Facebook Live du 20 février 2018

Ce contenu a été publié sous le gouvernement du Premier ministre, Édouard Philippe.

Publié le 21/02/2018

Facebook Live du Premier ministre en compagnie de Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale.

Edouard PHILIPPE, Premier ministre

Bonjour à tous. Bienvenue pour cette nouvelle édition. Ce soir, nous sommes avec Jean-Michel BLANQUER, le ministre de l’Education nationale. On va donc, pendant une demi-heure, parler d’éducation, de réforme du Baccalauréat, de réforme de l’enseignement professionnel, du dédoublement des classes en CP ou en CE1. Bref, on va parler d’un sujet qui est au cœur de nos priorités, qui est un sujet absolument essentiel pour notre pays, l’éducation.
On a beaucoup de questions déjà, mais je voudrais commencer par poser la première, parce qu’elle intéresse sans doute beaucoup de ceux qui nous regardent : « Le Bac après la réforme, comment ça marche ? »

Jean-Michel BLANQUER, ministre de l’Education nationale

Il y a plusieurs choses qui changent avec la réforme évidemment, chacun a compris qu’il y avait désormais un contrôle terminal qui compte pour 60 % et puis un contrôle continu qui compte pour 40 %. Le contrôle terminal, c’est quatre épreuves, deux épreuves que l’on passe au retour des vacances de printemps qui correspondent aux deux épreuves de spécialité qu’on a choisies, donc les domaines forts de chacun. Et puis, deux autres épreuves qu’on passe à la fin du mois de juin, la philosophie et puis la nouvelle épreuve orale qui est un nouvel exercice, qui dure 20 minutes, 10 minutes pendant lesquelles on présente un projet qu’on a préparé depuis le début de la classe de première, puis 10 minutes pendant lesquelles on répond aux questions à partir de ce projet, questions posées par un jury de trois personnes.
Tout ceci a un impact sur le lycée bien sûr, puisque ça conduit notamment à la fin des séries. Il n’y aura plus à partir de la rentrée 2019, le 1 er septembre 2019, en classe de première, il n’y aura plus S, ES et L. Il y aura, pour la voie générale, la possibilité d’avoir un socle commun de disciplines, que l’on voit un petit peu dans ce schéma que j’ai apporté, ce qu’on appelle un socle de culture commune avec les différentes heures…

Edouard PHILIPPE

… Sûr qu’on arrive à lire là ?

Jean-Michel BLANQUER

Non, mais en tout cas, sur le site du ministère, on voit bien les détails, en tout cas on voit bien l’esprit. Et puis, les disciplines de spécialité. Donc, un élève, à l’issue de la seconde, choisit, d’une part, suit le socle de culture commune et ensuite choisit deux-trois disciplines en première, 4 heures chacune, ensuite deux disciplines en terminale, 6 heures chacune. Il y a toujours des options, en grand nombre, possibles qui viennent compléter le cursus. Il y a donc plus de liberté, plus de choix pour l’élève, c’est un lycée qui ne fonctionne pas avec des couloirs étanches, mais avec des passerelles et des possibilités de choix plus élargies.
Je précise aussi que la voie technologique sort renforcée de la réforme. Les séries continuent à exister dans la voie technologique parce qu’elles avaient évolué il y a peu de temps et qu’on veut en quelque sorte les stabiliser. Mais nous renforçons les passerelles entre la voie technologique et la voie générale. La voie pro fait l’objet d’un rapport dans deux jours qui conduira aussi à des évolutions de la voie professionnelle, là aussi en favorisant les passerelles entre les trois.

