Gabriel ATTAL
Bonjour à toutes et à tous.
Je suis ici à l'usine L'Oréal de Rambouillet avec Catherine VAUTRIN, la ministre du Travail, des Solidarités et de la Santé, à la rencontre des ouvriers, des salariés de cette usine qui font les 2x8, qui chaque jour, produisent ici du shampoing, du gel douche, exportés ensuite dans le monde entier.
On est ici pour parler du travail et on est ici parce que L'Oréal est un fleuron national et aussi une très grande fierté s'agissant de son engagement sur un certain nombre d'enjeux qui sont absolument majeurs. L'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, c'est l'entreprise la plus exemplaire en France en la matière, très cotée aussi à l'international sur ce sujet. L'inclusion des personnes en situation de handicap : il y a sur ce site 10 % de travailleurs en situation de handicap, on est bien au-dessus de la cible de 6 % au niveau national. La question des rémunérations aussi, on en parlait ici avec les salariés, avec de l'intéressement, de la participation, de l'actionnariat salarié et des rémunérations qui ont augmenté. Et puis, la question des conditions de travail, avec une implication majeure pour la prévention des accidents de travail et l'amélioration des conditions de travail.
Cette visite fait suite à un séminaire gouvernemental que j'ai tenu hier à Matignon sur la question du travail. Et je le dis ici, notre objectif s'agissant du travail, est clair : travailler tous, gagner plus et travailler mieux. Travailler tous, ça veut dire continuer à faire évoluer notre modèle social pour qu'il accompagne davantage vers l'emploi et qu'il incite davantage au travail. C'est ce qu'on a fait avec la réforme du RSA, c'est ce qu'on a fait avec un certain nombre de réformes du marché du travail, c'est ce qu'on a fait avec une précédente réforme de l'assurance chômage et c'est ce que j'ai annoncé hier soir, ce qu'on souhaite poursuivre avec la nouvelle réforme de l'assurance chômage. Le travailler tous.
Gagner plus ensuite, c'est tout le chantier de la désmicardisation que j'ai évoqué dans ma déclaration de politique générale et qui va nous conduire, au moment du prochain budget, à faire évoluer notre système d'allègement de cotisation pour que les entreprises soient davantage incitées à augmenter les salaires. Puisque vous savez qu'aujourd'hui, pour augmenter de 100 euros un salarié qui est au SMIC, ça coûte près de 250 euros à l'entreprise. Il faut qu'on arrive à faire évoluer ce système-là pour inciter davantage à la progression salariale.
Et puis enfin, travailler mieux, c'est la question des conditions de travail qui est un enjeu absolument majeur pour moi parce qu'on a trop d'accidents du travail en France, trop de salariés qui meurent au travail. La ministre du Travail ce matin a parlé d'une « COP du travail », d'une « COP des conditions de travail ». C'est ce qu'on va organiser avec l'ensemble des parties prenantes pour être meilleure en matière de prévention, d'incitation et d'accompagnement des entreprises dans la matière.
C'est aussi la question de l'organisation du temps de travail. J'ai dit hier que je souhaitais qu'on puisse aller beaucoup plus loin sur la semaine en quatre jours, les semaines différenciées, toutes des organisations plus souples et plus flexibles qui permettent de tenir compte davantage des besoins et de la vie des salariés. C'est donc ce chantier du travail que je suis venu rappeler ici avec Catherine VAUTRIN qui est chargée de les porter.
Journaliste
Bonjour Monsieur. Hier soir, vous avez aussi durci les conditions d'accès à l'assurance chômage. Est-ce que vous ne craignez pas un nouveau front social à quelques semaines et mois des européennes ?
