Accueil des délégations politiques et des membres du groupe de travail « Nickel » de Nouvelle-Calédonie

Ce contenu a été publié sous le gouvernement de la Première ministre, Élisabeth Borne.

Publié le 06/09/2023|Modifié le 06/09/2023

Madame et Messieurs les ministres,
cher Gérald, chère Agnès, cher Roland, cher Philippe,
Monsieur le Président du Gouvernement de Nouvelle-Calédonie,
cher Louis MAPOU,
Monsieur le Président du Congrès de Nouvelle-Calédonie,
cher Roch WAMYTAN,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,
Je me réjouis de vous accueillir à nouveau à Matignon, où les artisans de l’avenir de la Nouvelle-Calédonie se sont souvent réunis, après la visite du Président de la République en Nouvelle-Calédonie en juillet, les discussions que nous avons pu avoir ici-même en avril dernier, et les différents échanges que vous avez eus avec les ministres au cours des derniers mois.
Je veux saluer, aussi, l’action du haut-commissaire et du préfet en mission auprès de lui, qui sont à votre contact direct chaque jour et travaillent en lien étroit avec le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, Gérald DARMANIN, et le ministre délégué chargé des Outre-mer, Philippe VIGIER. Je les remercie pour leur engagement.
Si nous nous retrouvons ensemble, Gouvernement, responsables politiques de l’archipel et acteurs industriels de la filière nickel, c’est parce qu’au-delà de vos différences et de la variété de vos fonctions, je sais que vous avez une volonté commune : construire l’avenir de la Nouvelle-Calédonie.
Et je le dis clairement : je souhaite que les rencontres de cette semaine marquent des avancées, dans l’écriture d’une nouvelle page de l’histoire de la Nouvelle-Calédonie au sein de la République. Une histoire qui s’écrira dans un cadre renouvelé, au terme du processus politique prévu par l’accord de Nouméa.
Pour entamer formellement ces discussions aujourd’hui, nous partons d’une base fixée par le Président de la République le 26 juillet dernier. Cette base, c’est le pacte de Nouméa, fait de deux chemins, du pardon et de l’avenir.
Le chemin du pardon, d’abord.
Le Président de la République a invité le Président MAPOU à inventer, avec ceux qui sont prêts à se mobiliser, une démarche originale. Je sais que le Président MAPOU fera des propositions en ce sens.
Le pardon, c’est aussi évoquer tous ensemble le passé, dans tous ses aspects, à travers une démarche mémorielle, pédagogique et culturelle. Car c’est de l’histoire et du travail collectif de mémoire, que peut venir le pardon.
Il appartiendra à tous de recueillir les témoignages du passé. Toutes les institutions et tous les responsables pourront y prendre part. Cette démarche, il reviendra à tous les Calédoniens de se l’approprier.
Le chemin de l’avenir, ensuite.
C’est songer à ce que les Calédoniennes et les Calédoniens ont bâti avec la République, et à ce que nous allons construire ensemble, bien sûr au plan politique et institutionnel, mais aussi pour l’économie et le développement de la Nouvelle-Calédonie.
Il nous appartient maintenant de concrètement donner corps à ce pacte.
*
Notre premier objectif, c’est de poser les bases de l’avenir institutionnel du territoire, dans le cadre de la République.
Sur ce sujet, au plan institutionnel, nous ne partons pas d’une page blanche.
Il y a les acquis des accords de Matignon et de Nouméa, qui constituent un socle solide.
Cette base n’est pas figée, elle n’est pas immuable, et le dialogue engagé doit permettre de l’améliorer, de corriger ce qui doit l’être, dans le consensus et dans le respect des équilibres indispensables à la stabilité des institutions calédoniennes.
Nous savons aussi que le processus politique prévu par l’accord de Nouméa est allé à son terme. A partir de là, le statu quo n’est ni possible, ni souhaitable. Personne ne le veut.
Nous devons donc avancer, et plusieurs sujets fondamentaux, dont vous discutez déjà depuis plusieurs mois, devront faire l’objet de nos échanges cette semaine.
Je pense, en premier lieu, à l’exercice du droit à l’auto-détermination.