Edouard PHILIPPE

Pascal nous pose la question suivante : « Par cette réforme, pensez-vous rehausser le niveau Bac, donc le niveau des élèves ou le diminuer ? Pouvez-vous argumenter ? » Alors, argumenter, oui, on va essayer. La question que pose Pascal, c’est au fond est-ce que cette réforme a pour objectif de rendre le Bac peut-être plus sélectif ou plus difficile ?
Aujourd’hui, le Bac, c’est 85 % de réussite pour ceux qui le passent environ. Pourtant, alors que 85 % des gens qui le passent le réussissent, il y a 60 % de gens, d’étudiants qui échouent dans leur premier cycle universitaire. Ça ne veut pas dire qu’il y a trop de gens qui ont le Bac. Ça ne veut pas dire qu’on veut transformer le Bac au sens où le Bac va rester, doit rester et restera le diplôme qui permet l’entrée dans le monde de l’enseignement supérieur. Il n’y a pas de sujet là-dessus.
Ça veut dire qu’il faut probablement qu’on modifie un petit peu le système tel qu’il existait et le Bac tel qu’il existait et qu’on modifie l’entrée dans l’enseignement supérieur et le premier cycle universitaire. S’agissant de l’entrée dans le supérieur et le premier cycle universitaire, c’est la réforme portée par Frédérique VIDAL, qui va permettre de mieux informer les étudiants sur ce qu’ils doivent maitriser pour réussir dans la filière qu’ils choisissent ou de leur proposer un accompagnement spécifique pour qu’ils réussissent dans la filière qu’ils choisissent, ça, c’est la partie enseignement supérieur.
Et puis, il faut transformer le Bac pour faire en sorte que ce soit autre chose que ce qui était le cas aujourd’hui, c’est-à-dire seulement des examens à la fin de l’année, pendant deux ou trois jours, qui désorganisaient d’ailleurs assez largement le fonctionnement du lycée, parfois des collèges quand les collèges sont mélangés avec les lycées, au mois de juin, qui donnaient lieu à du bachotage – ça ne vient pas de nulle part ce terme – bachotage, qui était finalement un moment de passage, un rituel important, une bonne façon de maitriser et de montrer qu’on maitrisait un certain nombre de connaissances et un certain nombre de matières fondamentales, mais un peu un exercice dénué d’intérêt pédagogique.
L’idée de la réforme, c’est de transformer ça pour avoir un peu de contrôle continu, parce qu’après tout, tout ce qu’on apprend pendant l’année a au moins autant d’importance que la question de l’examen à la fin de l’année. Pour permettre aussi de mieux maitriser l’oral, je trouve qu’il y a quelque chose de très intéressant dans cette réforme, de très difficile, de peut-être aussi un peu menaçant pour ceux qui nous regardent ou qui vont passer le Bac dans quelques années, c’est cette épreuve orale qui n’est pas une épreuve de rattrapage, qui est une épreuve normale que chaque candidat devra passer. Mais après tout, maitriser la façon de s’exprimer et être capable d’exprimer avec des mots simples, mais justes, des idées, des connaissances, c’est quand même très important dans le monde dans lequel on vit. Donc, je pense que c’est une épreuve très adaptée à notre temps, très adaptée à toutes les époques sans doute, mais encore plus peut-être aujourd’hui. Donc, transformer un petit peu l’épreuve pour faire en sorte qu’elle soit, qu’elle corresponde plus à un parcours pédagogique et qu’elle prépare peut-être mieux, avec la scolarité, la suite de ce qui se passera dans l’enseignement supérieur, s’il y a suite dans l’enseignement supérieur.
Tout ça pour dire à Pascal que je ne sais pas s’il faut rehausser le niveau du Bac, donc le niveau des élèves. Ce qui est certain, c’est qu’il ne faut pas le diminuer. Ce qui est certain, c’est qu’il faut faire en sorte de permettre la réussite des lycéens et des étudiants, qui n’est pas très bien assurée aujourd’hui, et ça, c’est très regrettable.
Dans les questions qu’on nous pose, Amandine nous dit : « Les filières technologiques sont peu remises en question avec cette réforme. Qu’en sera-t-il dans les années à venir ? » Tu en as dit un petit mot, mais peut-être on peut le redire. Isabelle nous dit : « Pouvez-vous me confirmer que cette année les calculatrices ne seront pas en mode examen pour les épreuves du Bac ? Nos futurs bacheliers sont inquiets, je pense qu’ils ont raison. Merci pour votre réponse. »

Jean-Michel BLANQUER

Je peux dire deux mots. Sur la question technologique, c’est ce que je disais tout à l’heure, la voie technologique est vraiment confirmée avec les séries, mais il y aura des passerelles, je pense, par exemple, à Sciences de l’ingénieur qui pourrait être une discipline à cheval sur le technologique et le général, autrement dit on pourra la choisir en étant en Bac technologique ou en étant dans la voie générale.
Sur les calculatrices, c’est un sujet technique de cette année, on a décidé de reporter d’un an l’obligation d’avoir une calculatrice avec un mode examen, tout simplement parce qu’on a vu que les élèves n’étaient pas tous équipés de cela. Donc, cette année, ce seront les mêmes modalités que l’année précédente, avec les calculatrices qui étaient déjà autorisées et qui seront encore autorisées. Si on a déjà une calculatrice en mode examen, tout simplement on ne la mettra pas en mode examen le jour de l’examen.

