(Seul le prononé fait foi)
Monsieur le ministre de l’Intérieur,
Monsieur le garde des sceaux,
Monsieur le vice-président du Sénat,
Madame la vice-présidente de l’Assemblée nationale,
Messieurs les Préfets,
Monsieur le Président du conseil régional,
Monsieur le Président du conseil départemental,
Madame la Maire d’Avignon,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs les représentants des autorités civiles et judiciaires,
Mesdames et Messieurs les représentants des autorités religieuses,
Monsieur le Directeur général de la Police nationale,
Mesdames et Messieurs les directeurs, commissaires, officiers, gradés et gardiens de la paix,
Mesdames et Messieurs les personnels administratifs, techniques et scientifiques,
Mesdames et Messieurs,
En cette fin d'après-midi du 5 mai dernier, Éric MASSON était en service, il était en service et comme tous ceux qui servent la République, il était en droit, une fois son service accompli, de rentrer chez lui auprès de sa famille. Ce soir-là, Éric MASSON n'est pas rentré chez lui. Il n'ira plus le dimanche pêcher dans l'Ouvèze. Il n'ira plus s'entraîner au marathon. Il ne conduira plus ses deux filles à l'école comme il aimait à le faire lorsque ses horaires de travail le lui permettaient.
Aujourd'hui, sa famille et ses amis le pleurent, et toute la Police nationale avec eux.
Aujourd'hui, je suis ici parmi vous pour prononcer son hommage. Les mots que je ne voudrais pas avoir à prononcer, mais qu'il est de mon devoir de prononcer devant vous, pour l'honneur d'un homme, pour l'honneur de la police, pour que son souvenir demeure, et que ses filles auxquelles leur père vient d'être arraché puissent un jour les relire et se dire : mon père était homme de bien, mon père était un policier exemplaire, mon père est tombé pour que nous puissions vivre en sécurité.
Le service de la France, le service de l'État, le service de la Police nationale pour la protection et la sécurité de nos concitoyens n'est pas un métier comme un autre. C'est une mission. Une mission qui exige des sacrifices personnels quotidiens et une abnégation souvent sans limite, je le sais. Le ministre de l'Intérieur, présent à mes côtés le sait lui aussi, et peut-être même plus que tout autre.
Une mission qui a sa noblesse et ses dangers aussi, mais qui, pourtant, jamais ne devrait s'accomplir dans la mort de l'un des vôtres. Je devrais dire de l’un des nôtres, car Éric MASSON était avant tout un fonctionnaire de la Nation. Oui, un fonctionnaire, comme sa collègue Stéphanie MONFERMÉ, sauvagement assassinée à l'entrée du commissariat de Rambouillet et dont j'ai prononcé l’éloge il y a quelques jours à peine. C'étaient des serviteurs de l'État. Ils ont trouvé la mort alors qu'ils étaient en service et qu'ils accomplissaient leur mission.
Éric MASSON était en service et ce jour-là, il venait d’accomplir son devoir après avoir participé à une opération de lutte contre les stupéfiants. Une de ces opérations que nous avons décidé de multiplier pour ne plus laisser le moindre répit à ces trafiquants qui vendent de l'abrutissement en barrettes et la mort en sachets.
Dans cette lutte, Éric MASSON venait de remporter une bataille. Ce 5 mai, il rentrait au commissariat après avoir fait son devoir, mais le devoir d'un fonctionnaire de police ne s'arrête jamais. Mais tel était toujours son état d'esprit. Ce mercredi-là, Éric MASSON revenait donc avec ses collègues d'une opération de lutte contre les stupéfiants quand ils ont été appelés pour mettre un terme à une rixe dans le centre-ville d'Avignon. Avignon, si belle cité des Papes en cette soirée de printemps, et ville natale d’Éric qui lui portait un véritable culte. Avignon et cette impressionnante place d'armes que je connais si bien. Avignon que je porte aussi dans mon cœur.
C'était là une intervention du quotidien, comme des milliers d'équipages en réalisent chaque jour dans notre pays pour assurer la sécurité et la tranquillité de nos concitoyens. Notre sécurité, notre tranquillité à tous.
Quelques minutes après l'arrivée sur place, alors même que l'attroupement était dispersé, Éric MASSON qui connaît parfaitement ce quartier et les trafics qui s'y enkystent décide de ne pas en rester là. Comme il vient d'assister à une scène qui ressemble à un échange entre un dealer et un toxicomane, il s'approche du petit groupe pour procéder à un simple contrôle d'identité. C'est là que le trafiquant sort une arme de poing et tire à bout portant sur Éric MASSON avant de prendre la fuite. Éric MASSON n'avait pas sorti son arme de service. Il n'a pas eu le temps de riposter. Il est tombé avant de succomber des suites du coup mortel qui lui a été porté. Les premiers témoins racontent qu’Éric accomplissait ce contrôle avec un calme qui fait honneur à notre police.
