la réalité des accidents et de ce
que vivent les victimes et leurs familles. En outre, pour permettre aux
victimes d'accidents d'avoir accès aux dernières technologies de soins et de
rééducation, nous allons reconduire les moyens du Fonds de modernisation et
d'investissement en santé de 26 millions d'euros et veiller à l'équilibre de
ces investissements pour qu'ils maillent tout le territoire. Mesdames et
Messieurs, je viens de vous faire part d'une série de mesures. Je souhaite que
notre ambition s'applique dans tous les territoires, dans l'Hexagone comme dans
les Outre-mer. Aujourd'hui, nous ne prenons pas suffisamment en compte les
spécificités des comportements routiers dans les territoires ultramarins. Je
pense par exemple à la prééminence des accidents liés aux deux roues motorisés.
Des mesures spécifiques seront donc prises pour les Outre-mer, par exemple le
lancement de campagnes de prévention dédiées. Mesdames et Messieurs, les
mesures décidées lors de ce Comité interministériel de la sécurité routière
exigent une mobilisation de tous les acteurs. Elles vont permettre plus de
fermeté contre ceux qui mettent la vie des autres en danger sur la route,
notamment en consommant des stupéfiants. Elles vont renforcer nos dispositifs
de prévention et offrir un meilleur accompagnement aux victimes et à leurs
familles. Des routes plus sûres, moins d'accidents et une meilleure
cohabitation entre ceux qui roulent, ceux qui pédalent et ceux qui marchent,
voilà nos objectifs. Alors, avec le ministre de l'Intérieur, Gérald DARMANIN et
l'ensemble du Gouvernement, nous sommes engagés pour la sécurité de nos routes
et pour l'accompagnement des victimes et de leurs proches. Je vous remercie et
je vais passer la parole à Gérald DARMANIN.
Gérald DARMANIN
Merci Madame la
Première ministre. Avant tout, je voudrais avoir une pensée pour tous les
policiers et les gendarmes et les policiers municipaux qui sécurisent justement
les transports et nos routes. Peut-être revenir sur deux points évoqués par
Madame la Première ministre. D'abord, en effet, les sanctions qui sont
alourdies à la suite effectivement des conduites sous stupéfiants. La
proposition qui a été faite et qui est acceptée par Madame la Première
ministre, c'est le retrait de 8 points contre 6 points aujourd'hui lorsque quelqu’un est contrôlé désormais avec
une conduite sous stup et sous alcool. Deuxièmement, en effet une suspension
obligatoire par le préfet du département qui va de 6 mois à un an sur quelqu'un
conduit sous stupéfiant. Jusqu'à aujourd'hui, le préfet pouvait suspendre
aujourd'hui et demain il devra suspendre et puis troisièmement,
l'immobilisation du véhicule pour tous ceux qui conduisent sous stupéfiant.
Donc c'est un acte évidemment d'action administrative. Le Garde des Sceaux
reviendra, s'il le souhaite, sur le fonctionnement judiciaire de cette suite
d'immobilisation de véhicules. Donc, ce sont des sanctions extrêmement fortes
contre ceux qui conduisent sous stupéfiant et qui, comme l'a dit la Première
ministre, est responsable d'un accident sur 5 en cas de mort violente.
Deuxièmement, je voudrais, comme a dit la Première ministre dire qu'à partir du
1ᵉʳ janvier 2024, les retraits de points pour ceux qui font moins de 5 kilomètres
à l'heure au-dessus de la vitesse retenue seront donc supprimés. Mais nous
garderons évidemment l'amende. Il ne s'agit donc pas de dépénaliser l'excès ou
le petit excès de vitesse, mais bien de garder cette amende, bien sûr, mais il
n'y aura plus, comme nous l'avions annoncé, deux points retirés pour moins de 5
kilomètres à l'heure, qu'il s'agisse d'une circulation en ruralité ou en ville.
Et puis, dans la mesure des simplifications, qu'a annoncé la Première ministre,
d'abord, la dématérialisation totale du permis de conduire dans l'année 2024.
Il ne s'agit pas de remplacer de manière dématérialisée un permis physique. Il
y aura toujours un permis physique qui sera d'ailleurs évidemment pour tous les
citoyens. Mais parallèlement à ces permis physiques, il y aura un permis
dématérialisé que vous pourriez avoir sur votre téléphone, quel que soit ce
téléphone, pour pouvoir le présenter aux forces de l'ordre pour pouvoir, bien
sûr, faire l'objet de contrôles et pour constater le nombre de points qu'il vous
reste, par exemple sur votre permis. Et je voudrais aussi dire qu'à partir du 1ᵉʳ
avril 2024, en lien avec le ministre de l'Économie et des Finances, nous allons
supprimer la vignette assurance verte. Il n'y aura donc plus de vignette
assurance à mettre sur son véhicule. Tout sera désormais enregistré par les
assurances directement dans le fichier qui permettra à chacun de nos
concitoyens de pouvoir, quand ils sont contrôlés, être contrôlés entre
policiers et gendarmes directement accès au fichier sans remettre évidemment la
petite vignette verte qui depuis trop longtemps peut-être arborait nos
véhicules. Je laisse la parole à Monsieur le Garde des Sceaux.