Edouard PHILIPPE

Annie pose une question, je lis la question d’Annie, mais je ne suis pas sûr d’être d’accord avec elle, je vais vous expliquer pourquoi, elle dit : « Il faut que le Bac redevienne un diplôme digne de ce nom, sélectif et non bradé, pour que les étudiants à l’université ne se retrouvent pas en échec et que l’on réserve le titre de bachelier aux études générales. Un Bac technologique, technique ou économique n’ayant pas le même niveau culturel. » C’est la question d’Annie.
D’abord, sur la première partie de la question, « que le Bac redevienne un diplôme digne de ce nom, pour que les étudiants à l’université ne se retrouvent pas en échec », je pense qu’il faut que le Bac reste le point d’entrée à l’université et il faut qu’on accompagne beaucoup mieux les lycéens et les futurs étudiants pour qu’ils réussissent à l’université. Je suis convaincu que c’est possible. L’idée, ce n’est pas de sélectionner au Bac. L’idée, c’est de bien former pour avoir le Bac. C’est de bien former pour avoir le Bac et pour ensuite réussir les études supérieures.
On peut imaginer que le but de l’éducation, c’est de sélectionner et d’être très sélectif, il y a plein de gens qui pensent ça, mais ce n’est pas tellement ma conviction. Ma conviction, c’est que la bonne éducation, c’est celle qui permet au maximum de gens de monter de niveau, d’épanouir leur potentiel, d’avoir accès à plus de connaissances et à une réflexion plus sereine, plus complète, plus profonde, plus mûre d’une certaine façon. Au fond, regarder tout par la simple sélection, c’est à mon avis pas regarder les choses par la bonne lunette.
Donc, je ne crois pas qu’il faille rendre le Bac plus sélectif. Je pense qu’il faut qu’on fasse en sorte que ceux qui ont le Bac soient encore meilleurs qu’aujourd’hui et soient placés dans de meilleures dispositions pour réussir dans leur enseignement supérieur, s’ils choisissent de suivre des études.
Quant à réserver le titre de bachelier aux études générales, parce que, selon Annie, le Bac techno ou le Bac technique ou le Bac éco n’aurait pas le même niveau culturel, je ne crois rien de tout cela, je ne suis pas du tout d’accord avec Annie – ça arrive, ce n’est pas grave – mais je ne crois pas du tout ça. Je pense que le Bac, c’est la fin des études secondaires, c’est le début des études supérieures. Quand on fait un Bac technologique, quand on fait un Bac technique, quand on fait un Bac économique – ça a été mon cas – quand on fait un Bac littéraire ou un Bac scientifique, on a terminé ses études secondaires, on a le niveau de fin d’études secondaires et on peut accéder à l’enseignement supérieur, quel que soit cet enseignement supérieur. Je pense que c’est bien qu’il y ait justement le même titre pour créer une forme d’unité entre des filières, qu’à la différence d’Annie, je ne valorise pas ou je n’hiérarchise pas.
Tata Flo, bonne question posée par Tata Flo, qui nous dit : « Comment ça va se passer concrètement pour les jeunes nés en 2003 et en 2004, c’est-à-dire ceux qui sont en première et en terminale au moment du changement de formule, bref dans la phase de transition, s’il y a des gens qui nous regardent qui sont en seconde ou en troisième ou en première, en terminale, comment ça va se passer ? »

Jean-Michel BLANQUER

Ceux qui sont concernés par la réforme, c’est ceux qui sont au collège aujourd’hui. Donc, ceux qui sont en troisième maintenant, qui vont entrer en seconde en septembre prochain. Pour eux, ils verront des tous petits changements à la rentrée prochaine. Ce sont des changements simples. Il y aura notamment ce qu’on appelle un test de positionnement en début de seconde, qui est juste une sorte de bilan de compétences de chacun et chacune, qui permettra à chacun notamment de voir son niveau actuel en français et en mathématiques.
Ce test permettra de déclencher de l’accompagnement personnalisé, notamment justement pour développer les compétences écrites et orales en français. Nous savons que nous avons besoin de consolider les compétences en la matière, que ce n’est pas satisfaisant aujourd’hui et que nous devons personnaliser l’aide que nous apportons aux élèves sur ce point.
Il y aura aussi plus de temps dédié l’année prochaine à l’orientation dans le cadre de notre partenariat avec les régions. Ceci permettra donc de commencer à définir un chemin mieux éclairé pour les élèves dans leur chemin vers l’enseignement supérieur à partir de la classe de seconde.
Et puis, le changement plus important arrivera au 1 er septembre 2019 pour les élèves qui entreront en classe de première, pour eux, ce seront les premiers à vivre la fin des séries. Ils seront donc en situation d’avoir choisi trois disciplines de spécialité. Et puis, ensuite, à la rentrée, au 1 er septembre 2020, les mêmes élèves seront en terminale et ils auront aussi les changements, changements des programmes qui seront en vigueur donc à partir du 1 er septembre 2019.

