Déclaration d'Édouard Philippe à l'occasion du Séminaire gouvernemental

Ce contenu a été publié sous le gouvernement du Premier ministre, Édouard Philippe.

Publié le 05/09/2018

Palais de l’Elysée, Mercredi 5 septembre 2018
Seul le prononcé fait foi
Bonjour à tous,
Permettez-moi de commencer cette intervention par un hommage à Monsieur Geoffroy HENRY qui était sapeur-pompier affecté au Centre de secours de Rungis et qui est décédé hier dans une opération, et aussi d’adresser un message de soutien à Monsieur Alexandre MEYNIER, blessé à l’occasion de ces mêmes opérations. Mes pensées sont évidemment pour eux, pour leurs proches, leurs familles et leurs collègues.
Nous venons de terminer le séminaire gouvernemental de rentrée. Ces séminaires, qui permettent à l’ensemble du Gouvernement de travailler et de discuter entre eux et avec le Président de la République, constituent des exercices auxquels vous êtes désormais habitués. Ce sont des exercices utiles. Utiles parce qu’ils permettent d’expliquer la programmation du travail gouvernemental dans les mois qui s’annoncent. Utiles aussi parce qu’ils nous permettent d’échanger entre nous sur les choix à réaliser, sur la stratégie à adopter, sur les éventuelles modifications qu’il faut apporter à telle ou telle politique publique. Ce sont des moments de collégialité et de convivialité, ce sont aussi des moments de travail comme vous l’imaginez, nous y sommes tous extrêmement attachés et il y en aura évidemment d’autres au fur et à mesure que se déroulera le programme du Gouvernement.
Le Président de la République nous a rappelé son très vif souci de cohérence et sa très grande détermination à tenir les engagements qu’il a pris devant les Français.
Alors que nous vivons dans un monde où les émois accessoires ou les accélérations médiatiques peuvent prendre une place que certains jugent disproportionnée par rapport à la réalité, nous devons savoir qu'ils ne sont pas l'essentiel. L'essentiel, ça n'est pas le bruit médiatique. Le bruit médiatique est sain, il existe et il est légitime dans une démocratie, mais il ne doit pas masquer la réalité des transformations profondes qui sont engagées par le Gouvernement ou qui sont à l'œuvre dans le pays.
Le Président de la République a rappelé l'engagement qu'il avait pris de libérer l'économie et la société française, non pas d'ailleurs pour le plaisir de libérer pour libérer, mais bien pour promouvoir une société qu’il décrit souvent comme une société de l'émancipation. Une société dans laquelle les individus peuvent prendre des choix éclairés, peuvent, quand ils sont collégiens, décider en conscience avec des informations claires et accessibles de la voie qu'ils vont choisir pour poursuivre leurs études, apprentissage ou pas apprentissage. Un monde dans lequel les lycéens peuvent effectuer des choix éclairés en matière d'orientation et ne pas être affectés dans des établissements d'enseignement supérieur au prix parfois de l'aléatoire et du tirage au sort. Un monde, une France dans laquelle les entreprises peuvent se développer, croître, prospérer, créer des richesses, créer des emplois et être compétitives par rapport à leurs homologues à l’international, lesquels sont évidemment très déterminés à prendre des parts de marché. Bref, de poursuivre cette ligne essentielle d'une société qui favorise en toutes circonstances l'émancipation individuelle.
De faire en sorte aussi, là encore, de tenir l'engagement qui n'est pas accessoire, qui n'est pas à côté, qui est la condition même d'une vraie émancipation : l'impératif de protection des Français dans ce monde qui se transforme et que nous connaissons aujourd'hui.
Cela passe par l'ambition de refonder notre État-providence, de le refonder fondamentalement avec un souci d'efficacité, de justice et d'universalité, en ayant bien conscience que l'État-providence n'a de sens que s'il est réel et que s'il s'affranchit de cette habitude ou de cette facilité consistant à penser qu'un droit déclaré est un droit réel.
Dans quelques heures, un rapport relatif au RSA sera remis au Gouvernement. Ce dispositif sur lequel il n'est pas question de revenir parce qu'il est essentiel comme outil de solidarité, ne répond pas complètement aux objectifs qui lui avaient été fixés.
Notre souci c'est l'efficacité, c'est la réalité, c'est faire en sorte que nous ne nous payons pas de mots dans les impératifs de solidarité. Et cette refondation de l'État-providence, elle interviendra dans les réformes, dans les transformations que nous allons engager, par exemple dans le système de santé avec le plan sur lequel j'aurai l'occasion de revenir dans quelques instants.
