Introduction de M. Édouard PHILIPPE, Premier ministre, lors de la conférence de presse relative au comité interministériel sur l’immigration et l’intégration
Hôtel de Matignon, mercredi 6 novembre 2019
(Seul le prononcé fait foi)
Le comité interministériel qui vient de se tenir s'inscrit dans une démarche que j'avais annoncée à l'occasion de la Déclaration de politique générale le 12 juin dernier. J'avais indiqué que nous aurions un débat au Parlement - qui s'est tenu le 7 octobre à l'Assemblée nationale et le 9 octobre au Sénat - et qu'après le temps de ce débat viendrait le temps de la concertation, du travail avec les parlementaires de la majorité pour aboutir à un plan complet qui s'inscrirait dans le cadre du débat parlementaire.
La méthode était innovante. Choisir de tenir un débat sans présenter de texte pour avoir des orientations et essayer ensuite de les traduire par des décisions. Cette méthode a permis d'enrichir les propositions du Gouvernement. Je voudrais saluer l'implication de l'ensemble des ministres qui sont présents et de ceux qui, n'étant pas présents, ont également travaillé et participé à ce travail. Et remercier l'implication des parlementaires qui ont été extrêmement présents et extrêmement constructifs.
Un mois exactement après le débat parlementaire, nous sommes maintenant au temps des décisions. Je voudrais, avant de rendre public l'ensemble de ces décisions, insister auprès des Français sur le sens général que nous voulons donner à notre action. Le sens général de notre action, c'est celui de la souveraineté.
Nous voulons reprendre le contrôle de notre politique migratoire. Reprendre le contrôle, c'est exprimer et assumer des choix clairs en matière d'accueil et d'intégration. C'est faire en sorte que la délivrance des titres de séjour relève davantage de nos principes ou des objectifs que nous fixons plutôt que d'un constat passif, comme cela a été trop longtemps le cas.
Reprendre le contrôle, c'est faire en sorte que lorsque nous disons oui, ce soit vraiment oui et que lorsque nous disons non, ce soit vraiment non. Je crois profondément sur ce sujet, comme d'ailleurs sur beaucoup d'autres, à l'idée d'un juste équilibre entre les droits et les devoirs.
Reprendre le contrôle, c'est lutter fermement contre tous les détournements du droit d'asile, contre l'immigration irrégulière. Cette approche générale, cette philosophie, nous la déclinons aujourd'hui avec vingt mesures qui couvrent la totalité des pans de la politique d'immigration, d'asile et d'intégration et qui forment donc un plan d'action profondément interministériel.
Je voudrais insister sur cette dimension interministérielle parce qu'elle est au cœur de notre démarche. Comme le nombre de ministres qui ont contribué à son élaboration et qui vont vous présentez ces mesures dans quelques minutes, le traduit aisément.
Notre politique migratoire doit d'abord tenir compte des désordres du monde. La France n'est pas une île. Parce que c'est son intérêt, parce que c'est sa vision, la France doit contribuer à réduire les déséquilibres en matière de richesse et à bâtir les chemins de la Paix et du développement. C'est la raison pour laquelle le président de la République s'engage fortement au plan diplomatique. C'est la raison pour laquelle il a fait le choix d'augmenter fortement l'effort d'aide publique au développement à destination de toute une série d'États partenaires. C'est aussi pourquoi cet effort nouveau doit s'inscrire avec ses partenaires dans une logique d'engagements réciproques.
Il y a une nouvelle donne européenne. Pour nous, les questions d'immigration et d'asile constituent, avec les questions liées à l'écologie, la priorité de l'action des institutions européennes dans les mois qui viennent. Notre pays va donc jouer tout son rôle avec la Commission et ses partenaires pour que l'Europe se rassemble et refonde profondément l'espace Schengen et le régime d'asile européen. La réalité de l'Europe telle qu'elle fonctionne aujourd'hui, c'est aussi celle de mouvements migratoires secondaires importants. Nous lutterons vigoureusement contre les abus concernant notre système social ou d'accès aux soins. Lesquels sont très liés à ces mouvements migratoires secondaires. Mais une politique migratoire, ce n'est pas simplement l'addition de contraintes.
Notre volonté, c'est de faire des choix en matière d'accueil. Fixer des objectifs quantitatifs ou des quotas - les deux termes me vont - en matière d'immigration professionnelle. Mettre le paquet sur l'intégration par le travail. Limiter les irritants qui gênent le parcours d'intégration, par exemple en réduisant les taxes sur les titres de séjour. Et en même temps, notre rôle est aussi de protéger l'immigration familiale en luttant contre certains détournements ou encore de réaffirmer des exigences fermes et fortes pour accéder à la nationalité française.
Enfin, nous tenons dur comme fer à la mise en œuvre effective de ces règles. Nous nous donnons les moyens juridiques, financiers, humains d'atteindre l'objectif de réduction du délai d'examen des demandes d'asile, mais aussi d'amplifier notre efficacité en matière d'éloignement des étrangers en situation irrégulière.
Voilà pour la présentation d'ensemble, pour la méthode et la philosophie qui ont présidé à l'élaboration de ce plan. Je crois que nous avons trouvé le juste équilibre entre les droits et les devoirs, entre la volonté de rassurer nos concitoyens et le courage de ne rien céder au populisme. Entre la fidélité à nos valeurs et le réalisme face aux changements du monde.