Edouard PHILIPPE

Ça veut dire qu’on décide de la réforme et on l’explique maintenant, ceux qui sont en terminale et en première ou ceux qui entreront l’année prochaine en terminale ou en première ne sont pas concernés par cette réforme. On a le temps de voir et d’expliquer. C’est bien parce que c’est vrai que changer le Bac, c’est tellement installé que c’est quand même un petit peu angoissant, c’est peut-être un peu anxiogène pour ceux qui vont avoir à vivre la réforme et pour leurs parents. Donc, on aura le temps d’expliquer, ils auront le temps de s’y faire, de bien comprendre, ce n’est pas quelque chose qui se décide du jour au lendemain et qui surtout est mis en œuvre du jour au lendemain.
Jacques FORESTIER me pose la question – si c’est le Jacques FORESTIER que je connais, je le salue – : « Bonsoir Edouard PHILIPPE. Réforme nécessaire et indispensable. Par contre, miser sur les mathématiques me surprend. Apprendre à parler le français et les langues me paraissent les meilleurs moyens de la réussite. »
D’abord, réforme nécessaire et indispensable, j’en suis convaincu. « Par contre, miser sur les mathématiques me surprend », je ne crois pas qu’on mise sur les mathématiques. On mise sur quelque chose qui est une caractéristique du système français, qui se distingue d’ailleurs de systèmes étrangers, en Angleterre ou aux Etats-Unis, c’est qu’on pense qu’il y a un socle commun de connaissances que tous les bacheliers doivent avoir et que dans ce socle commun de connaissances, il y a du français, il y a de la philo, on est le seul pays du monde où tous les élèves de terminale font de la philo, parfois ça les fait suer, parfois ça les enchante, moi, j’ai adoré découvrir ça, je ne l’ai jamais fait avant, j’ai adoré découvrir ça. Mais il y a un socle commun de connaissances, de matières qui est indispensable. Dans ce socle commun de connaissances, dans le socle de culture commune, il y a français, il y a philosophie, il y a histoire-géo, il y a un enseignement moral et civique, il y a deux langues vivantes, il y a l’éducation physique et sportive et il y a la science, alors on appelle ça Humanité scientifique et numérique, mais en vérité c’est quand même de la science. Parce qu’on pense que le raisonnement scientifique, la capacité à faire des hypothèses et à vérifier par l’expérimentation que ces hypothèses sont fondées, à en déduire un raisonnement général, doit faire partie du socle commun de connaissances.
Il ne s’agit pas de dire que tous les élèves de terminale doivent avoir un niveau exceptionnel en mathématiques, parce que ce n’est pas le cas. Mais il s’agit de faire en sorte de veiller à ce que tous les élèves de terminale aient un niveau de culture scientifique – je préfèrerais le dire comme ça – de culture scientifique réelle.
Franchement, on vit dans un monde où les sujets scientifiques sont nombreux. On vit dans un monde où, tout le temps, on s’interroge sur, je ne sais pas, moi, la santé, la sécurité alimentaire, le nucléaire. Alors, évidemment, il ne s’agit pas de dire que tous les élèves de terminale doivent tout comprendre à tous les sujets scientifiques, ce n’est pas vrai, mais avoir un peu de culture scientifique ne peut pas nuire. Et franchement, je dis ça alors que moi, je n’étais pas bon en sciences et pas bon en maths. Mais je suis convaincu que ça fait partie du socle à maîtriser quand on veut être…

