Elisabeth BORNE
Bonjour.
Intervenante
Bonjour Madame la
Première ministre. Merci infiniment pour votre présence. Je souhaitais
rappeler, je le disais en introduction - parce que c'est un exercice, un processus
inédit - et j'aimerais juste avant de vous entendre et de vous laisser la parole,
rappeler quelques éléments chiffrés qui me semblent essentiels. Le CNR jeunesse,
c'est 5 rencontres à Matignon, 15 rencontres dans les territoires, 500 jeunes
mobilisés, consultés d'une manière ou d'une autre, plus de 100 réunions de
travail et avec une volonté de votre part d'avoir un échange franc avec ces
jeunes. J'aimerais vous demander, au travers de l'ensemble de ce dispositif et
de cet exercice inédit, ce qui vous a, vous personnellement, particulièrement
marquée.
Elisabeth BORNE
L'idée, c'est que bien souvent, les jeunes ont
l'impression qu'on conçoit les politiques qui les concernent sans les associer.
Et donc, ça m'a semblé très important de changer de paradigme, si je peux dire,
et au contraire de se dire que tous les sujets qui intéressent la jeunesse -
des sujets généraux comme la transition écologique, on sait qu'il y a
beaucoup de jeunes qui sont très engagés sur le sujet et qui pensent qu'on ne
va pas assez vite - mais aussi donc des sujets qui les concernent plus
directement sur la vie quotidienne, sur l'avenir professionnel. Tous ces
sujets, on doit les les travailler avec eux. Et donc l'idée, c'est : une
politique pour les jeunes, faite par les jeunes. C'est tout le sens de ces
échanges qu'on a eu ces derniers mois. Peut-être dire que moi, ce qui m'a
frappée tout au long de ces échanges, c'est qu'on entend souvent : « Les jeunes, ils
manquent d'énergie
», « c'était bien mieux avant », « nous on était des bien meilleurs
jeunes que ceux d'aujourd'hui ». Ce qui m'a vraiment frappée, c'est l'énergie,
l'enthousiasme, la lucidité aussi, la volonté des jeunes de se saisir de
sujets, on va dire collectifs, par exemple la transition écologique, mais aussi
de sujets qui les concernent, comme par exemple le harcèlement scolaire, comme
la précarité des jeunes, et de le prendre avec beaucoup d'énergie,
beaucoup d'enthousiasme et aussi beaucoup d'idées innovantes qui, du coup,
peuvent vraiment nourrir les politiques qu'on mène vis-à-vis de la jeunesse.
Animatrice
J'aimerais également
vous demander si les différentes sessions qui se sont déroulées
et auxquelles vous avez participé ont répondu à vos attentes
et en quoi les différents échanges que vous avez pu avoir avec ces jeunes vous
ont permis d'établir cette feuille de route jeunesse ?
Elisabeth BORNE
Les
propositions qu'on a présentées qui ont été évoquées, je pense, par les
ministres, émanent des jeunes. C'est vraiment les propositions que vous
avez pu faire. Et je voudrais vraiment remercier tous ceux qui se sont
mobilisés : les jeunes, les ministres, les équipes qui étaient à nos côtés, les
associations, toutes les structures qui ont travaillé avec nous. C'est vraiment
les jeunes qui ont fait des propositions qu'on a pu retenir. Il y a des
premières mesures qu'on a annoncées. Évidemment, on n'a pas épuisé toutes les
propositions qui nous ont été faites et on va continuer à travailler sur ces
propositions. On va continuer à échanger avec les jeunes, mais c'est vraiment
vous qui avez construit la feuille de route qu'on présente aujourd'hui.
Animatrice
On va rester dans
la logique de ce CNR jeunesse qui est donc un projet participatif, en
co-construction avec les jeunes. Il y a 3 jeunes présents et présentes sur
cette scène qui souhaitaient vous adresser leurs questions. La première
question est celle d'Abdel KARIM BENGI (phon), 16 ans, élève de première au
lycée Marcel-Pagnol à Marseille. Il est juste derrière vous, on va lui donner
un micro et je te laisse poser ta question.
Abdel KARIM BENGI (phon)
Bonjour à vous,
Madame la Première ministre. La question que j'aimerais vous poser est que là,
nous avons parlé d'orientation professionnelle. La question que j'ai à vous
poser est : qu'est-ce qui vous a poussée à vous orienter vers les métiers du
public ? Merci.
