1/ Plusieurs masters, cours et modules abordent déjà les sujets environnementaux à Sciences Po. Pourquoi avoir créé l’Institut et quelles sont ses missions ?
La raison d’être de l'Institut pour les transformations environnementales est d’agir en transversale pour permettre à Sciences Po de franchir une nouvelle étape dans la réponse aux défis énormes que constituent le changement climatique et la crise environnementale, que ce soit dans la production de savoirs ou dans la formation des générations futures. Fort de nos 250 cours, de la quarantaine d'enseignants chercheurs qui travaillent sur le sujet, des publications associées et thèses en cours, Sciences Po ambitionne, à travers la création de l’Institut, de donner davantage de visibilité et d'accélérer sa transformation. Notre objectif est de devenir la première université en sciences humaines et sociales au niveau européen sur ce sujet et d'ici 2027, de former de manière approfondie la totalité de nos étudiants sur cette thématique soit environ 15.000 personnes.
Nous voulons donner à voir l'apport des sciences humaines et sociales sur les questions d'environnement et de climat. Ainsi, la notion de transformation est pour nous centrale car elle nous permet d’envisager un changement fondamental et systémique dans la manière de produire des connaissances et de former les générations futures. Ensuite, nous avons compété nos programmes avec des cours davantage professionnalisants, intégrant par exemple les questions de budget vert ou de comptabilité écologique, de droit pénal environnemental pour traiter ainsi de la criminalité verte, des effets en termes de justice sociale et de justice environnementale… Nous avons également une mission d’ouverture vers les sciences exactes ou sciences dites quantitatives, et ce grâce au soutien de nos partenaires du projet Tiered.
Enfin, il s’agit de créer une politique ambitieuse en matière de diffusion et de valorisation des savoirs en mettant à disposition des contenus qualitatifs pour différents publics.
2/ Quel est selon vous l’apport des sciences humaines et sociales pour comprendre et agir face à l’urgence environnementale ?
Les sciences exactes produisent des connaissances essentielles sur les transformations physiques en cours, elles dominent le débat public. L'apport des sciences humaines et sociales est tout aussi fondamental pour penser le lien entre limites planétaires et la manière dont les sociétés contemporaines, notamment les démocraties, pourront se déployer tout en répondant aux problèmes persistants auxquels elles font face à la fois sur un plan social, économique, politique et juridique. Il s’agit, par exemple, d’inscrire ces impacts dans une certaine historicité et de contribuer à la mise en débat du cadrage, du problème et des solutions. Ces dernières ne peuvent être uniquement techniques et le débat ne saurait se résumer à un seul enjeu d’acceptabilité des populations concernées. Les sciences humaines et sociales ont développé un socle de connaissances essentiel pour comprendre et agir face aux crises climatiques et environnementales.
3/ L’institut est créé dans le cadre du projet TIERED* lauréat de l’appel à projets ExcellencES de France 2030, aux côtés de ses partenaires : le CNRS, l’IFREMER, l’INED, l’INRIA, l’INSERM, l’INALCO, l’Université Paris Cité, et l’IDDRI. Comment s’articule cette approche transdisciplinaire ? Quelle est son ambition ?
Dans le cadre du projet TIERED financé à hauteur de 15,9 M€ sur dix ans, nous nous sommes rapprochés de partenaires pour répondre à notre ambition d’approfondissement sur les recherches en sciences humaines et sociales, avec l’Ined sur les enjeux démographiques, mais aussi d’ouverture avec des partenaires disposant d’une solide expertise dans des disciplines des sciences exactes, afin d’approfondir notre offre interdisciplinaire sur le sujet : l’Ifremer sur la question des océans et des littoraux, ou l’Inria sur ce qui relève du numérique ou l’Inserm sur les questions de santé environnementale. Avec l’Iddri, nous travaillons à la mise en place d’une politique de valorisation des savoirs, par exemple sur la fabrique des politiques écologiques. Le lien avec ces différents partenaires passe notamment par des instances pour piloter les objectifs scientifiques, et par une feuille de route avec des actions très concrètes. L’ambition très transversale, articulant nos forces et nos compétences entre les différentes parties prenantes, nous permet d’organiser cette ouverture sur la cité et les communautés étudiantes, ainsi que la recherche de partenaires.
4/ Quels sont les indicateurs qui vont vous permettent d’évaluer la réussite des objectifs fixés pour l’Institut ?
Les indicateurs vont nous permettre de mesurer les progrès accomplis et le chemin qui reste à parcourir. Ils doivent être un levier pour accompagner la transformation de l’établissement d’ici 2033. Nous nous sommes principalement adossés aux indicateurs communs définis pour les projets Excellences de France 2030, opérés pour le compte de l’Etat par l’Agence nationale de la recherche, en proposant également des indicateurs plus spécifiquement liés au projet. L’ensemble de ces indicateurs peuvent être quantitatifs comme, par exemple sur le volet formation, le nombre de postes créés, le nombre d’étudiants inscrits à un nouveau module créé par le projet, ou, à plus long terme, le taux d’employabilité des étudiants ainsi formés ; ou encore, sur le volet recherche, le nombre de publications produites dans le cadre du projet. Il est aussi prévu de renseigner des indicateurs qualitatifs via des enquêtes de perception sur la qualité de l’offre pédagogique en lien avec les transformations environnementales.
5/ Quels sont vos grands rendez-vous à venir ?
Nous avons ouvert un chantier de refonte de nos maquettes de nos formations pour s’assurer de cette dimension d’approfondissement et d’ouverture pour nos étudiants.
Le deuxième chantier qui va s’ouvrir porte sur la question des débouchés sur le marché du travail. On sait que l’économie verte représente environ 4% des emplois aujourd’hui : il est important d’apporter une analyse plus fine des besoins de compétences dans le secteur public, privé et associatif pour adapter l’offre de formations aux besoins.
Enfin, le dernier chantier est en lien avec la valorisation des savoirs. Nous avons à cœur de produire des contenus pour donner à voir l’apport des sciences humaines et sociales, comme des podcasts, des partenariats médias, conférences ou masterclass ou encore des contenus libres et ouverts sur notre site.
*Financé pour 10 ans par une aide de France 2030, opéré pour le compte de l’Etat par l’Agence nationale de la recherche au titre de France 2030 et portant la référence ANR-22-EXES-0014, TIERED (“Transforming Interdisciplinary Education and Research for Evolving Democracies”), a démarré en janvier 2023 pour répondre notamment aux enjeux auxquels les systèmes démocratiques font face dans un contexte de transformations environnementales et de mutation en profondeur des sociétés. Il permet d’engager une nouvelle étape de développement de l’université pour la recherche, la formation et la diffusion des savoirs. Les initiatives de l’Institut pour les transformations environnementales bénéficieront aussi de levées de fonds dédiées, menées auprès de mécènes.