Olaf SCHOLZ
C’est un grand
plaisir d'accueillir Élisabeth BORNE, à Berlin.
Il est tout à fait évident que
plus les temps sont difficiles, plus le partenariat franco-allemand est
important et notre entretien, aujourd'hui, a prouvé, encore une fois, à quel
point notre coopération entre nos deux pays est empreinte de confiance, est
étroite, afin de relever les défis actuels ensemble.
Cette semaine, il y a eu
toute une série de réunions franco-allemandes. Plusieurs ministres se sont
rendus à Paris. Et aujourd'hui, tu es venue à Berlin. C'est la preuve même,
pour l'échange étroit, et la qualité de notre partenariat.
L'agression russe
contre l'Ukraine fait que nous avons un message commun à faire passer. Les
bombardements russes d'infrastructures civiles qui sèment la terreur doivent
cesser. La Russie doit mettre un terme à la guerre et doit immédiatement
retirer ses troupes. La France et l'Allemagne sont solidaires, aux côtés de
l'Ukraine et nous œuvrons inlassablement pour continuer à soutenir l'Ukraine.
Actuellement, notre priorité, c'est le rétablissement des infrastructures
d'énergie. C'est un sujet dont nous avons longtemps parlé. En raison de
l'agression russe de l'Ukraine, nos pays font face à des défis majeurs cet
hiver, surtout avec la flambée des prix de l'énergie et des denrées
alimentaires. Avec un soutien ciblé pour tous ceux qui en souffrent le plus, la
France et l'Allemagne apportent une contribution décisive, afin d'atténuer les
conséquences sociales et éviter des clivages sociaux, afin de préserver notre
base économique.
Aujourd'hui, en Allemagne, nous avons adopté deux décisions
majeures. Le Bundesrat a adopté l'introduction du Bürgergeld, à partir du 1ᵉʳ
janvier, ce qui prévoit une augmentation considérable des prestations, et nous
avons également autorisé une augmentation de l'allocation pour le logement et
nous avons adopté le budget pour 2023, qui fixera le cadre pour nos activités
l'année prochaine.
La France et l'Allemagne renforcent leur coopération dans le
domaine de l'énergie, de façon solidaire et dans un esprit de bon voisinage.
Dès maintenant déjà, nous mettons de l'électricité à disposition de la France
et dans le domaine de la livraison du gaz, nous avons profité de la coopération
avec des partenaires européens fiables, aussi de la France.
Et c'est cette
forme de la solidarité énergétique que nous venons de renforcer avec une
déclaration commune. Les amis se soutiennent en cas de crise, et l’Allemagne et
la France vivent la solidarité européenne. Et, c’est, peut-être, également ce
qui décrit très bien nos délibérations aujourd'hui.
Le Conseil des ministres a
pris une décision importante, par écrit, parce que c'est très important, à
savoir qu'il y aura un plafond pour les prix de l'électricité et du gaz. Nous
avons, donc, ce plafond pour que les citoyens et citoyennes puissent mieux
gérer cette situation de la flambée des prix. La coalition a intensément
travaillé sur ces questions et nous avons trouvé un bon accord avec notre
esprit d'équipe, et cela concerne surtout la coopération avec le ministre HABECK
et le ministre LINDNER. Parce que nous avons une très bonne coopération par
rapport à cette question. Notre gouvernement fait tout pour que notre pays
traverse cet hiver.
À part la politique énergétique, il y a encore de nombreux
autres domaines où l'Allemagne et la France souhaitent contribuer au progrès.
Nous avons donc discuté de la politique climatique de l'Union européenne pour
la faire avancer avec des objectifs ambitieux. Et quelles réformes
institutionnelles sont nécessaires, quelles conditions cadres sont nécessaires
pour que l'Union européenne reste un acteur fort, capable d'agir à l'avenir ?
Cela démontre, encore une fois, que les relations franco-allemandes sont très
denses, très riches, et nous sommes constamment en train d'approfondir ces relations.
Nous souhaitons aménager ce partenariat pour le bien de nos deux pays, pour le
bien de l'Europe, l'un à côté de l'autre.
Donc merci encore une fois d'être
venue.
Élisabeth BORNE
Merci Monsieur le
Chancelier, cher Olaf,
Mesdames et Messieurs.
Je tenais, tu le sais, cher Olaf,
beaucoup à ce voyage. L'amitié entre nos deux pays est déterminante. Elle a
déjà montré qu'elle pouvait résister aux épreuves et surmonter bon nombre de
défis. Elle a déjà prouvé qu'elle pouvait construire des solutions et faire
avancer l'Europe.