Gabriel ATTAL
Moi, j'ai annoncé hier effectivement qu'il y aurait une nouvelle réforme de l'assurance chômage cette année et je l'ai dit, elle se fera après que le premier mot a été donné aux organisations syndicales. Moi, je respecte le dialogue social. D'ailleurs, les organisations syndicales et partenaires sociaux négocient en ce moment sur la question de l'emploi des seniors. La négociation devait s'arrêter mardi. Ils m'ont demandé un délai supplémentaire. On leur a évidemment accordé parce que je suis attaché à ce dialogue. Et ensuite, la ministre Catherine VAUTRIN prépare de nouvelles négociations qui s'ouvriront dans les prochaines semaines sur la future réforme de l'assurance chômage avec un calendrier très clair. Je souhaite que cette réforme et ces nouveaux paramètres puissent entrer en vigueur d'ici à l'automne.
Journaliste
Le calendrier est très contraint et les conditions que vous posez ou la lettre de cadrage que vous avez donnée sont très contraintes aussi pour les syndicats. Donc est-ce que vous pensez que vraiment les partenaires sociaux vont s'entendre et est-ce que l'État va reprendre en main donc ce régime ?
Gabriel ATTAL
D'abord, toutes les étapes du dialogue social seront respectées. Le document de cadrage sera concerté par la ministre. Toutes les étapes seront respectées pour que les partenaires sociaux puissent évidemment, c'est leur responsabilité, pouvoir discuter et travailler sur ce sujet-là. Ensuite, je souhaite que cette réforme entre en vigueur d'ici à l'automne. Et donc c'est le travail qui va être mené. Ça laisse quand même un certain nombre de mois pour négocier et pour discuter.
Journaliste
Parmi les pistes, vous avez parlé de réduire la durée d'indemnisation du chômage. Est-ce que vous sous-entendez de cette façon-là qu’il y aurait une forme en France de chômage volontaire ?
Gabriel ATTAL
Non, moi, ce que je dis, c'est qu'on doit toujours chercher à avoir un modèle social tourné vers l'activité, incitatif pour l'activité. Évidemment qu'on peut se retrouver avec un coup de dur, des difficultés dans la vie, un genou à terre et que c'est non seulement normal, mais c'est une chance qu'en France, il y ait un modèle de solidarité qui permette de vous accompagner dans ces difficultés. Mais ce modèle de solidarité, il doit toujours avoir pour moi un sens, c'est être tourné vers l'activité. Parce que ce qui permet véritablement de sortir de la précarité, c'est le travail. Ce qui permet de pouvoir faire des projets, de fonder une famille, de pouvoir s'acheter un bien, c'est quand même de pouvoir travailler. Et donc, on doit toujours avoir un...
Journaliste
(inaudible) rendre plus incitatif sur (inaudible) ?
Gabriel ATTAL
Oui, bien sûr, c'est ce que je pense. Je pense qu'il faut qu'on continue à le rendre plus incitatif. C'est ce qu'on a fait en assumant de réformer le RSA, en demandant désormais 15 heures d'activité vers l'insertion par semaine pour pouvoir percevoir le RSA. Et j'ai annoncé la généralisation de cette réforme, chantier que porte également Catherine VAUTRIN. Je crois profondément qu'on peut avoir un modèle social moins coûteux, mais plus efficace. Et c'est ça le sens de nos réformes.
Journaliste
C'est comme ça, par exemple, que vous allez réduire le déficit public ? C'est l'unique clé aujourd'hui, le travail ?
Gabriel ATTAL
Mais vous savez, plus vous avez de gens qui travaillent, plus vous avez de recettes pour financer nos politiques publiques. Si on avait le même taux d'emploi que les Allemands, on parlerait beaucoup moins des problèmes de déficit. À chaque fois, que vous avez un Français qui travaille — d'abord, c'est moins d'allocations chômage versées, mais surtout, c'est plus de cotisations sociales qui sont payées, de recettes fiscales aussi parce que quand on travaille, on paye des cotisations et des impôts — plus il y aura de Français au travail, moins on aura de problèmes pour équilibrer nos budgets.