La nécessité aussi d'accélérer la transition écologique, le Président l'a rappelé en saluant l'arrivée à la table du Conseil des ministres de François de RUGY au poste de ministre d'État, ministre de la Transition écologique et solidaire. Là aussi, j'aurai l'occasion d'en dire un mot, mais je voudrais me réjouir, à titre personnel, de ce que François de RUGY ait accepté la proposition que j’ai formulée au Président de la République, car il est un acteur politique engagé, un écologiste convaincu, un homme d’expérience à la fois parlementaire et élu local qui va pouvoir nous permettre d’accélérer, là encore, la transition écologique à laquelle nous sommes soumis et que nous ne devons pas nier, mais que nous devons au contraire assumer et saisir comme une chance.
Enfin, dernier impératif rappelé par le Président de la République : le renforcement de la cohésion nationale, avec des textes qui seront travaillés et des réformes qui seront abordées, relatives notamment au Service National Universel, aux transformations que l’école va connaître – et ce creuset de la cohésion nationale doit évidemment toujours être renforcé – et aux lois de bioéthique qui sont en préparation.
Je n’ai aucun doute, Mesdames et Messieurs, sur le fait que les oppositions nous aimeraient immobiles. Elles font même mine de penser que nous pourrions être hésitants. Je voudrais redire la détermination complète du Président de la République et qui est complètement partagée par le Gouvernement.
Nous allons maintenir le cap et l’intensité des transformations que nous avons décidé d’engager ; c’est vrai dans le domaine de l’activité et du travail avec l’examen de la loi Pacte, qui interviendra dès la fin du mois de septembre à l’Assemblée nationale, et qui sera portée par le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno LE MAIRE. Notre pays a besoin d’une croissance plus vigoureuse et plus durable, elle a besoin de progresser au rythme des meilleures économies européennes, et c’est le sens de cette loi Pacte : libérer tous les freins à la croissance des entreprises, et nous savons qu’ils sont nombreux. Notre pays a aussi besoin de renforcer l’association des Français à la vie de leur entreprise et à ses résultats. C’est ce que nous ferons dans cette loi Pacte, avec les dispositions qui sont relatives à l’intéressement, à l’épargne salariale et à l’ouverture des conseils d’administration.
L’autre grand temps de cette rentrée, ce sera les très grandes transformations en matière d’activité et de travail, je l’ai dit, que nous allons porter. Ce sont six grands chantiers qui vont nous permettre une rénovation méthodique de notre modèle social. Ces six chantiers concernent, d’abord, la lutte contre la pauvreté. Un plan et une stratégie complète de lutte contre la pauvreté seront présentés par le Président de la République la semaine prochaine, le 13 septembre et rentreront en application à compter du 1er janvier 2019.
Deuxième grand sujet, abordé là aussi très rapidement : l’hôpital et le système de santé, qui vont faire l’objet d’annonces, là encore, par le Président de la République le 18 septembre prochain, et qui viseront à améliorer la qualité de soins, à accroître la coordination entre l’hôpital et la médecine de ville. Les décisions qui seront annoncées se traduiront d’ores et déjà dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale de 2019.
Les retraites aussi, puisque, conformément aux engagements qui ont été pris par le Président de la République, conformément à la méthode et au calendrier que nous avons indiqués dès la nomination du Gouvernement, nous avons commencé à travailler sur cette question de la transformation du système des retraites. La première phase de cette transformation a commencé dès le début de l’année 2018, avec la nomination d’un Haut-Commissaire, Jean-Paul DELEVOYE, qui a multiplié les entretiens, les consultations, le travail concret, à la fois avec les organisations syndicales, les fédérations professionnelles, et tous les acteurs concernés par cette réforme importante. Dans le courant du mois d’octobre, une réunion de synthèse et de conclusion de cette première phase sera organisée pour dire ce sur quoi nous sommes d’accord, pour dire ce que nous considérons comme acquis, et pour ensuite ouvrir une deuxième phase de consultation sur les questions qui resteront à trancher. Notre calendrier ne variera pas, nous avons pour ambition de présenter un projet de loi en matière de retraite dans le courant de l’année 2019.
Parallèlement à cet exercice sur la réforme des retraites, nous voulons engager une réflexion – elle a été évoquée par le Président de la République lors du Congrès – sur la dépendance, avec le lancement de groupes de travail début octobre sous la présidence de Dominique LIBAULT, et un projet de loi qui interviendra là encore en 2019.
