Immunité collective : « Il ne suffit pas de vacciner beaucoup de monde »

Ce contenu a été publié sous le gouvernement du Premier ministre, Jean Castex.

Publié le 14/06/2021

Simon Cauchemez est responsable du laboratoire de modélisation mathématique des maladies infectieuses à l'Institut Pasteur, et membre du Conseil scientifique. Entretien.

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Visuel - Source : Photo : Getty

Pouvez-vous nous expliquer comment fonctionne l’immunité collective ?

Simon Cauchemez. - L’immunité collective correspond à la proportion de la population qui doit être vaccinée pour qu’il n’y ait plus de risque d’épidémie dans la population. Cette proportion dépend de la transmissibilité du virus. Dans le contexte actuel, avec un virus très transmissible, on a besoin de vacciner une proportion très importante de la population pour revenir à une vie normale.

Une proportion de quel ordre ?

A l’Institut Pasteur, nous avons fait des modélisations pour essayer de savoir quelle proportion de la population il faudrait vacciner pour pouvoir revenir à une vie normale tout en ayant une situation hospitalière acceptable.
Pour un variant ayant une transmissibilité similaire au variant britannique qui est actuellement dominant en France, on estime qu’il faudrait vacciner 90 % des adultes dans l’hypothèse où seule cette population est ciblée.

Il ne suffit pas de vacciner beaucoup de monde. Il faut que les vaccins soient bien distribués sur le territoire et dans la population.

Simon Cauchemez

90 % d’adultes vaccinés, est-ce un objectif atteignable ?

Il ne suffit pas de vacciner beaucoup de monde, il faut tenir compte de deux autres facteurs.
  • D’abord, s’assurer que les vaccins sont bien distribués partout. Si on vaccine 90 % du territoire national en omettant une zone, l’épidémie s’y développera rapidement.
  • Ensuite, le vaccin doit être bien distribué dans les différentes populations. Si on ne vaccine que les adultes, le virus peut continuer à circuler chez les adolescents, par exemple, et infecter d’autres personnes.
C’est pour cette raison qu’il faut vacciner le plus grand nombre, y compris des groupes, comme les adolescents, qui peuvent contribuer au processus de transmission. C’est vraiment fondamental pour faire en sorte que le niveau de circulation du virus reste bas et qu’on ne se retrouve pas dans une situation compliquée cet automne.

Les 12-18 ans sont éligibles à la vaccination depuis le 15 juin 2021. Pourquoi est-ce important qu’ils se fassent vacciner ?

La vaccination des adolescents réduira la circulation du virus dans la population et protégera les plus fragiles. Il y a donc un bénéfice important pour la société, mais ce n’est pas qu’un acte altruiste.
Les jeunes tirent un bénéfice individuel important de la vaccination. En effet, en vaccinant les adolescents, on les protège du risque de fermetures de classes qui pourraient survenir cet automne si l’on commence à détecter un nombre important de clusters dans les collèges et les lycées.

Vacciner les adolescents est la meilleure façon de les protéger contre le risque de fermetures de classe en cas de reprise de l’épidémie cet automne.

Simon Cauchemez

Si les jeunes se font vacciner en grand nombre, quel impact cela aura-t-il sur l’immunité collective ?

Si l’effort consenti est bien réparti entre les populations, selon nos modèles, une couverture vaccinale de 70 % chez les jeunes et les jeunes adultes pourrait alors être suffisante.
Malgré tout, plus on aura de vaccinés en France, mieux on se portera. Car, en cas d’apparition de variants plus transmissibles que les précédents, les seuils de couverture vaccinale pourraient augmenter.

Plus on aura de vaccinés en France, mieux on se portera.

Simon Cauchemez

Que diriez-vous à un jeune et à ses parents pour les convaincre de se faire vacciner ?

Je leur dirais qu’en se faisant vacciner, les adolescents seront davantage protégés contre le risque de fermetures de classe cet automne en cas de reprise de l’épidémie. C’est essentiel pour qu’ils aient un accès continu à l’éducation et pour protéger leur santé mentale.
Ils participeront également à la protection des fragiles, qu’il s’agisse de proches (grands-parents, parents, amis) ou d’autres membres de la société.

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