Ce droit est de valeur constitutionnelle, et notre devoir, c’est de trouver les voies et moyens pour qu’il puisse effectivement être exercé par le peuple de Nouvelle-Calédonie.
Pour être claire, ce droit ne doit pas être théorique, ou rester une belle formule. L’auto-détermination, c’est le droit réel et concret, pour un peuple, de choisir son destin.
J’ajoute que c’est un droit éminemment politique, qui doit viser à rassembler plutôt que diviser. A ce titre, nous devons, ensemble, tirer les leçons de notre passé récent.
Parce qu’il enfermait les Calédoniens dans un choix binaire, le processus d’auto-détermination prévu par l’accord de Nouméa n’a pas permis de faire émerger un récit et un projet communs, que les communautés auraient pu partager.
Nous devons donc garantir ce droit à l’autodétermination, mais en définir clairement les futures modalités, pour ne pas faire peser une incertitude permanente, de court terme, sur le devenir de la Nouvelle-Calédonie. Ce serait délétère pour son développement, pour le futur de sa jeunesse.
Ensemble, notre mission est donc de trouver un point d’équilibre, en respectant scrupuleusement cette double exigence : d’une part l’effectivité réelle du droit à l’auto-détermination, d’autre part les modalités, qui n’enferment pas les Calédoniens dans un choix binaire et un calendrier-couperet. 
Je suis certaine que c’est possible, dès lors que le principe du droit à l’auto-détermination est reconnu par tous.
Parmi les sujets fondamentaux que vous aurez à traiter, il y a aussi la construction d’une citoyenneté calédonienne.
Là aussi, nous nous fondons sur l’acquis de l’accord de Nouméa.
Oui, il existe une citoyenneté calédonienne propre au sein de la République française. Une citoyenneté calédonienne dans la citoyenneté française.
L’enjeu aujourd’hui, c’est redéfinir cette citoyenneté : ses contours et son contenu, sa forme et les droits qu’elle ouvre.
Cette citoyenneté doit être enrichie et ne pas se limiter au droit de vote, à l’accès à l’emploi. Ce sont, plus largement, des droits et des devoirs, des valeurs et le partage d’un destin commun. Toutes ces notions doivent être précisées, pour servir de base au destin commun de tous les Calédoniens.
Le troisième chantier institutionnel que nous devons traiter, c’est le nouveau statut de la Nouvelle-Calédonie.
C’est la question des institutions, et d’éventuels transferts de compétence.
Dans ce domaine non plus, il n’y aura pas de remise à plat : les institutions actuelles de la Nouvelle-Calédonie sont le fruit des accords de Matignon-Oudinot et de l’accord de Nouméa.
Elles ne sont pas parfaites et des ajustements sont sans doute nécessaires, pour un meilleur fonctionnement des différentes collectivités. 
Mais je le dis : c’est avec recul, réflexion et prudence, qu’il faut modifier les équilibres institutionnels patiemment construits. Ils ont été des facteurs essentiels du retour à la paix civile.
L’esprit de l’accord de Nouméa doit demeurer, mais sa mise en œuvre opérationnelle pourra évoluer, en fonction des accords que vous trouverez ensemble.
Car c’est ma conviction : il revient aux forces politiques de Nouvelle-Calédonie de dire leur vision des institutions, et de proposer de manière très concrète, les modifications qui pourraient améliorer le fonctionnement institutionnel du territoire.
Il en va de même s’agissant des compétences. De nombreuses compétences ont déjà été transférées à la Nouvelle-Calédonie, depuis les accords de Matignon-Oudinot et l’accord de Nouméa.
Assurément, personne n’imagine tout décider depuis Paris, pour un territoire aussi lointain et aussi singulier. A 20 000 kilomètres, les normes et les politiques publiques doivent être largement adaptées. D’ailleurs, il n’en a jamais été autrement. C’est le cœur de la spécialité législative. Elle a toujours existé. Les accords l’ont renforcée et approfondie.
Nous pourrons débattre des transferts de compétence, avec des objectifs clairs : nous devons agir au service de nos concitoyens, en cherchant toujours, la meilleure efficacité de l’action publique, la simplicité normative et administrative, et la qualité des services publics.
Enfin, il faudra aborder le dégel du corps électoral des élections provinciales.