Monsieur le Chancelier, Cher Olaf, nous sommes au cœur d'un
de ces moments critiques pour notre continent. Un de ces moments où la force de
la relation franco-allemande redouble d'importance. Cette visite, avec la
secrétaire d'Etat chargée de l'Europe, marque notre volonté de renforcer encore
nos relations et de préparer les prochaines échéances bilatérales et
européennes.
Monsieur le Chancelier, je suis très heureuse de l'échange que
nous avons pu avoir. Nous avons abordé plusieurs sujets clés, plusieurs sujets
graves.
Graves, car notre continent traverse des crises profondes, renforcées
par l'invasion russe en Ukraine. Mais je vois également, dans cette période,
des signes d'espoir, dans l'unité des Européens face aux crises, une unité
qu'il faut maintenir, dans notre engagement commun à sortir de notre dépendance
aux énergies fossiles.
Enfin, je vois un signe d'espoir dans les initiatives
que l'Union européenne a su prendre ces derniers mois pour renforcer son unité
dans tous les domaines, y compris stratégiques.
Je tiens à saluer, à cet égard,
votre engagement, Monsieur le Chancelier, notamment à travers deux discours
importants. Celui du 27 février, tout d'abord, qui a constitué un tournant dans
la politique étrangère allemande, et celui du 29 août, à Prague, dans lequel
vous appelez de vos vœux la consolidation d'une Europe géopolitique souveraine
et pleinement maîtresse de son destin. Ce sont des objectifs auxquels nous
souscrivons pleinement, nous voulons les incarner dans des actes et nous
voulons y parvenir ensemble.
Dans ce contexte, nos deux pays, la France et
l'Allemagne, endossent une responsabilité historique. Si nous avons dû prendre
la décision, ensemble, de reporter de quelques semaines la réunion du Conseil
des ministres franco-allemand, c'est que nous souhaitions nous donner le temps
de travailler à une réponse à la hauteur des défis face à nous.
Nous avançons,
je dirais même que nous avançons bien. Le 26 octobre, lors de votre rencontre
avec le président de la République, nos pays se sont accordés pour un dialogue
bilatéral approfondi sur l'énergie, le spatial, l'innovation et la réponse à
l’Inflation Reduction Act américain, dont l'ambition louable de répondre à
l'urgence climatique, ne doit pas conduire à des distorsions de concurrence
entre l'Europe et les États-Unis. Il s'agit de répondre à certaines urgences
mais aussi de réfléchir à l'Europe dans laquelle nous voulons vivre demain.
Nous avons eu l'occasion d'évoquer certains de ces sujets ensemble, notamment
la question énergétique. J'y reviendrai. Et le dialogue se poursuit à tous les
niveaux.
Ma visite, aujourd'hui, vient clore une semaine intense d'échanges
franco-allemands, puisque 3 membres de votre gouvernement se sont rendus à
Paris et que la ministre française de la Culture assistait, hier, à Berlin, à
la cérémonie de passation entre les ministres plénipotentiaires pour les
relations en matière d'éducation et de culture entre la France et l'Allemagne.
Je félicite à cet égard Madame REHLINGER pour ses nouvelles fonctions et
remercie chaleureusement Monsieur WUST, ainsi que Monsieur LASCHET, pour la
grande qualité du travail, d'ores et déjà accompli. Je me réjouis également de
l'adoption, hier, de notre stratégie sur l'apprentissage de la langue du
partenaire, qui permettra de développer de nouvelles mobilités et innovera pour
mieux faire connaître et aimer le français en Allemagne et l'allemand en
France. Ces événements et initiatives sont autant de jalons vers le prochain
Conseil des ministres franco-allemand, autour du 60ᵉ anniversaire du traité de
l'Elysée, en janvier prochain.
Parmi les sujets que nous avons pu aborder
aujourd'hui, j'aimerais dire un mot sur la crise énergétique qui mobilise
pleinement nos deux gouvernements et qui a été au cœur de mon déplacement.
Notre priorité commune doit être d'en atténuer les effets, pour nos
concitoyens, notamment les plus vulnérables, nos entreprises et nos
collectivités. Il est essentiel d'adopter des mesures pour ramener les prix de
l'énergie à des niveaux raisonnables, c'est-à-dire à des niveaux liés à la
réalité des coûts de production, en évitant les effets d'aubaine et les effets
spéculatifs. À cet égard, les mesures européennes, d'ores et déjà adoptées,
sont utiles. Je pense, en particulier, à la captation de la rente
infra-marginale pour l'électricité, qui permet de redistribuer le surplus aux
consommateurs. Je pense aussi, pour le gaz, aux mécanismes des achats groupés,
qui permettront de sécuriser nos approvisionnements et d'éviter la concurrence
entre partenaires. Sur ce sujet, je salue l'accord de principe obtenu hier à
Bruxelles, lors du conseil énergie.