Journaliste
Qu'est-ce que vous attendez de la part des oppositions ? Est-ce que vous attendez des propositions ? Il y en a certains qui commencent à dire que vous êtes en train de dire qu'on rentre dans une phase d'austérité à peine voilée. Est-ce que c'est bien le cas ? Et qu'est-ce que vous attendez encore une fois des oppositions en général aujourd’hui ?
Gabriel ATTAL
J'ai bien vu depuis hier soir, ce n'est pas une surprise, qu'il y a un axe MÉLENCHON-LE PEN contre la réforme que j'ai annoncée. Mais ce n'est pas une surprise parce que ça a toujours été ce logiciel-là. Ce n'est pas une surprise. On ne découvre pas que Monsieur MÉLENCHON et Madame LE PEN, sur les questions de travail et de social, c'est un seul et même parti. Extrême droite, extrême gauche, même combat contre le travail, une forme de parti du tout allocation. Nous, ce n'est pas ça notre logiciel et ce n'est pas ça notre logique. Pour Monsieur MÉLENCHON et Madame LE PEN, le fait que partout en France, les entreprises, les commerçants, les artisans, les PME, vous disent qu'ils cherchent à recruter, qu'ils aimeraient recruter, qu'ils ont des offres d'emploi pour se développer, et de l'autre côté, on reste avec plus de 7 % de chômage, pour eux, ce n'est pas un problème. Nous, on assume de dire qu'il faut inciter davantage à la reprise d'emploi. Pour Monsieur MÉLENCHON et Madame LE PEN, le fait qu'il y ait des gens qui restent 10 ans au RSA sans être suffisamment bien accompagnés pour retrouver un emploi, c'est normal. Nous, on dit que ce n'est pas normal. C'est pour ça qu'on a fait la réforme du RSA pour qu'il y ait 15 heures d'activité vers l’insertion en contrepartie du RSA. Donc, vous voyez, il y a deux projets de logiciels qui s'opposent. Il y a le nôtre, qui est celui de la solidarité pendant les coups durs pour accompagner, mais toujours de l'incitation à l'emploi, parce que notre modèle social, il est financé par le travail, puis vous avez le modèle, le logiciel MÉLENCHON-LE PEN, qui est celui du tout allocation. Et finalement, le travail, c'est un objectif qui est secondaire dans la société. C'est ça, les deux visions qui s'opposent.
Journaliste
Pourquoi ils disent que vous êtes en train de faire entrer la France dans une nouvelle phase d'austérité, avec toutes les dépenses publiques dans tous les sens. Est-ce que c'est vrai ?
Gabriel ATTAL
Bien sûr que non. L'austérité, on a vu ce que c'était dans un certain nombre de pays. Ce n'est pas notre logique, ce n'est pas notre logiciel. On peut être sérieux sans faire de l'austérité. C'est ça qu'on fait. Moi, je pense qu'être sérieux avec les finances publiques, c'est le meilleur service qu'on peut rendre aux Français, et par ailleurs, pardon, à ma génération, qui va devoir assumer dans les années et les décennies à venir la dette qui lui aura été laissée par les générations précédentes. Vous savez, c'est comme pour un ménage. Quand vous êtes surendetté, en fait, vous dépensez tout votre argent pour rembourser votre dette. Vous ne pouvez pas faire de projet, financer des investissements, des projets pour vous. Pour la France, c'est pareil. Un pays qui est surendetté n'est pas un pays libre de ses choix et libre de pouvoir faire des projets pour l'avenir, et notamment la transition écologique. Donc, c'est aussi pour ma génération que je mène ce combat-là, qui est pour moi un combat juste pour les Français. Et on a vu ce que c'était par le passé. Pardon. Encore une fois, je pense que les Français ont vu en 2011, ils l'ont vu aussi sur le quinquennat 2012-2017, en tout cas au début de ce quinquennat, des augmentations d'impôts sur le travail, sur les classes moyennes, le quotient familial qui est raboté, la TVA qui augmente, etc. Ce n'est pas ça notre projet. Encore une fois, ça, c'est le projet des oppositions, c'est leur droit le plus absolu, mais nous, on a un autre projet pour les Français.