Nous devons absolument avancer sur ce sujet, car les élections provinciales auront lieu en 2024, et le corps électoral doit être dégelé avant cette échéance.
Le corps électoral d’un territoire, c’est un enjeu démocratique par excellence, et une évolution sur ce sujet est impérative.
Pour le faire évoluer, nous aurons besoin d’une révision constitutionnelle, que le Gouvernement souhaite proposer prochainement au Parlement.
Je note qu’un point d’équilibre entre les partenaires paraît pouvoir être trouvé. Je l’espère, je m’en réjouis, et surtout, je compte sur l’esprit de responsabilité de l’ensemble des acteurs politiques, car le dégel du corps électoral avant les élections est, je le répète, indispensable, et devra intervenir en tout état de cause.
Dès cet après-midi, vous serez au travail, avec le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, et le ministre délégué aux Outre-mer, pour évoquer ces sujets majeurs.
Votre présence à toutes et tous ici est une étape importante. Je forme à présent le vœu que de cette présence résulte un accord politique, qui sera le fondement de l’avenir institutionnel et politique de la Nouvelle-Calédonie.
*
Mesdames et Messieurs,
Les sujets institutionnels sont, vous le savez, absolument essentiels, mais il me paraissait important d’évoquer également un autre sujet, qui définira aussi l’avenir de ce territoire.
En effet, compte tenu de son importance, la filière du nickel participe à construire l’avenir économique de la Nouvelle-Calédonie.
Car le nickel est un métal profondément ancré dans l’identité de votre territoire. La mine, les usines, tout cela a modelé vos terres et vos imaginaires, tout cela tient une place centrale dans votre histoire, dans l’équilibre des territoires, dans l’emploi.
Aujourd’hui, à un moment charnière de notre histoire industrielle, l’enjeu est de faire du nickel calédonien une filière d’avenir.
J’ajoute que les choix des prochaines semaines détermineront le sort des trois usines du territoire. Si l’ensemble des acteurs acceptent d’inscrire la filière dans une stratégie renouvelée, avec le soutien de l’Etat, un retour à la profitabilité est alors possible.
Dans le cas contraire, un risque important pèse sur l’avenir des usines, malgré les efforts considérables déjà consentis par les acteurs publics comme privés.
Vous le savez, la place du nickel dit de « classe I » est centrale dans les technologies qui émergent aujourd’hui, car ce métal est au cœur de la chaine de valeurs des batteries. A terme, on estime que les capacités en nickel sur le territoire pourraient répondre à 80% des besoins de nos usines de batteries.
Mais il faut le dire : le nickel calédonien alimente insuffisamment l’Europe. Nous demeurons bien trop dépendants des pays asiatiques, alors même que les besoins en minerais stratégiques vont continuer à augmenter avec l’électrification des usages, notamment dans le secteur automobile, et que leurs standards sociaux sont loin de ceux pratiqués en Nouvelle-Calédonie.
Pour conquérir notre souveraineté industrielle, nous devons réduire nos dépendances.
C’est un axe majeur de la stratégie de réindustrialisation que porte le Président de la République depuis 6 ans, et c’est au cœur des missions du ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, Bruno LE MAIRE, et du ministre délégué chargé de l’Industrie, Roland LESCURE.
J’ajoute que cette stratégie est une opportunité formidable pour la Nouvelle-Calédonie et pour ses habitants. Pour l’emploi. Pour le dynamisme économique. Pour l’attractivité et la richesse du territoire.
Le potentiel est donc prometteur, il y a une stratégie « gagnant-gagnant » à construire. Mais aujourd’hui, les conditions sont loin d’être réunies pour répondre à un tel défi industriel.
J’ai missionné sur ce sujet l’Inspection générale des finances, et le Conseil général de l’Economie. Leur rapport, qui nous a été remis en juillet dernier et qui vous a été présenté, est alarmant.
Certes, l’activité d’extraction de nickel est bénéficiaire, mais aucune des usines présentes sur le territoire n’est rentable. Elles réalisent même des pertes considérables car elles n’atteignent pas, pour diverses raisons que vous connaissez bien, le niveau de production et de compétitivité pour lequel elles ont été conçues.
Ce constat est partagé, documenté. Vous le connaissez. Il appelle des transformations en profondeur du secteur.