Mais, nous devons aller plus loin, en
limitant l'augmentation des prix du gaz et en portant une réforme structurelle
du marché de l'électricité, pour permettre durablement aux consommateurs de
payer des prix en phase avec la réalité des coûts de production. Nous avons eu
l'occasion d'en discuter. La bonne réponse sera en tout état de cause
européenne et je suis convaincue que nous pouvons converger autour d'une
solution pleinement protectrice. Comme le président de la République, j'y suis
déterminée et je travaillerai d'arrache-pied.
La crise énergétique que nous
traversons doit également nous conduire à renforcer notre solidarité
énergétique. Certains, comme souvent, dévoient le patriotisme pour attiser les
peurs et opposer les peuples. Pourtant, une fois de plus, les partisans du
chacun pour soi plaident, en fait, contre leur propre pays.
Nous le savons
bien, Monsieur le chancelier, et nos deux pays ont besoin l’un de l’autre pour
surmonter les tensions énergétiques de l’hiver. Aussi, pour répondre à
l’urgence et préparer l’avenir, l’Allemagne et la France ont conclu aujourd’hui
un accord de solidarité. C’est un texte déterminant qui aura des effets
concrets et protecteurs pour nos deux peuples. Nous voulons à la fois
diversifier nos sources d’approvisionnement, renforcer la production d’énergie
décarbonée sur nos territoires et investir dans les énergies et les vecteurs
énergétiques de demain, notamment l’hydrogène. Au-delà des décisions parfois
difficiles qu’il a fallu prendre pour faire face à l’urgence, cette crise
énergétique doit nous pousser à accélérer notre sortie des énergies fossiles.
Avec l’objectif de neutralité carbone en 2050, nous disposons d’un cadre
européen très clair, auquel nos deux gouvernements sont particulièrement
attachés.
Enfin, notre échange a été l’occasion de revenir sur notre action
pour aider l’Ukraine dans sa résistance face à l’invasion russe. Depuis le
premier jour de cette guerre brutale, nos deux pays ont apporté un soutien
indéfectible à l’Ukraine. Nous avons agi dans bon nombre de
domaines : militaire, diplomatique, économique, humanitaire,
judiciaire. Nous avons œuvré à une réaction européenne forte et commune. Nous
sommes, Monsieur le chancelier, pleinement alignés, nous continuerons à le
faire. Nous soutiendrons l’Ukraine jusqu’au bout de ce conflit, et nous disons
aux Ukrainiens que nous sommes également à leurs côtés pour l’après. Je veux
saluer l’initiative de l’Allemagne d’avoir organisé, avec la Commission
européenne, une conférence sur la reconstruction de l’Ukraine le 25 octobre
dernier, à Berlin. Notre pays est également pleinement engagé : le président de
la République, Emmanuel MACRON coprésidera, avec le président ZELENSKY, une
conférence sur la résilience de l’Ukraine, à Paris, le 13 décembre. Elle aura
pour objectif de répondre aux besoins urgents de l’Ukraine face à l’hiver. Je
veux dire aussi notre soutien aux choix clairs du Conseil européen de donner à
l’Ukraine et à la Moldavie le statut de candidats à l’adhésion. Nous devons
accompagner l’Ukraine sur son chemin vers l’adhésion, notamment pour qu’elle
réponde aux exigences européennes.
Mais nous ne devons pas attendre d’avoir
atteint cet horizon de l’élargissement pour renforcer dès maintenant la
cohésion de l’ensemble de la famille européenne. C’est tout le sens de la
Communauté politique européenne, la CPE, que le président Emmanuel MACRON a
proposée et dont la première réunion, le 6 octobre, à Prague, a été un succès.
Nous devons à présent travailler à la réussite de la prochaine réunion, prévue
en Moldavie, au printemps 2023, et centrée sur le développement de coopérations
concrètes.
Je vous remercie, Monsieur le chancelier, du soutien que vous avez
apporté à ce projet fédérateur, à l’échelle du continent européen.
Voilà,
Mesdames et Messieurs, en quelques mots, les sujets que nous avons évoqués avec
le chancelier, aujourd’hui. Et pour conclure, je dirais que nous souhaitons
plus que jamais faire du couple franco-allemand le moteur du consensus
européen. Nous sommes déterminés à agir au service de nos concitoyens,
déterminés à relever ensemble, avec nos partenaires européens, les défis devant
nous et à faire émerger une Europe pleinement souveraine.
Je vous remercie.