Jean-Michel BLANQUER

Un citoyen du XXI e siècle…

Edouard PHILIPPE

Un citoyen du XXI e siècle, exactement. Par ailleurs, parler français, c’est indispensable. Maîtriser les langues, il y a beaucoup de questions sur les langues et sur la nécessité de mieux enseigner les langues. Je dirais assez volontiers qu’on part de loin mais qu’on avance. Je suis convaincu que le niveau des élèves en langues vivantes aujourd’hui est meilleur que celui des élèves quand moi, je passais mon Bac en terminale, je le crois profondément. C’est lent. Il y a plein de choses à faire pour développer l’enseignement de l’anglais, de l’allemand, de l’espagnol, l’italien aussi, de toutes les langues vivantes qui s’enseignent, mais là, peut-être que tu peux nous lire d’ailleurs une question de Mary : « Dans vos réformes futures, comptez-vous réformer l’apprentissage des langues ? »

Jean-Michel BLANQUER

Oui, c’est un point très important. On sait que ce n’est pas un point fort français aujourd’hui. Ce que nous avons retenu pour la réforme du Baccalauréat, c’est l’idée d’avoir une certification du niveau de langue de l’élève. Autrement dit, l’évolution du parcours de l’élève va conduire à des certifications, articuler à des certifications nationales et internationales qui permettront donc à l’élève dans son CV d’avoir en plus quelque chose qu’il peut présenter et qui montre un niveau concret en langues vivantes.
Ceci débouchera aussi sur des évolutions pédagogiques. De nouveau, on retrouve la question de l’oral qui va prendre de plus en plus d’importance non pas au détriment de l’écrit, mais en complément de l’écrit. Et cela signifie que dans les prochains temps, nous allons proposer des orientations pédagogiques nouvelles en matière de langues vivantes pour tenir compte des évolutions technologiques mais aussi des attentes des professeurs de langues eux-mêmes qui voient bien que nous devons passer à une nouvelle étape pour que les langues soient vraiment des langues vivantes.

Edouard PHILIPPE

Serge nous pose une question qui n’est pas sans lien avec la question précédente, il nous dit : « Bonsoir. Bravo pour l’introduction de l’informatique en spécialité. En quoi consisteront les deux heures des humanités scientifiques et numériques ? », c’est-à-dire les deux heures de culture scientifique que j’évoquais tout à l’heure.
Je vais dire à Serge que ce n’est pas à moi de lui répondre. Je sais pourquoi c’est important que cette culture scientifique soit présente dans le tronc commun, je l’ai dit tout à l’heure, parce que je pense que dans le monde dans lequel on vit, avoir les bases des raisonnements scientifiques et une culture générale scientifique suffisante, c’est indispensable mais ce n’est évidemment pas le Premier ministre qui détermine le programme des cours en première, en terminale, heureusement d’ailleurs et encore plus, heureusement en matière scientifique. Mais enfin dans toutes les matières, heureusement.
Il y a des procédures pour ça, il y a un Conseil national des programmes, il y a des corps d’inspection qui vont être associés, qui vont déterminer ce qu’est, ce que doit être la base de cette culture générale scientifique, de cette culture scientifique à connaître. Donc, soyez rassurés, ce n’est pas moi qui vais déterminer ça, j’en suis bien incapable.
Liliane nous dit : « Allez, on retrousse les manches, il y a du taf ! » Oui, très bien. Ce n’est pas une question mais je suis assez d’accord avec elle.
Alan : « Bonjour. Pensez-vous que, dans le futur, il sera possible d’augmenter la part du contrôle continu dans le Baccalauréat afin de faire peser moins, enfin bon, bref, le résultat final sur quelques heures d’épreuve et sur le bachotage ? »

Jean-Michel BLANQUER

Donc c’est ce qui se passe avec la réforme du Baccalauréat puisque le contrôle continu va compter pour 40 %. A noter que sur ces 40 %, il y en a 30 % qui correspondent à comme des partiels, à des contrôles communs qui se dérouleront régulièrement en première et en terminale, que ces contrôles seront anonymisés et qu’ils seront faits sur la base de sujets qui seront dans des bases de données nationales que chacun peut voir, pourra voir sur Internet. On va donc objectiver le contrôle continu, on va aussi anonymiser la correction et puis donc cela correspondra à 30 % sur les 40 % de contrôle continu. Puis il y aura 10 % qui seront déterminés par le bulletin scolaire de l’élève. Donc là, il s’agit toujours de la même idée, c’est-à-dire d’ailleurs qu’on ne veut plus simplement d’un Bac qui repose sur quelques jours d’examens où on peut parfois rater pour de mauvaises raisons, mais au contraire sur un travail continu, le bulletin scolaire devant jouer un rôle puisque c’est normal aussi de primer l’effort, le travail continu de l’élève.