Notre société se transforme, la population active vieillit, la population globale vieillit et vit plus longtemps, ce qui est une très grande nouvelle, mais ce qui pose la question de la prise en compte et de la transformation de notre organisation sociale, de nos financements, pour prendre en compte ce phénomène, qui est appelé à se développer, de la dépendance. Nous voulons, là encore, aborder ce sujet calmement, avec méthode, dans la concertation, mais résolument car ne pas le prendre en compte et ne pas préparer les solutions pérennes, durables, crédibles sur cette question, ce ne serait pas être à la hauteur de la tâche.
Enfin, un mot sur les rencontres bilatérales qui ont lieu depuis la semaine dernière entre le Gouvernement et les organisations syndicales et patronales.
Nous avons rencontré les 13 organisations, la dernière sera rencontrée cet après-midi, et nous leur avons proposé de discuter sur ce qui viendrait nourrir les négociations ou la réflexion, ou les concertations, en matière de dialogue social dans le courant des quatre à six mois qui viennent.
Nous leur avons proposé une réflexion sur l’assurance-chômage, afin de systématiquement permettre le retour au travail et de favoriser le retour à une activité durable.
Nous leur avons également indiqué qu’il nous paraissait utile d’engager une réflexion et une négociation sur la question de la santé au travail, sur la base d’un rapport qui m’a été remis il y a quelques jours par la députée LECOCQ, et qui pose un certain nombre de questions en termes d’organisation de ces sujets et notamment de prévention. Nous avons voulu échanger avec les organisations syndicales, pour savoir quel était le champ complet des discussions qui pouvaient être nouées entre les partenaires sociaux et nous-mêmes.
Et puis, nous avons voulu aussi ouvrir la discussion et leur demander si des sujets particuliers pouvaient faire l’objet d’une discussion, en leur offrant l’initiative de ces concertations.
Vous le voyez, Mesdames et Messieurs, dans les mois qui viennent, la discussion, la transformation du modèle économique et social de ces sujets d’activité et de travail va être au cœur de l’action gouvernementale. Sur tous ces sujets, les Français ne sont pas dupes, ils sont légitimement – comme nous-mêmes d’ailleurs – extrêmement attachés au modèle français de Sécurité sociale et à tous les éléments de solidarité qui nous permettent de vivre dans une République dont nous sommes fiers.
Ils savent aussi que le système actuel ne fonctionne pas toujours comme il devrait fonctionner, qu’il n’a pas toujours l’efficacité qu’il devrait avoir, et nous sommes persuadés que dans ce domaine, ils souhaitent que nous puissions avancer, contrairement à un certain nombre peut-être de « gardiens du temple » qui prétendent défendre ce modèle en refusant de le moderniser.
Notre deuxième ambition, je l’ai évoquée tout à l’heure, c’est de réussir – et peut-être même d’accélérer aussi – la transition écologique. Je vous l’ai dit – le Président de la République l’a fait pendant le Conseil des ministres et je l’ai fait devant vous il y a quelques instants – nous nous sommes réjouis de l’arrivée de François de RUGY dans l’équipe gouvernementale.
En quittant l’Hôtel de Lassay, la présidence de l’Assemblée nationale, il est passé, je dirais, du perchoir à l’arène politique à proprement dite. Il a montré son envie de faire, sa volonté de participer à la transformation réelle des choses, ce qui n’est pas un exercice facile, mais qui est un exercice noble et un exercice essentiel en la matière. Je suis certain qu’il va apporter beaucoup à l’action gouvernementale, et je me réjouis de le voir s’inscrire à la fois dans la logique qui a été mise en œuvre par le Gouvernement, et de vouloir l’accélérer.
Avec un budget en forte augmentation, il va devoir veiller à la mise en œuvre du Plan Climat, à la mise en œuvre du Plan Biodiversité, il va devoir finaliser les deux chantiers-clés en matière de transition écologique que sont à la fois la programmation pluriannuelle de l’énergie et la loi d’orientation des mobilités qui seront présentées dans le courant de l’automne.
Troisième grande priorité : assurer la sécurité des Français. Nous avons confirmé – mais je pense que personne n’avait de doute à ce sujet – la hausse des budgets des ministères de l’Intérieur, des Armées, de la Justice, la poursuite des recrutements dans l’Armée, dans la Police, dans l’Administration pénitentiaire, dans la Magistrature. La Garde des Sceaux présentera le 12 septembre le Plan Prisons, et le projet de loi de programmation sur la justice sera examiné à partir d’octobre au Sénat.
Ces choix économiques, sociaux, écologiques, régaliens se traduiront pleinement dans le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la Sécurité sociale qui seront présentés au Parlement dans les derniers mois de l’année 2018.
