Le projet de loi de finances (PLF) 2025 a été présenté ce jeudi 10 octobre en Conseil des ministres. Sophie Argence, adjointe au chef du bureau des transports à la direction du Budget, nous explique comment est élaboré ce texte essentiel qui détermine le budget de l'État.
Qu’y a-t-il dans le budget de l’État ?
Le budget de l’État, c’est comme le budget d’un particulier ou d’un foyer. C’est un ensemble de recettes et de dépenses. Sauf que, dans le cas de l’État, les dépenses et les recettes sont un peu particulières.
Du côté des recettes, il y a les impôts et les taxes. On connaît bien la TVA, l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés... Mais il y a des impôts moins connus qui complètent également le budget, comme les amendes liées au contrôle automatisé (comme les infractions pour cause d’excès de vitesse), qui alimentent le compte d’affectation spéciale « Radars », ou encore la taxe sur les carburants (TICPE, Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques).
Les recettes
Contrairement à certaines idées reçues, c’est la TVA qui est la recette la plus importante pour l’État. Évaluée à 101 milliards d’euros dans la loi de finances initiale 2024, la TVA représente 27 % des recettes fiscales et non fiscales de l’État. Elle est suivie de l’impôt sur le revenu (25 %) et de l’impôt sur les sociétés (19 %). La TICPE, elle, rapporte 15 milliards d’euros, soit 4 % des recettes fiscales et non fiscales de l’État.
En face des recettes, il y a les dépenses du budget général qui financent les grandes missions de l’État et les politiques publiques.
On peut les classer par nature de dépenses. Il y a les dépenses de personnel (36 % des dépenses), les dépenses d’intervention (30 %), comme la contribution à l’Union européenne ou encore le chèque énergie et les dépenses de fonctionnement (15 %), pour l’immobilier, les véhicules…
On peut également les classer par missions, ou grandes thématiques si on veut simplifier. Dans ce cas, le premier poste de dépense de l’État est pour l’éducation, la recherche et l’enseignement supérieur, qui représentent 20 % des dépenses du budget général de 582 milliards d’euros, tel que prévu dans la loi de finances initiale votée pour le budget 2024.
Quand on analyse le budget de l’État, il est important de se rappeler qu’il ne représente pas la totalité des dépenses engagées dans un secteur.
C’est flagrant dans le domaine de la santé par exemple, qui reçoit 0,3 % du budget de l’État.
Mais son financement est assuré principalement par la Sécurité sociale, qui fait l’objet d’un projet de loi de finances dédié avec la loi de financement de la Sécurité sociale, le PLFSS.
N’oublions pas la charge de la dette qui est un poste important de dépense (7 %).
Copié !
Pour aller plus loin : le budget de l’État est constitué de plusieurs budgets.
Le budget général retrace l’ensemble des recettes et des dépenses de l’État. Il comprend l’ensemble des dépenses relatives aux politiques publiques. En général, quand on parle du budget de l’État, on fait référence au budget général.
Les budgets annexes regroupent les dépenses et les recettes d’un service de l’État dont l’activité tend essentiellement à produire des biens ou à rendre des services donnant lieu à paiement (comme la mission « contrôle et exploitation aériens », ou les publications officielles et l'information administrative).
Les comptes spéciaux comprennent les comptes d’affectation spéciale (gestion du patrimoine immobilier de l’État, contrôle de la circulation) et les comptes de concours financiers (avances à l’audiovisuel public, prêts à des États étrangers). Les recettes de ces comptes sont affectées à des dépenses particulières et déterminées en lois de finances.
Déficit budgétaire, déficit public… quelles sont les différences ?
Le déficit budgétaire, c'est le déficit du budget de l'État, quand les recettes de l'État sont inférieures aux dépenses de l'État.
Le déficit public, lui, c’est le déficit de l’État auquel on ajoute celui de toutes les administrations publiques en général, au sens du traité de Maastricht. Il prend donc en compte l’État, mais aussi la Sécurité sociale et les collectivités locales. C’est celui que regardent les agences de notation et l’Europe, et qui doit obéir à la fameuse règle des 3 % du PIB.
La dette publique est l’ensemble des déficits publics constatés chaque année. Depuis 1975, la France est structurellement en déficit budgétaire. Les critères de Maastricht demandent aux pays membres de la zone euro d’avoir une dette publique inférieure à 60 % du PIB. À la fin du deuxième trimestre 2024, la dette publique s’établit à 3 228,4 milliards d'euros (source INSEE), soit 112 % du PIB.
Comme on peut le comprendre, le budget doit a priori respecter les critères fixés par le traité de Maastricht.
Il doit aussi s’inscrire dans la loi de programmation des finances publiques (LPFP), qui fixe une trajectoire pluriannuelle des finances publiques tendue vers l’équilibre budgétaire.
Le projet de loi de finances (PLF), lui, détaille concrètement chaque année les dépenses et les recettes du budget. Elles ont vocation à s’inscrire dans la trajectoire financière fixée par la loi de programmation des finances publiques 2023-2027.
Plus fondamentalement, le budget doit répondre à plusieurs principes budgétaires comme l'universalité, l'unité, la spécialité et l'annualité.
L’universalité budgétaire de l’État, signifie que, normalement — sauf pour quelques exceptions —, toutes les recettes doivent alimenter le budget de l’État sans être affectées à une dépense précise. C’est un grand pot commun qui permet d’alimenter toutes les politiques publiques sans distinction.
Le budget de l’État doit aussi être présenté dans un document unique avec toutes les dépenses et toutes les recettes. Ce document doit être le plus exhaustif possible. C’est un enjeu de lisibilité et de transparence pour les citoyens et pour permettre au Parlement, qui va ensuite voter ce texte, de travailler efficacement.