Sur ce sujet en particulier, il est impératif que nous avancions tous dans le même sens. Chacun de nous, industriels, institutionnels, État : chacun a un rôle à jouer pour réussir ces transformations et faire, pleinement, du nickel une filière d’avenir.
Concrètement, cela signifie que l’Etat répondra présent, si les conditions sont réunies. Il répondra au plan financier, pour contribuer aux investissements nécessaires à la transition énergétique de la Nouvelle-Calédonie, et ainsi permettre à terme la baisse des coûts de production et la décarbonation des usines. C’est la condition pour produire un nickel, qui devra être de plus en plus « vert ».
L’Etat répondra également présent au plan industriel, pour favoriser le développement d’une chaine de valeur française des batteries, et l’émergence de partenariats indispensables entre les acteurs Calédoniens et européens.
Mais nous ne pouvons pas signer de chèque en blanc. Comme l’a dit le Président de la République en juillet, à Nouméa, il est inenvisageable, surtout au vu de notre contexte de finances publiques, que le contribuable finance des usines si elles sont structurellement déficitaires, a fortiori si elles ne produisent qu’un nickel qui n’est pas centré sur nos besoins stratégiques et qu’elles n’ont pas un accès normal à la ressource.
Notre message est donc simple : nous sommes prêts à nous engager pour la filière nickel en Nouvelle-Calédonie, mais chacun doit prendre sa part.
Cela implique de réorienter une partie de la production des usines vers les besoins de nos industriels, avec lesquels il faudra construire des partenariats stratégiques. C’est un enjeu de sécurisation de nos approvisionnements en minerais. C’est aussi un moyen de vous sécuriser et de ramener de la valeur sur le territoire calédonien.
Cela implique aussi, et ce ne peut être le rôle de l’Etat, de rendre l’activité métallurgique compétitive.
Je sais combien le minerai que produit votre territoire est de grande qualité, pour autant vos coûts de production ne peuvent être autant déconnectés de ceux des concurrents.
La ministre de la Transition énergétique, Agnès PANNIER-RUNACHER, travaille sur le sujet du prix de l’énergie, et sur la décarbonation du mix énergétique du territoire. Mais ça n’est pas le seul enjeu de compétitivité. Et nous ne pourrons pas bâtir une filière qui gagne des parts de marché et qui alimente sérieusement l’Europe dans ces conditions.
Faire du nickel pleinement une filière d’avenir, cela implique que l’ensemble des acteurs partagent une approche commune, qui permette d’aligner leurs intérêts au bénéfice du territoire et des Calédoniens.
Cela implique un bon accès à la ressource.
Cela implique également que les industriels investissent pour améliorer la productivité de leurs exploitations et exploitent les synergies avec les autres acteurs de l’île.
Le potentiel est là, mais pour arriver à transformer cette filière, des changements radicaux sont nécessaires, et je compte sur vos échanges de la semaine, sous l’égide des ministres, pour dégager des pistes concrètes, et avancer ensemble.
J’espère que vos discussions permettront de lever les blocages à la bonne conduite des opérations industrielles et minières, de réduire les coûts, de trouver de nouveaux débouchés en modernisant la doctrine sur l’exportation du minerai, de construire une filière plus intégrée, et de bâtir ainsi un modèle équilibré et rentable.
J’ai conscience que ces efforts sont importants, mais ils sont justifiés par le potentiel extraordinaire de la Nouvelle-Calédonie dans ce domaine. Il en va de l’avenir économique et social du territoire.
*
Mesdames et Messieurs,
Les défis qui nous attendent sont nombreux, et touchent à la fois à la mémoire, au fonctionnement des institutions et au potentiel de développement économique de la Nouvelle-Calédonie.
Je souhaite que les échanges que nous allons avoir, avec les forces politiques calédoniennes et la filière industrielle du nickel, nous permettent d’avancer, ensemble, vers un avenir meilleur pour la Nouvelle-Calédonie.
Sur tous ces sujets, je veux vous assurer du soutien sans faille de l’État, de mon Gouvernement, et de mon engagement, pour construire une citoyenneté et une architecture institutionnelle solides, et pour développer le potentiel économique formidable du territoire.
Vive la Nouvelle-Calédonie ! Vive la République ! Et vive la France !

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