Je sais que vos collègues sont à pied d'œuvre pour que justice soit rendue, car jamais la République ne tolérera qu'un acte d'une telle violence et d'une telle lâcheté reste impunie. Je salue le professionnalisme et la détermination de tous les policiers qui ont permis à l'enquête de progresser très rapidement.
Éric MASSON n'ignorait rien des exigences de son engagement : être en première ligne au quotidien. Comme vous tous face au pire, il donnait le meilleur. On ne trouve pas moins de 10 lettres de félicitations dans son dossier administratif. Non seulement il aimait sa mission, mais il considérait la police comme une seconde famille et pourquoi ne pas le dire tout court, comme sa famille, puisqu'il était fils et frère de policier. Chez les MASSON, on porte l'uniforme depuis des décennies avec courage et dignité.
Ce policier que nous pleurons aujourd'hui n'avait que 36 ans. Eric avait demandé sa mutation à Avignon pour se rapprocher de chez lui. Il y est mort. Et c'est dans cette terre du Comtat qu'il aimait tant qu'il pourra reposer. Nul n'oubliera son nom et son courage. Il a servi jusqu'au sacrifice de sa vie.
C'est pourquoi le président de la République a décidé de nommer Eric MASSON commandant de police et chevalier dans l'Ordre national de la Légion d'honneur. Je sais bien que de simples mots ne suffiront pas à adoucir le chagrin, la révolte même de ceux qui ne reverront plus jamais leur collègue, leur fils, le compagnon d'une vie et surtout un père.
Mais de simples mots qui viennent du cœur, du cœur de celui qui les prononce, évidemment, mais aussi du cœur de l'État. Car ce qui est en cause dans ce drame, c'est aussi le cœur de la République. L'hommage devait être rendu, mais évidemment, il ne saurait suffire. La République a des obligations à l'égard de ces policiers.
Rendre un hommage national à Éric MASSON, honorer sa mémoire, être fidèle à Éric MASSON, c'est d'abord dire qu'il est hors de question d'accepter l'inacceptable. Jamais nous ne laisserons se banaliser le fait que la moindre agression, je dis bien la moindre agression contre un dépositaire de l'autorité publique puisse ne pas entraîner contre son auteur des conséquences lourdes, rapides et certaines. Telles sont les instructions que j'ai données et tel est le sens des dispositions complémentaires que nous allons prendre. Il ne saurait être question que la peur change de camp.
Honorer la mémoire d’Éric MASSON, c’est affirmer haut et fort que l'État se donnera tous les moyens de prévenir, de poursuivre et de réprimer toutes les formes de violence, à commencer par celles qui résultent des trafics de stupéfiants contre lesquels Éric MASSON s'était engagé de toutes ses forces, au risque de sa vie. Et ce combat contre la drogue auquel le Gouvernement a décidé depuis plusieurs mois d'affecter des moyens inédits, ce combat dérange. Il dérange des intérêts financiers puissants, il dérange ceux qui ont pour objectif de mettre en coupe réglée certains quartiers entiers de notre République, il dérange ceux que ce trafic entretient, il dérange ces malfrats qui n’hésitent pas à acheter la complicité des plus jeunes pour servir de guetteur ou de livreur, il dérange les consommateurs qui alimentent par leurs achats cette économie souterraine et fatal, il dérange ceux qui cherchent à saper l'ordre républicain.
Voilà pourquoi nous nous sommes donné les moyens comme jamais : moyens juridiques, moyens humains, moyens matériels. Tout ce qu'il faut pour amplifier cette lutte qui provoque des réactions d'autant plus violentes que nous touchons le cœur de ces trafics. Nous allons continuer. Oui, cher Éric, nous allons continuer.
Comme nous allons avec le garde des Sceaux veiller à ce que les réponses pénales soient, comme l'a demandé le président de la République, au rendez-vous face à la violence qui enfle. C'est tout le sens de la priorité que j'avais fortement affirmée lors de ma déclaration de politique générale devant la représentation nationale en juillet dernier : donner au service public de la justice tous les moyens nécessaires à son indispensable réactivité, annonces qui ont été suivies depuis lors d'actes concrets, qui seront prolongés dans les mois à venir. Nous mesurons l'ampleur de la tâche. Mais la direction est claire et la mémoire des policiers, gendarmes et autres fonctionnaires morts en service nous la rappelle sans relâche. La République et l'État doivent toujours avoir le dernier mot.
En m’inclinant une dernière fois avec vous devant la mémoire d’Éric MASSON, je veux emprunter au grand André MALRAUX, ces vers qui ont guidé mes pas et mes sentiments en venant ici jusqu'à vous, Émilie, Laura, et Anaïs : « Le tombeau des héros est le cœur des vivants ».
Vive la République.
Vive la France.