Élisabeth BORNE
C'est un peu
mon histoire personnelle, parce qu'il se trouve que moi j'ai perdu mon père
quand j'étais très jeune et ma mère n'avait pas de revenus. Donc j'étais pupille
de la nation. Et c'est grâce à la République que j'ai pu faire mes études,
d'autant plus que j'ai intégré une école polytechnique dans laquelle on est
rémunéré. Donc, si j'ai pu poursuivre mes études, choisir ma voie
professionnelle, c'est parce que finalement, notre pays a été derrière moi. Et
évidemment, moi, ça me tient à cœur de pouvoir permettre à d'autres jeunes
d'abord d'aller voir un itinéraire de ce type, de pouvoir réaliser les études
qui leur plaisent. Et puis, ça me tient à cœur aussi de rendre à mon pays ce
qu’il m'a donné.
Animatrice
Merci beaucoup. La
deuxième question est adressée par Veronica OLTEANU, elle est juste à côté de
vous, elle a 24 ans. Veronica, tu es étudiante en Master I Carrières publiques
à Clermont-Ferrand et tu es également responsable de la ferme de la Fédération
étudiante d'Auvergne. La parole est à toi.
Veronica OLTEANU
Madame la Première
ministre. J'intervenais aujourd'hui sur la question du mentorat. J'ai eu la
chance d'être mentorée et mentor aujourd'hui et je voulais savoir s'il y avait
une figure, une inspiration, un peu à l'image d'un mentor qui a pu vous
accompagner ou accompagner… enfin l'image de comment sont aujourd'hui les
jeunes accompagnés via le mentorat et si vous-même vous avez été ou pas
mentorée ?
Élisabeth BORNE
Si j'ai été mentor,
oui. Il y a une figure qui m'a inspirée : c'est d'abord ma mère parce que du
coup, elle s'est retrouvée avec deux petites filles et elle a réussi finalement
à nous accompagner dans des circonstances qui n'étaient pas faciles. Mais
peut-être sur le plan professionnel : c'est mon premier chef quand je suis
rentrée au ministère de ce qui s'appelait alors l'Équipement qui m'a guidée,
surtout les premières étapes de ma vie professionnelle. Et ça tombait bien
parce que moi, je ne suis pas d'un milieu où on avait beaucoup de réseaux. Et
d'avoir quelqu'un qui me guide pour faire les bons choix sur le premier
poste auprès de lui, et après de m'aider à m'orienter, ça a été extrêmement
utile. Donc, moi je crois beaucoup au mentorat, je pense qu'on a l'habitude de
dire que c'est le réseau de ceux qui n'en ont pas. Mon souhait
vraiment, ma volonté et ce qu'on va faire, c'est que chaque jeune qui le
souhaite doit pouvoir avoir un mentor qui lui tende la main, qui le conseille,
qui lui donne confiance aussi. C'est évidemment très important d'avoir
confiance en soi, c'est le début de ce qui vous permet souvent de réussir.
Donc, c'est évidemment quelque chose qui me tient à cœur. Moi j'ai été mentor
d'une jeune fille que je trouve formidable. Alors, peut-être qu'il y a un
parcours un peu comme un certain nombre d'entre vous qui a fait un master, en
l'occurrence c'était en droit de l’urbanisme et de l'environnement. Et puis
ensuite, elle s'est dit : « Mais qu'est-ce que je peux exercer comme métier avec
ce master ? » Et bon, ça peut nous interroger sur la façon dont on choisit ses
études. Peut-être que ça serait mieux qu'on puisse un peu inverser, qu'on se dise
d'abord : « J'ai découvert plein de métiers, et il y en a un qui m'a enthousiasmé
et je me demandais quel parcours je fais pour arriver dans ce métier qui me
plaît ». Donc Bérénice, en l’occurrence, elle avait son master d’urbanisme et de
l’environnement et elle n'avait pas d'idée de l'endroit où aller frapper.
Et du coup, j'ai pu lui donner des adresses, des noms de personnes qui
pouvaient lui proposer des métiers. Et finalement, elle a pu être recrutée en
CDI et je pense qu'elle est contente de ce qu'elle fait aujourd'hui.
Animatrice
La troisième et
dernière question vous est adressée par Maud CAILLAUX qui a 28 ans, qui est
fondatrice d’une néobanque verte « Green-Got ». Maud, c'est à toi.
Maud CAILLAUX
Merci. Bonjour
Madame la ministre. Premièrement, merci d'avoir réuni les jeunes. Merci de les
avoir écoutés. Quelques belles mesures en sont ressorties, mais finalement ce
sont des mesures qui sont peut-être un peu hétéroclites ou qui manquent
d'ambition si elles ne s'inscrivent pas dans la création par le Gouvernement,
par votre Gouvernement, d'un nouveau récit national, le nouvel idéal
national qui permettrait d'embarquer tous les acteurs de la société, de
réinventer un peu cette société, et puis surtout, qui permettrait aux jeunes de
surmonter le plus gros défi qu'ils auront dans leur vie, à savoir le défi
climatique. Donc, comment va-t-on plus loin ? Comment va-t-on beaucoup plus loin,
Madame la ministre ?