Edouard PHILIPPE

Hugo – décidément, c’est moi qui réponds aux questions sur les sciences alors que je ne suis quand même pas le mieux placé pour en parler mais je réponds – Hugo nous dit : « Votre réforme va donner l’opportunité à des étudiants d’obtenir leur Baccalauréat sans avoir fait une seule heure de mathématiques. Sachant qu’elles font partie des prérequis pour la majorité des formations supérieures, ne sont-elles pas indispensables ? »
D’abord, ce n’est pas vrai. Pardon, Hugo, mais c’est normal parce qu’on est en train d’expliquer la réforme mais ça n’est pas vrai. Les sciences seront dans le socle des connaissances communes de première et de terminale. Et donc les mathématiques, qui sont une des sciences évidentes, seront dans les cours de première et terminale. Accessoirement, les mathématiques ne sont pas dans tous les prérequis de toutes les formations d’enseignement supérieur et pour ceux qui veulent préparer les formations d’enseignement supérieur où les mathématiques sont nécessaires, il y aura évidemment la possibilité soit de les choisir comme majeures, soit de les choisir comme deuxième priorité ou troisième priorité, ce qui permettra d’avoir le niveau qui va bien pour réussir à l’enseignement supérieur. Donc, Hugo, voilà, je crois que j’ai été clair.
Clément pose une question qu’on nous pose souvent qui est intéressante : « Bonjour Messieurs. Les petits lycées de province auront-ils les moyens, notamment en termes d’effectifs, de proposer l’ensemble des spécialités ? Aussi comment faire en sorte que la notation en contrôle continu soit harmonisée à l’ensemble des lycées pour éviter les inégalités entre lycées de réputation différente ? »

Jean-Michel BLANQUER

Alors, sur ce point, notre objectif sera de garantir que tous les lycées de France proposent le même socle de duos, de couples de spécialités. Ça, c’est évidemment un premier engagement. Et puis, justement pour les lycées qui sont les moins attractifs aujourd’hui, on leur donnera la possibilité d’en offrir un ou deux de plus, un duo de spécialités en plus, ce qui sera un outil supplémentaire que nous aurons pour créer plus d’égalité, c’est-à-dire pour donner plus à ceux qui ont besoin de plus. Et c’est quelque chose aussi qui va conduire à plus de coopération entre les lycées parce qu’il est important que, par exemple, si on a une discipline rare – par exemple, une langue rare – qu’on propose en option, eh bien elle soit offerte dans un lycée mais des élèves d’autres lycées peuvent éventuellement la suivre aussi dans ce lycée.
Là aussi, ce sera un élément d’attractivité parce que si on met cette langue rare dans un lycée qui, aujourd’hui, est peu attractif, on créera plus de mixité sociale. Donc c’est, je pense, un des aspects importants de cette réforme.
Par ailleurs, sur l’harmonisation, c’est quelque chose que nous savons faire déjà. Bien entendu, on veillera à ce que les moyennes entre les établissements soient dans une fourchette comparable et toute cette réforme du Baccalauréat, c’est aussi l’occasion d’une modernisation des corrections pour tenir compte de certaines évolutions de notre époque.

Edouard PHILIPPE

Olivier pose une question, Olivier PERROT (phon) pose une question dont je ne sais pas si elle est… Enfin je vous lis la question : « Belle évolution que cet oral au Bac qui, si j’ai bien compris, serait une sorte de pitch sur le travail en TPE rallongé par rapport à celui qui existe actuellement en première. Pourquoi ne pas prévoir, comme cela existe dans certains collèges aux Etats-Unis, des cours de prise de parole en public pour préparer à cet oral et à la suite ? »
Alors, Olivier a raison, moi, je pense, nous, on pense que la maîtrise de l’oral ou en tout cas le fait de s’y préparer est une excellente chose et devrait faire partie là encore d’une formation pour l’ensemble des élèves du second cycle. Aujourd’hui, on prépare peu aux épreuves orales en seconde, en première, en terminale. Ça ne veut pas dire qu’on ne s’exprime pas en public mais on le prépare beaucoup moins que dans d’autres pays – en Angleterre ou aux Etats-Unis ou en Allemagne – où prendre la parole en public fait partie des choses qu’on doit apprendre à l’école.

Jean-Michel BLANQUER

En Italie aussi.