Éric DUPOND-MORETTI
Mesdames et messieurs,
le Code pénal est au fond une photographie à l'instant T de ce qu'est notre
société et bien sûr, nous ne pouvions pas ne pas prendre en considération ces
conduites sous l'empire de l'alcool, sous l'empire des stupéfiants qui tuent
régulièrement dans notre pays et nous ne pouvions pas regarder cela sans réagir.
Lorsque l'on apprend les rudiments du droit pénal, on apprend ce qu'est
l'homicide involontaire. Il peut être généré par une simple imprudence et
l'exemple que l'on donne aux étudiants, c'est le pot de fleurs qui se détache
de votre balcon et qui vient percuter un piéton et qui le tue. Vous avez bien
compris que tuer un gamin quand on est sous l'emprise de l'alcool ou des
stupéfiants. Ça ne peut pas être assimilé à cet homicide involontaire dont je
viens de vous parler. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé la
création d'une infraction nouvelle homicide routier, blessures routières. Et
non seulement nous créons ces infractions, mais nous les détachons des autres
homicides involontaires, des autres blessures involontaires et nous allons
créer un chapitre deux dans le titre 2 du code pénal. Titre 2 intitulé, les
atteintes à la personne humaine de façon à ce que cette infraction soit
spécifique. Nous avons entendu évidemment le chagrin des victimes, mais enfin
qu'est-ce qu'il y a d'un volontaire involontaire ? Il n’y a rien d’involontaire
à consommer des produits stupéfiants, rien de volontaire à consommer de
l'alcool. Et naturellement, les gens qui sont victimes innocentes sont dans un
désarroi total lorsqu'on leur indique que l'auteur sera jugé pour un homicide
involontaire. C'est insupportable ! Donc création d'une infraction désormais
autonome ayant une place particulière dans le code pénal. Création également
d'un délit de dénonciation frauduleuse du conducteur co-auteur d'une
infraction. Vous savez, ces petits malins qui, pour ne pas perdre les points,
dénoncent la grand-mère ou le grand-père qui accepte naturellement d'être le
faux auteur de l'infraction commise. Ça, c'est fini. On ne veut plus de cela.
C'est trop facile. Chacun doit évidemment assumer sa responsabilité. Nous
prenons un certain nombre de dispositions techniques pour mieux appréhender la
récidive et dans certaines infractions qui ne sont pas celles de l'homicide
routier ou des blessures routières, les infractions de moindre importance. Nous
permettons, dans le cadre d'alternatives aux poursuites, au procureur de la
République, de confisquer le permis durant 12 mois. Nous avons également la
volonté d'éradiquer ces infractions de grande vitesse. C'est aujourd'hui une
contravention, ça va devenir un délit. Pour mémoire, en 2019, 41 000 excès de
grande vitesse 2022, 72 000. Il est temps que nous disions stop à ces
infractions qui elles aussi, malheureusement, peuvent tuer ou blesser
gravement. S'agissant de la confiscation des véhicules, il y a un volet
administratif dont le ministre de l'Intérieur et les Outre-mer vient de parler,
à savoir que l'on pourra saisir le véhicule mais en cas de stupéfiants et
d'alcool, prise d'alcool et de stupéfiants, le tribunal pourra confisquer le
véhicule. Et vous faites bien la différence entre la saisie et la confiscation,
la confiscation, c’est l'auteur perd la propriété de son véhicule qui sera
ensuite revendu à la grâce et il bénéficiera au budget de l’État ou d'ailleurs
ça deviendra un véhicule de police ou un véhicule de l'administration. Stage
obligatoire également en cas de conduite sous stupéfiants. Stage obligatoire,
c'est une peine complémentaire obligatoire que nous mettons en place. Et puis,
il y a naturellement le volet victimes. Alors nous avons pris en
interministérielle une circulaire en décembre dernier. Cette circulaire a pour
objet de mieux informer les victimes. Il est totalement anormal que vous ne
comprenez qu'une victime ne soit pas informée du lieu où se trouve le cadavre
de l'un des siens. Il est totalement anormal que la victime et la famille ne
soient pas informés du moment où on va restituer le corps, etc, etc, etc… Nous
avons pris une circulaire qui règle déjà un certain nombre de ces questions,
mais nous souhaitons aller encore plus loin. Les victimes, elles, ont besoin
d'humanité et elles ont besoin d'informations. Nous avons longuement travaillé
sur ces questions parce qu’on entend de toutes parts évidemment les victimes se
plaindre et c'est totalement anormal que nous perdrions dans un système qui ne
prend pas suffisamment en charge le chagrin des victimes, (inaudible) dire que
nous allons créer des comités locaux d'aide aux victimes. Locaux, il faut une
déclinaison locale, procureurs et préfets, justement dans le but de mieux informer
les victimes. Je prendrai, comme l'a dit Madame la Première ministre, une
circulaire très prochainement pour que justement nous renforcerons encore, et
c'est bien nécessaire, le droit des victimes et notamment son droit à
l'information.