Élisabeth BORNE
Je n'ai
pas de doute sur le point d'arrivée, vous savez. C'est la France qui a
beaucoup poussé pour qu'on vise à l'échelle européenne une société neutre en
carbone et respectueuse du vivant. C'est ça, le projet qu’on
porte. Je pense que peut-être il faut rendre plus lisible les actions qu'on
mène pour atteindre cette neutralité carbone en 2050, pour baisser nos
émissions de gaz à effet de serre de 55 % d'ici à 2030, c'est-à-dire faire plus
en 8 ans que ce qu’on a fait en 32 ans. C’est un véritable projet collectif
parce que pour y arriver - et on n’a pas le choix il faut y arriver - on doit
transformer à peu près tout dans nos vies. On doit transformer nos manières de
nous déplacer, de nous loger, de produire, de consommer. Ça suppose la
mobilisation des entreprises, ça suppose la mobilisation évidemment du
Gouvernement, des collectivités, des associations, des citoyens. Et je pense
que c’est un très beau projet collectif dont on s’empare et qu’on doit
partager. Chacun a sa pierre à
apporter, à la hauteur finalement ce qu’il peut apporter compte tenu notamment
de son niveau de vie, de son mode de vie. Chacun doit s’engager et je pense que
c’est un beau projet collectif. Je suis convaincue d’abord qu’on va y arriver
et, par ailleurs, qu’on vivra mieux dans une société zéro carbone et une
société plus respectueuse du vivant.
Maud CAILLAUX
Merci beaucoup.
Animatrice
Juste avant de vous
laisser la parole, pour revenir sur le détail de certaines propositions, est-ce
que vous souhaitez adresser un message particulier aux jeunes qui ont participé
au CNR Jeunesse, mais également aux jeunes qui sont présentes et présents dans
la salle ?
Elisabeth BORNE
D'abord, je
voudrais les remercier d'avoir participé à ce CNR Jeunesse parce que moi j'ai
eu des rencontres, donc 5 rencontres sur 6 mois. Mais il y a eu beaucoup de
travail qui a été fait entre ces rencontres et je voudrais vous dire qu'on
prend vraiment à cœur de tirer parti de toutes
les propositions que vous nous avez faites, et qu'on prend l'engagement de les
mettre en œuvre. Donc je l'ai dit, il y a des premières mesures qu'on met en
œuvre, enfin qu'on a annoncées aujourd'hui. Mais on aura un Comité interministériel de la Jeunesse à la rentrée et donc on va continuer à
travailler sur ces propositions, sur tous les thèmes qui sont derrière nous et
sur lequel vous avez travaillé. Donc un grand merci. Un grand merci pour votre
mobilisation, un grand merci pour votre énergie. Merci pour toutes vos idées qui nous obligent évidemment à en tirer le meilleur et à avancer dans le sens
que vous nous avez indiqué.
Intervenante
Hier, vous avez
pris la parole, vous teniez également à annoncer d'autres
propositions que vous avez retenues. Il y a des propositions qui n'ont pas été
retenues, là, maintenant, à court terme néanmoins, est-ce que vous pouvez
également, en plus de l'annonce des propositions, nous donner quelques
perspectives concrètes à moyen et long terme ?
Elisabeth BORNE
Je ne sais
pas si je vais égrainer toutes les propositions. Enfin, les ministres ont eu aussi l'occasion d'en parler. Peut-être vous dire qu'il y
a un sujet qui est venu très violemment dans l'actualité avec le décès de la
jeune Lindsay. Moi, je suis frappée parce que j'avais beaucoup échangé avec des
jeunes dans mes précédentes fonctions, quand je portais en tant que ministre du
Travail le plan Un jeune, une solution. Je
suis vraiment frappée dès qu'on échange avec des jeunes : cette question du
harcèlement scolaire arrive. Donc ça veut dire qu'au-delà de nos statistiques
qui disent qu'un jeune sur 10 est victime de harcèlement, je pense que c'est un
phénomène qui est beaucoup plus répandu que ce que pourrait dire ce chiffre.
C'est un phénomène qui gâche la vie de beaucoup de jeunes. Et je voudrais
vraiment dire qu'avec tous les ministres qui sont là, avec d'autres qui ne sont
pas là, on est déterminés à faire plus, à faire mieux sur cette question,
évidemment avec le ministre de l'Éducation nationale. Mais aussi il faut que le
ministre chargé du Numérique apporte sa pierre, il faut que le ministre de
la Justice apporte sa pierre, il faut que le ministre de l'Intérieur apporte sa
pierre et donc on va tous se mobiliser sur ce sujet pour qu'on sorte de ces
situations où des jeunes, finalement, ne ne veulent plus poursuivre
leurs études. J'ai vu beaucoup de décrocheurs quand je suivais le plan Un
jeune, une solution, qui étaient tout simplement dégoûtés de l'école, qui avaient
une phobie de l'école ou de ce qui pouvait y ressembler. Donc c'est vraiment un
combat qui est prioritaire pour moi et ça sera une priorité de la prochaine
rentrée que porte le ministre de l'Éducation nationale, et ses collègues avec moi.
