Conférence « 225 ans d'aspiration à la République » : discours d’Élisabeth Borne et Leo Varadkar

Ce contenu a été publié sous le gouvernement de la Première ministre, Élisabeth Borne.

Publié le 16/11/2023|Modifié le 13/11/2023

Le 13 novembre 2023, Élisabeth Borne est allée en Irlande pour marquer « l'année des Français » qui, il y a 225 ans , participèrent à une rébellion irlandaise inspirée de la république française.

Élisabeth Borne à la Conférence « 225 ans d'aspiration à la République »
Élisabeth Borne à la Conférence « 225 ans d'aspiration à la République » - Source : Service d'information du Gouvernement

La France et l'Irlande sont deux nations amies liées par une histoire et des valeurs. Deux peuples amis liés par des récits, des passions, des échanges.

Élisabeth Borne

  • Première ministre
Élisabeth Borne
Source : Conférence" 225 ans d'aspiration à la république" : discours d'Elisabeth Borne et Leo Varadkar

Conférence « 225 ans d'aspiration à la République » : discours introductifs de la Première ministre Élisabeth Borne et du Taoiseach Leo Varadkar, Premier ministre d'Irlande.

Leo VARADKAR

(...) what gave Ireland was the belief that an Irish Republic was not just a dream but a tangible possibility. For the first time, Irish men and women witnessed the French Republic's military revolution, an army that moved with speed and conviction, winning lightning victories that were only possible because of the fact it was an army of citizen soldiers. For 12 days Ireland witnessed its first Republic, the Republic of Connacht. It could never last of course, set against the might and proximity of the British army. Defeat was inevitable. But as we reflect on the year of the French, we can see at least four important features. The ideas and symbolism which fueled the uprising, the role of Paris in its conception and preparation, how Irish people perceived the French forces at the time and how France's assistance lived in our folk memory and our political traditions.

The rebellion sprang from the Society of United Irishmen. They were inspired by a wave of radicalism and revolution that gripped Europe at the end of the 18th century, beginning in France and spreading far beyond. They looked to America and to France in the articulation of a vision for a Republic that would marry an emerging Irish patriotism with the principles of Liberty, Equality and Democracy. Importantly the patriotism of the United Irishmen and the Republic they agitated for was non-sectarian. They were founded in Belfast in the north, their leadership was primarily Protestant and they managed to unite, if only for a short time, a community of Catholics, Anglicans and dissenters under a common banner.

The greatest of those leaders of course was Theobald WOLFE TONE and he insisted that any liberated Ireland should be a Republic based on the French model. Tone believed that the French Revolution had created a revolution in the political morality of Ireland and in that sense, the French Republic's example of freedom of conscience was fundamental to the United Irishmen's non-sectarianism. In a very practical sense, Paris was a hub for the Republican aspirations of the United Irishmen. WOLFE TONE spent time in exile there working to secure political and military support from France for an uprising in Ireland. He was tireless in his advocacy, much of which was focused on French descendants of the wild geese, Leoa SAUVAGE (ph), an Irish diaspora deeply integrated into France from which two presidents, General MAC MAHON and General DE GAULLE would go on to claim dissent.

It is striking how WOLFE TONE’s advocacy reaching out to the Irish diaspora in France anticipated modern Irish diplomacy and advocacy. The diaspora played a major role in France, in French history and in Irish history and today inscribed under the Arc de Triomphe, you will find the names BURKE, CLARCK, DALTON, DILON and of course KILMAINE, one of the great generals of Napoleon's army of Italy. Earlier this year, the French and Irish ambassadors both present here today, O’NEIL Vincent, revived the eternal flame under the Arc in honor of the unknown Irish soldiers that died in service in France. They were joined by two descendants of WOLFE TONE, an important symbolic moment in recognising our country's deep ties.

The Republican ideal is deeply rooted in Ireland and was fundamental to subsequent Irish aspirations for independence and statehood and it was in Paris that we gained for the first time the flag that we fly today, a tricolour of green, white and orange presented to Thomas Francis MARR by a group of revolutionary French women. Flown first in Waterford City, this year marks the 175th anniversary of the gifting of that tricolour. And it was again in France that we found the symbol for a republic that would reject sectarianism, the idea that people could be divided by their religion.

And Prime Minister, I know having led the great march against anti-semitism in Paris only a few days ago that we both agree that that Republican sentiment is as important and strong today as it ever has been. And we have today two replica tricolours specially made and printed on French silk for this occasion. Prime Minister, I'd like to take this opportunity to thank you profoundly for your visit. We had an opportunity earlier today to speak at length about our bilateral relationship, past and present, as well as some of the many challenges we face together as members of the European Union. France has been and will remain an indispensable partner within the European Union and in the wider world. Our shared Republican ideal, including the protection of the rights of citizens, the promotion of the values of liberté, egalité, fraternité continues to provide a political and ethical compass for our societies in these uncertain times.