Le budget doit également détailler l’autorisation des crédits par destination, c’est-à-dire qu’une dépense va être prévue dans un but défini, c’est le principe de spécialité.
Le dernier principe, c’est l’annualité. Chaque année, on détermine les recettes et les dépenses pour une année. Le budget tient compte, bien sûr, du fait que certaines politiques publiques sont pluriannuelles. Mais on fait en sorte que chaque année, on puisse faire de la justification au premier euro, c’est-à-dire que chaque dépense puisse être justifiée annuellement.
Comment est élaboré le projet de loi de finances ?
Le PLF est un long processus, qui prend une année entière. On a, par exemple, commencé à travailler sur la loi de finances 2025 depuis le début de l’année 2024, tout en gérant en parallèle le budget 2024, c’est-à-dire celui de l’année en cours. On parle beaucoup de la préparation du budget, mais son exécution tout au long de l’année est tout aussi importante.
Dans la préparation du budget, il y a plusieurs phases, notamment administratives et parlementaires, qui font intervenir un grand nombre d’acteurs.
Pendant la phase administrative, c'est le Gouvernement qui est à la manœuvre. Plus précisément, c'est le ministère du Budget et des Comptes publics qui va travailler en lien avec tous les ministères pour créer le projet de loi de finances.
Calendrier type du PLF
En février, se tiennent les conférences techniques : les ministères analysent l'exécution du budget de l'année passée. Puis, ils vont présenter au ministère du Budget et des Comptes publics leurs besoins à venir tant en crédits qu’en nombre d’emplois.
S’ouvre en mars une période importante : les conférences de performance. On y parle des indicateurs de performance qui sont en lien avec les projets annuels de performance. Ce moment d’analyse et de réflexion est très important. On se demande : « Quels indicateurs mettre ? Cette politique publique est-elle efficace ? Qu’est-ce qu’il faut améliorer ? ». On évalue et définit les objectifs, qui sont transmis au Parlement en annexe du projet de loi de finances.
En mai, il y a les conférences budgétaires. Le ministère du Budget et des Comptes publics va négocier avec chaque ministère pour tenir compte des besoins de chacun en respectant l’enveloppe globale définie notamment à partir du niveau des recettes.
En juin, ce sont les procédures d’arbitrage, c’est le Premier ministre qui tranche. Il adresse les lettres-plafond aux ministères qui fixent la limite pour les crédits et les emplois.
Dans la foulée, en juillet, il y a les conférences de répartition qui attribuent aux différentes missions d’un ministère les crédits et emplois alloués.
Vient ensuite la dernière étape du côté de l’administration : la rédaction du projet de loi de finances lui-même. La direction du Budget rédige notamment les projets annuels de performance (PAP), où tout est détaillé : dans telle mission précise, il y aura tant de crédits et d’emplois pour atteindre tel objectif avec une performance cible de X %.
Une fois que tout est écrit, en septembre, le PLF est présenté pour avis au Haut Conseil des finances publiques qui se prononce sur les hypothèses macroéconomiques et la cohérence du PLF avec les engagements européens. Par la suite, le document est présenté au Conseil d’État.
Comment se déroule la phase parlementaire ?
Le Gouvernement transmet ensuite le PLF au Parlement, habituellement le premier mardi d’octobre. Cette année la transmission sera exceptionnellement plus tardive, en lien avec l’actualité politique.
Le texte passe d’abord en commission des Finances, puis s’ouvre la phase de débats et de votes, en premier à l’Assemblée nationale, puis en second au Sénat.
Les députés et les sénateurs peuvent bien sûr amender le PLF à condition de préserver l’équilibre financier du budget. Les parlementaires peuvent aussi — c’est un droit nouveau — proposer des indicateurs de performance au niveau de la mission.
La Constitution fixe à 70 jours le délai qui est accordé au Parlement pour statuer sur ce projet de loi. Une fois le texte adopté, il y a une ultime étape avec la saisine du Conseil constitutionnel, qui examine la constitutionnalité du projet de loi.
La loi de finances est ensuite promulguée par le président de la République et publiée au Journal officiel avant le 31 décembre. Elle prend effet à partir du 1er janvier.
Comme vous le voyez, tout est encadré, et même au plus haut niveau, par la Constitution elle-même et la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), qui est, en quelque sorte, la Constitution financière de l’État.
Le budget peut-il évoluer en cours d'année ?
Il y a, cependant, des dispositifs prévus pour laisser de la souplesse en cours d’année. Par exemple, les ministères mettent en réserve une partie de leurs crédits en début d’année, un peu comme les ménages qui mettent de côté pour faire face à des coups durs.
On peut aussi avoir besoin de modifier substantiellement l’équilibre du PLF en cas d’événement majeur, comme la période du Covid par exemple. Il faut alors revoter une loi de finances rectificative.
Que se passerait-il si le budget n’était pas voté à temps cette année ?
La continuité des finances publiques est essentielle. Un scénario avec un « shutdown » (gel, en français) des administrations à l’américaine n’est pas possible en France. La Constitution et la loi organique relative aux lois de finances déterminent la procédure à suivre.
Ce qu’on peut ajouter, pour conclure, c’est que le budget de l’État s’inscrit dans un cadre global. En parallèle du budget de l’État, il y a celui de la Sécurité sociale et les budgets des collectivités territoriales, qui ont chacun leurs règles et leur calendrier d’élaboration, là aussi sur un temps long. Avec un objectif commun : maîtriser la trajectoire des finances publiques tout en assurant au mieux les missions de service public.
La construction du projet de loi de finances (PLF) pour 2025 suit un calendrier précis, composé d’une phase parlementaire d’octobre à décembre. Voici les principales dates à retenir...