Intervenante
Aujourd'hui, on a
adressé quatre thématiques : l'action écologique, la vie quotidienne, l'avenir
professionnel et l'engagement citoyen. Est-ce qu'il y a d'autres propositions,
d'autres éléments, des échanges qui ont émané de l'ensemble de ces dispositifs
qui vous ont interpellée et sur lesquels vous souhaitez revenir ?
Élisabeth BORNE
On en a parlé. Je
pense que le mentorat, c'est vraiment quelque chose qu'il faut qu'on puisse
généraliser. Évidemment, aujourd'hui, et je pense que le ministre de
l'Éducation nationale va partager ce que je dis, on voit qu'il y a encore une
très forte inégalité en fonction de l'endroit où on est né, de son milieu
familial. Et il faut qu'on arrive à casser ça. Je pense que c'est une des
choses les plus importantes dans notre pays, qu'un jeune se dise que quel que
soit l'endroit où il est né, quel que soit l'endroit où il habite, quel que
soit son milieu social, il doit pouvoir réaliser le projet qui lui tient à
cœur. Et pour y arriver, évidemment, ça suppose qu'on améliore notre
accompagnement des jeunes — et c'est ce à quoi travaille le ministre de
l'Éducation nationale. Mais je pense que c'est aussi très important que des
personnes qui ont un parcours professionnel derrière elles, qui ont réussi des
études, puissent tendre la main à des jeunes pour les guider dans leurs choix,
pour les accompagner, pour leur remonter le moral. Vraiment cette capacité,
cette possibilité pour chacun d'accéder à un mentor qui lui donne les bons conseils,
ça me paraît absolument fondamental [Applaudissements].
Animatrice
Merci beaucoup.
Peut-être pour conclure, on le sait, on l'a entendu au travers des différentes
prises de parole, il y a beaucoup d'attentes chez ces jeunes qui ont pris la
parole aujourd'hui. On a entendu vos prises de parole, vos engagements, vous
avez fait le choix, vous avez annoncé certaines propositions. Je reviendrai
peut-être juste sur les propos de Lucie qui disait en parlant de cette
journée que oui, c'est une étape décisive. Mais ce n'est pas la conclusion de
quelque chose. C'est le début. C'est un commencement d'un cheminement que vous
allez engager ensemble. Donc merci Madame la Première ministre et merci les
ministres pour votre présence aujourd'hui et pour vos prises de parole.
Élisabeth BORNE
Mais vraiment merci
à tous et je voudrais insister sur ce point. C'est vrai qu'on a choisi une
méthode assez originale finalement où on se jette à l'eau avec vous, on écoute
vos propositions. On a voulu déjà pouvoir avoir des premières conclusions, des
premières décisions, mais on veut continuer à partir de tout ce que vous avez
apporté au cours de ces derniers mois et on ira jusqu'au bout des différentes
propositions que vous nous avez faites. Merci à tous, merci aux jeunes, Merci à
ceux qui les accompagnent. Merci au ministre et vous pouvez compter sur nous
pour aller au bout de vos propositions.
Animatrice
Alors, je vous
propose que juste avant, je vous demande encore quelques secondes
d'attention, juste avant pour immortaliser ce commencement, on l'a annoncé,
je vais inviter plusieurs personnes - déjà l'ensemble des jeunes qui ont
pitché dans les quatre thématiques - les premiers groupes, les deux premiers groupes à
revenir sur scène pour faire une photo officielle. Monsieur, Messieurs et
Madame la ministre, également présents aujourd'hui. N'hésitez pas, venez,
rejoignez-nous toutes et tous qu’on puisse faire cette photo symbolique. Je
vous invite à vous lever et à nous rejoindre sur scène. Et enfin, et c’est important, je vous demande s’il vous plaît juste un dernier moment d’attention, il y a
eu une personne particulière que les jeunes aimeraient remercier aujourd’hui,
cette personne particulière c’est Mathieu MAUCORT qui va nous rejoindre. On va
accueillir Mathieu. Alors Mathieu, les jeunes souhaitaient t’adresser un
remerciement particulier parce que derrière tout ce dispositif il y a une
personne qui a coordonné, qui a mis beaucoup d’énergie, qui a été près des
jeunes, qui a mis ces jeunes aussi en confiance dans un dispositif qui était assez exigeant, c’est Mathieu. Mathieu, merci infiniment pour toute ton
énergie et ton implication.