Merci à toutes et à tous pour votre présence. (salutations en gaelic)

I'd now like to invite Prime Minister BORNE to speak. Thank you very much.

Élisabeth BORNE

Merci, monsieur le Taoiseach.

Mesdames et Messieurs les ministres,

Mesdames et Messieurs les parlementaires,

Messieurs les ambassadeurs,

Mesdames et Messieurs.

La France et l'Irlande sont deux nations amies liées par une histoire et des valeurs. Deux peuples amis liés par des récits, des passions, des échanges. Si j'osais, je dirais même que le lien entre nos peuples s'est encore renforcé récemment alors que nos équipes de rugby ont connu le même destin en quart de finale de la coupe du monde. Nous sommes deux pays voisins et votre plus proche voisin au sein de l'Union européenne, ce qui ne s'entend pas seulement sur le plan géographique.

Monsieur le Taoiseach, cher Leo VARADKAR, cette amitié franco-irlandaise, je la vois à l'œuvre de longue date et je la vois depuis mon arrivée aujourd'hui à Dublin. Je suis particulièrement heureuse d'ouvrir cette conférence avec vous, à qui, je le sais, cette célébration du 225ème anniversaire de L'année des Français tient particulièrement à cœur. Et je tiens également à remercier toutes celles et ceux présents aujourd'hui physiquement ou en ligne et qui pourront participer au débat cet après-midi.

Vous avez choisi un thème, la République. La République, c'est le cœur de notre identité comme français et comme irlandais. C'est ce qui nous unit et nous rassemble. C'est le ciment de notre démocratie, de notre cohésion nationale. Je vois la jeunesse au sein de notre auditoire et en ligne. C'est un symbole fort. Nos jeunesses sont attachées à la République et c'est notre devoir de protéger et de transmettre ces valeurs. 1798 a marqué l'année des Français en Irlande, une année qui a scellé une relation particulière. 1798, nous sommes dans une de ces périodes où l'histoire s'accélère. Depuis des années, les idéaux des Lumières se propagent et il semble enfin être entendu. 22 ans plus tôt, les États-Unis ont proclamé leur indépendance. 10 ans plus tôt, c'est en France que l'esprit de liberté a soufflé. Et cette année-là, dans son sillage, le peuple irlandais se soulève pour affirmer son désir d'émancipation et d'égalité des droits. Je dis « dans le sillage » car la France a apporté sa petite contribution à ce mouvement. Nous ne l'oublions pas. Les trois quarts des séminaristes irlandais étudiaient alors dans le quartier latin, notamment ce qui était alors le collège irlandais, là où se trouve aujourd'hui le centre culturel irlandais. Vous vous y êtes rendu il y a encore quelques semaines, cher Leo.

On sait qu'alors, les séminaristes revenaient en Irlande, pétris d’idées révolutionnaires qui se sont largement diffusées. Je pense à la figure de WOLFE TONE, héros irlandais qui a porté l'uniforme de général de l'armée française, comme le montre son portrait, accroché dans une salle du Sénat irlandais. Je pense aussi, bien sûr, à la République de Co-Knocked (ph) proclamée par les Irlandais unis en août 1798, avec l'aide d'un détachement militaire du Directoire français. Elle fut certes éphémère, mais elle posa des jalons pour l'avenir. J'ai également en mémoire, 50 ans plus tard, la révolution de 1848 en France, qui a inspiré le soulèvement d'une nouvelle génération d'Irlandais au point de les voir retenir comme drapeau le tricolore irlandais aux couleurs vert, blanc, orange, en référence directe au drapeau français. Je n'oublie pas la session inaugurale du Dail, parlement irlandais en 1922, la Déclaration d'indépendance. Il fut lu en anglais, en irlandais, mais aussi en français, langue de la liberté. J'ai une pensée plus largement pour les femmes et les hommes qui ont construit au fil des années cette amitié d'exception entre nos deux pays. Oscar WILDE, Samuel BECKETT, James JOYCE, ils sont profondément irlandais, mais avec un pied sur le continent.

Et enfin, comment ne pas rendre hommage à tous les Irlandais qui se sont battus avec courage pour la France. Notre pays n'oublie pas la brigade, puis la légion irlandaise, qui, de 1690 à 1815, s'illustra à son service, par exemple, durant la bataille de Fontenoy de 1745. Il n'oublie pas non plus ceux qui l'ont défendu pendant les deux guerres mondiales et qui ont combattu pour la liberté. En 2016, un monument a été érigé en l'honneur des milliers d'Irlandais tombés pour la France au cimetière national de Glasnevin à Dublin, à l'occasion du 100è anniversaire de la bataille de la Somme. Ces soldats sont venus nous soutenir dans un moment crucial, comme les soldats du général HUMBERT l'avaient fait pour porter les espoirs irlandais en 1798.