Edouard PHILIPPE

Ou en Italie. On l’apprend un peu moins en France, il faut bien reconnaître ! A l’évidence, dès lors qu’il va y avoir une épreuve à la fin de l’année orale au Baccalauréat, tout le monde va la préparer et en la préparant, quel que soit le cours, puisque ça dépendra du travail qu’on va choisir, du thème qu’on va choisir, je pense que tout le monde va essayer de se mettre au niveau. Je pense que ce sera une excellente chose, une excellente dynamique créée.
Alors je vois beaucoup de questions ou de demandes disant : « Mais les épreuves orales, elles sont très inégalitaires parce qu’il y a ceux qui savent parler et ceux qui ne savent pas parler, il y a ceux qui savent choisir les bons mots et ceux qui savent moins. » Je me permets de faire remarquer que c’est vrai à l’oral, c’est vrai, mais enfin c’est vrai à l’écrit aussi. Qu’on ne me fasse pas penser que ces codes-là, ce choix des mots, cette capacité à s’exprimer, à développer un raisonnement, ça ne se remarque pas non plus à l’écrit. Et puis surtout, on peut se dire, ce n’est pas satisfaisant. Mais on peut surtout essayer de le corriger. Et moi, je suis convaincu que, parce que ça deviendra une épreuve, on va justement s’y préparer, apprendre, s’exercer donc progresser. C’est le principe de l’éducation, c’est apprendre et progresser. Et donc je pense qu’à la fin, l’évolution sera bonne. Est-ce que ça donnera lieu à des cours ou à des options de préparation à l’épreuve orale ? Je n’en sais rien ! Mais je suis certain que ça fera du bien à tout le monde. Ça, ça me semble sûr.
Sarah, Sarah pose la question : « Pourquoi supprimer les filières ? » C’est vrai ça, pourquoi supprimer les filières ?

Jean-Michel BLANQUER

Alors il y a plusieurs raisons de supprimer les filières mais la première d’entre elles, c’est que les filières représentent aujourd’hui des sortes de couloirs assez étanches entre eux et qui, d’une certaine façon, ont conduit aussi à une forme de hiérarchie implicite entre les filières. Nous voulons en finir avec cela. Nous voulons que les élèves choisissent des spécialités parce qu’elles les intéressent, parce qu’elles les passionnent, parce qu’ils ont envie d’approfondir ces spécialités. Plutôt que d’avoir un menu tout fait, avoir quelque chose qui relève plus du choix tout simplement et qui permette plus de passerelles. Par exemple, on peut très bien vouloir faire des sciences économiques et sociales et vouloir faire des mathématiques approfondies. Mais on peut aussi vouloir faire des sciences économiques et sociales et faire en même temps de l’histoire-géographie, sciences politiques tel que nous l’avons défini.
Donc, on peut faire des couples de manière plus libre. Donc, par exemple, on ne fera pas des disciplines scientifiques parce qu’on veut faire une filière prestigieuse de nature plutôt littéraire. Désormais, on sera amené assez naturellement à, dès la première, essayer de faire des choix correspondant à ses passions, à ses goûts, à ses capacités. C’est donc quelque chose qui à la fois fait plus de sens et, en même temps, permet de changer parce qu’on pourra en fin de première, alors qu’on a trois spécialités, passer à deux, mais aussi changer de spécialité si on estime qu’on a fait une erreur. Donc on ne prédétermine pas les choses et on donne plus de liberté. C’est un lycée qui, j’en suis sûr, sera beaucoup plus agréable pour les lycées. C’est un lycée où ils se sentiront plus en situation de devenir des adultes qui font des choix mais qui peuvent aussi corriger les choix qu’ils ont faits au fil de leur parcours.