Faire des choix, c'est assumer des priorités, vous me l’avez déjà entendu dire, je le répéterai aussi souvent que ce sera nécessaire. Gouverner c’est faire des choix, et faire des choix c'est assumer des priorités, en disant que certaines choses sont plus importantes que d’autres ; quand bien même tout semble, en première analyse, extrêmement important. Les choix que nous faisons, là encore très assumé, c'est le choix du travail, de favoriser le retour à l’activité pour ceux qui en sont privés, de faire en sorte que le travail paie, de faire en sorte que notre nation retrouve sa prospérité par le travail, et qu’elle puisse distribuer les richesses qu’elle produit, après les avoir produites plutôt qu’avant.
C’est la raison pour laquelle nous avons fait le choix d’une évolution maîtrisée des prestations sociales et des pensions ; c'est la raison pour laquelle nous avons fait le choix de la revalorisation des heures supplémentaires, avec la suppression des cotisations salariales qui pesaient sur les heures supplémentaires, c’est la raison pour laquelle nous faisons le choix d’une augmentation significative de la prime d’activité, et c'est la raison pour laquelle nous avons fait le choix qui va commencer à se voir à partir du mois d’octobre, de la suppression d’un certain nombre de cotisations salariales. On a vu les premiers effets de cette mesure en janvier, elle a été conçue en deux temps et à partir d’octobre, les actifs français vont pouvoir constater les effets de cette mesure.
Deuxième choix : celui d’aider les plus fragiles, avec la revalorisation importante de l’Allocation Adulte Handicapé, et du minimum vieillesse, revalorisations bien supérieures à l’inflation. Le choix de l’éducation, de l’enseignement supérieur, là aussi avec des budgets en augmentation, parce que préparer le futur, c’est évidemment faire le pari de la formation, de la compétence, de l’intelligence individuelle et collective ; et puis, je l’ai dit mais je m’en voudrais de ne pas le répéter, le choix de l’écologie et de la sécurité, avec une augmentation très nette des budgets dans ces deux sujets.
Enfin, nous allons avancer sur trois enjeux majeurs pour la cohésion de notre pays, je l’ai dit : le service national universel, il va faire l’objet de grandes concertations à l’automne ; la révision des lois bioéthiques, dont les grandes orientations seront présentées à la fin de l’année, et la structuration de l’Islam de France d’ici le début d'année prochaine.
Le calendrier parlementaire d’ici la fin de l’année, et d’ailleurs pour le premier semestre 2019, compte tenu de l’ensemble de ces projets, sera particulièrement dense. Et vous m’en voudriez si je n’évoquais pas, à l’occasion de la question du calendrier parlementaire particulièrement dense, la question de la réforme institutionnelle. Je voudrais confirmer à ceux qui en douteraient qu’elle demeure une priorité du Gouvernement, elle requière deux semaines d’examen consécutives à l’Assemblée. Elle sera donc présentée dès que possible, dès que nous aurons dans le calendrier parlementaire, deux semaines d’examen consécutives disponibles, c'est-à-dire au plus tard cet hiver.
Comme vous le voyez, Mesdames et Messieurs, le Gouvernement et la majorité sont à pied d’œuvre. Le Président de la République nous a demandé de rester concentrés, de toujours et systématiquement privilégier la collégialité et la solidarité à l’intérieur du Gouvernement, d’être sûrs de nos valeurs, d’être déterminés à tenir les engagements qu’il a pris devant les Français au moment de l’élection présidentielle, de tenir le cap, de tenir aussi notre style de jeu – je ne sais pas si on peut le dire comme ça, de façon presque triviale – qui fait primer le collectif sur l’individuel et qui cherche systématiquement à associer les personnalités dont la légitimité vient du monde politique et des personnalités dont la légitimité ne vient pas du monde politique, mais qui justement, parce qu’ils ont des horizons différents, des origines différentes, peuvent se compléter et s’enrichir collectivement.
Il nous a demandé de poursuivre notre dialogue avec les Français, avec les partenaires sociaux, de prendre en compte les impatiences, de les comprendre, d’expliquer et de faire preuve de pédagogie, d’ouverture, de préférer toujours l’audace à la popularité qui pousse au conservatisme.
Voilà, Mesdames et Messieurs, c’est la rentrée. Comme beaucoup de Français et depuis que je suis tout petit, j’ai trouvé que la rentrée était une période jamais complètement simple, mais le Gouvernement est là, il est au complet, il est « au boulot », si vous me passez cette expression, et nous savons que nous serons jugés sur les résultats.
Je vous remercie.

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