Mesdames et Messieurs, cette histoire nous lie. Ces siècles de combat pour la liberté et pour la démocratie nous obligent, car nous connaissons la fragilité de l'état de droit et des libertés fondamentales. Rien n'est acquis à l'heure où l'on constate, dans plusieurs pays, un recul des droits fondamentaux. Une double menace affleure aujourd'hui. Elle est extérieure, avec le retour de la guerre aux frontières de l'Europe, mais aussi l'expansion des fausses nouvelles ou les tentatives de manipulation. Elle est aussi intérieure, au sein même de l'Europe. Les discours populistes et la démagogie accroissent la défiance envers les institutions et nous devons y répondre.

France, Irlande, République, nous avons une responsabilité particulière, car dans le monde, des femmes et des hommes épris de liberté reprennent aujourd'hui le flambeau des lumières des démocrates français et irlandais. France, Irlande, nous assumons cette responsabilité particulière ensemble. Nous agissons ensemble au service de la paix et de la stabilité. Ainsi, nos soldats sont côte à côte au sein des casques bleus de la FINUL, déployés au Liban. Nous poursuivons nos efforts au Proche-Orient avec un objectif : mettre fin au cycle de la violence et éviter un engrenage régional qui serait catastrophique. Si dans le prolongement des attaques terroristes du Hamas, nous avons marqué le droit d'Israël à se défendre dans le respect du droit international humanitaire, nous appelons de toute urgence à une trêve humanitaire durable et à œuvrer à un cessez-le-feu.

J'ajoute qu'au-delà du Proche-Orient, notre coopération diplomatique intense démontre aussi que nous partageons le même socle de valeurs démocratiques. Dans le cadre de la politique européenne de sécurité et de défense commune, où nous saluons l'engagement de l'Irlande dans le respect de sa tradition de neutralité militaire ; c'est également le cas au travers de notre fort appui conjoint à un multilatéralisme efficace dans le cadre des Nations unies. Je voudrais, à cet égard, saluer le travail étroit réalisé avec l'Irlande en 2021 et 2022 au Conseil de sécurité.

Mesdames et Messieurs, je le mentionnais à l'instant, la France et l'Irlande ont toutes deux choisi la République. La République comme principe de Gouvernement, mais surtout la République qui n'est pas un régime neutre, qui porte en elle-même les valeurs de liberté, d'égalité et de progrès. La République qui peut être attaquée pour ce qu'elle représente et les valeurs qu'elle défend. Il y a 8 ans jour pour jour, la France connaissait les attentats terroristes les plus meurtriers de son histoire. Deux autres, en 2020 et cette année, ont visé des enseignants, Samuel PATY et Dominique BERNARD, justement parce qu'ils étaient professeurs et avaient la République au cœur. Le combat pour ces valeurs n'est donc jamais acquis. La République, c'est aussi l'expression concrète de la volonté populaire. Et je salue les processus qui ont permis à l'Irlande d'ouvrir de nouveaux droits par le biais de référendums, mais aussi de continuellement faire vivre le débat démocratique par l'usage des assemblées citoyennes.

J'ajoute que j'ai la conviction que nous avons un rôle à jouer, en particulier au sein de l'Union européenne, pour porter haut et protéger nos valeurs : l'État de droit, la séparation des pouvoirs et les libertés fondamentales. Et la France continuera, comme vous, de plaider pour le plein respect de ces valeurs républicaines et de ces principes par tous au sein de l'Union européenne. Alors je sais que le terme « républicain » a d'autres connotations en Irlande de par votre histoire, mais je l'utilise aujourd'hui comme porteur des valeurs qui nous rassemblent très largement, Français et Irlandais démocrates. La République, c'est aussi affirmer la souveraineté populaire, le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple.

Et alors que les élections européennes approchent, nous devons être très clairs : nos institutions républicaines sont fortes car notre Europe est forte. Notre souveraineté nationale est renforcée par notre souveraineté européenne. Cette dernière se décline aujourd'hui avec l'agenda de Versailles à travers des sujets aussi structurants que les matières premières critiques, les semi-conducteurs, les médicaments, mais aussi, bien sûr, les questions énergétiques et de défense. C'est la conviction de la France et je sais que l'Irlande la partage.

Mesdames et messieurs, vous l'aurez compris, la République n'est pas qu'un régime politique, c'est un combat de tous les jours. Il dépasse les institutions, c'est un ciment de la cohésion nationale et de l'amitié franco-irlandaise. Il rassemble nos deux peuples dans leur quête de liberté depuis des siècles et de manière encore plus forte depuis 225 ans. C'est ce ciment commun que nous célébrons aujourd'hui avec le 225e anniversaire de l'année des Français en Irlande, un pays qui, comme l'a écrit le général DE GAULLE, occupe une place particulière dans le cœur des Français.

Vive l'amitié franco-irlandaise, vive nos deux républiques, française et irlandaise !

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