Edouard PHILIPPE

J’ai une question amusante, enfin que je vais traiter évidemment sérieusement qui dit : « Apprenons déjà à nos jeunes à parler et écrire le français convenablement. Quand pensez-vous ? » C’est amusant parce que « qu’en pensez-vous » est écrit « quand pensez-vous », c’est-à-dire quand est-ce qu’on va se décider à penser ? C’est une bonne question, apprenons déjà à nos jeunes à parler et à écrire le français convenablement. Parce que c’est un fait que la maîtrise du français, de l’expression écrite, de l’expression orale est, je crois, beaucoup plus importantes que ce qu’on veut bien penser et que ce qu’on veut bien dire.
Etre capable d’écrire le français, de développer une pensée par écrit, être capable d’exprimer des idées, des convictions, des interrogations à l’oral de façon claire, de façon précise, de façon nuancée, ce n’est pas facile et peut-être qu’on n’insiste pas suffisamment sur l’importance que cela peut avoir pour la suite de sa vie, pas simplement de sa vie professionnelle, mais de sa vie en général. C’est important donc d’être exigeant au lycée, dans l’enseignement supérieur, mais ça ne s’apprend pas en terminale, ça doit commencer très tôt.
Ça nous permet d’ailleurs d’évoquer un sujet sur lequel nous avons fait une avancée majeur. Quand je dis nous, c’est : ce gouvernement a fait une avancée majeure, c’est le projet de dédoublement des classes de CP et de CE1 dans un certain nombre de quartiers où nous avons considéré que si on voulait faire en sorte que les éléments essentiels, les fondamentaux soient acquis vraiment très tôt, il fallait dédoubler les classes, c’est-à-dire faire en sorte qu’il y ait un professeur pour 12 élèves en classe de CP et pas plus, en classe de CP ou de CE1 dans les REP et dans les REP+ parce que ça s’apprend tôt et parce que plus on l’apprend tôt, plus on maîtrise la lecture et l’écriture tôt, plus on a des chances raisonnables de continuer à apprendre et utilement pendant l’école primaire, pendant le collège et pendant le lycée.
Donc, la question qui est posée là est une vraie bonne question, est une vraie question centrale. Ça ne sert à rien de voir des élèves passer de classe en classe et monter si, à la fin, une fois qu’ils ont terminé leur Bac, au fond, ils n’ont pas en maîtrise le français ou le socle de connaissances dont on considère qu’il est le bagage normal et nécessaire pour affronter le reste de sa vie. Donc, elle est formulée en termes curieux et presque contradictoires mais c’est une question importante et je voulais vous dire ça.
Cassandre ne nous dit pas une mauvaise nouvelle, mais elle nous dit « qu’un élève de terminale pour l’année scolaire 2019-2020 qui redoublerait en 2020-2021, afin d’améliorer son dossier, par exemple, que lui arriverait-il ? » Ça, c’est la question, Cassandre, à mon avis, elle pourrait faire du droit.

Jean-Michel BLANQUER

Oui, tout à fait. Il va y avoir toute une série de cas particuliers. On peut aussi poser la question des candidats libres au Baccalauréat.

Edouard PHILIPPE

Bien sûr !

Jean-Michel BLANQUER

Ce sont évidemment des conversions de notes que nous ferons à cette occasion. Donc ce sont des sujets qui vont être réglés techniquement au fil du temps. On a trois ans pour le faire mais, bien entendu, ce cas sera prévu. D’autant plus qu’il y a aujourd’hui dans les séries telles qu’elles existent évidemment les matières que l’on peut retrouver pour la plupart dans nos disciplines de spécialité. Donc on pourra faire des conversions de notes d’une année sur l’autre, ce n’est pas un sujet très difficile.

Edouard PHILIPPE

Voilà, il y avait beaucoup de questions. Ça fait déjà une bonne demi-heure qu’on essaie de répondre aux questions. On aura sans doute l’occasion de réaborder ce sujet. On va transformer le Baccalauréat mais je pense que c’est utile de bien faire comprendre que cette transformation, elle n’a pas pour objectif de faire disparaître le Baccalauréat, elle n’a pas pour objectif d’en changer la nature, ça reste l’examen…

Jean-Michel BLANQUER

Ça le renforce…

Edouard PHILIPPE

Ça le renforce. Ça reste l’examen de fin d’année, en tout cas de fin d’études secondaires qui permet l’accès à l’enseignement supérieur et ça, il ne s’agit absolument pas de le changer. C’est une réforme qui va se faire dans le temps. Donc ce n’est pas pour septembre prochain, on a le temps de voir venir, on a le temps d’expliquer, on a le temps de bien comprendre, on a le temps de faire partager aux professeurs, aux proviseurs, aux élèves, à leurs parents l’ampleur de la réforme pour pouvoir s’y retrouver parce qu’encore une fois, il ne faut pas que ce soit anxiogène, il faut que ça puisse être expliqué, assimilé, compris et ensuite, utilisé dans de bonnes conditions. Merci de nous avoir suivis et à bientôt.

Jean-Michel BLANQUER

Merci.

Edouard PHILIPPE

Au revoir.

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