Journaliste
Mais l'opposition dit, vous ne vous attaquez au mur de la dette qu’en rabotant les dépenses sociales.
Gabriel ATTAL
J'ai annoncé un plan de 10 milliards d'euros d'économie sur l'État. Je l'ai dit dès ma nomination, l'État doit être exemplaire en la matière. Est-ce que vous avez un exemple d'un Premier ministre qui, quelques semaines après son arrivée, prend un décret pour annuler 10 milliards d'euros de crédit de l'État ? Il n’y en a pas, c’est historique. Donc l'État est évidemment exemplaire. Ensuite, oui, il faut assumer que 1 euro sur 2 qui est dépensé d'argent public en France, c'est des dépenses sociales. Et encore une fois, c'est une chance d'avoir un modèle social protecteur, mais évidemment qu'on peut le faire évoluer. Et tous les jours, je suis amené à annoncer des mesures qui montrent que l'État se serre la ceinture. Ce matin encore, j'ai annoncé que sur la sobriété énergétique, j'allais demander encore plus d'économies à l'État, de se serrer la ceinture. L'an dernier, il y a eu 150 millions d'euros d'économies qui ont été faites sur les factures d'énergie, d'électricité de l'État, ce qui est bon pour l'écologie par ailleurs. J'ai annoncé que la cible pour cette année, c'est 200 millions d'euros. Donc voilà, partout, évidemment, on cherche à être sérieux avec l'argent des Français.
Journaliste
Pardon, mais rien sur l'évaluation des aides aux entreprises, 200 milliards.
Gabriel ATTAL
La France, on en parlait ici encore avec un certain nombre de responsables de l'entreprise, la France est un des pays, parmi ceux qui nous entourent, où les entreprises sont les plus imposées. C'est quand même de ça qu’on part. Et oui, on assume ces dernières années d'avoir baissé l'impôt sur les sociétés de 33 % à 25 % pour toutes les entreprises, et notamment pour les petites et moyennes entreprises. Je peux vous dire que c'est utile pour elles, c'est comme ça ensuite qu'elles peuvent recruter. Après, moi, j'ai jamais eu de dogme ou de tabou, notamment sur les profits exceptionnels liés à des situations de crise. Quand il a fallu taxer les entreprises de l'énergie et du pétrole parce qu'elles faisaient des profits exceptionnels en même temps que les factures des Français augmentaient, on l'a fait, on a fait une taxe exceptionnelle. Quand il a fallu taxer les groupes financiarisés de laboratoires de biologie médicale, qui ont fait des profits exceptionnels grâce aux tests Covid financés par la Sécurité sociale, on l'a fait, on a assumé de le faire. Moi, je n'ai aucun dogme et aucun tabou sur ce sujet. En revanche, j'ai des lignes rouges. Parce que ceux qui vous disent “Non, non, mais ne vous inquiétez pas, on va taxer juste les très grandes entreprises et puis les super riches”, on voit comment ça se termine après. On l'a vu encore une fois entre 2011 et 2014 avec l'impôt sur le revenu qui augmente, le quotient familial qui est raboté, la TVA qui augmente, l'impôt sur les sociétés qui augmente avec des contributions supplémentaires. Ce n'est pas ça notre projet. Notre projet, c'est de soutenir ceux qui travaillent et de soutenir ceux qui permettent aux Français de travailler, c'est-à-dire les entreprises.
Journaliste
Lorsque vous étiez encore au ministère du Budget, vous avez dit que vous vouliez qu'on travaille différemment. Est-ce que ça inclut aussi les soft skills ? Est-ce qu'on prend les indicateurs de travail, de chômage, etc. mais quid de la dignité ? Travailler sur la dignité, avoir le travail et la dignité, parce qu'on oppose toujours l’assistanat. Mais est-ce que vous englobez ça dans votre approche, dans la réforme que vous faites ? Et la deuxième question est sur l'Oréal. L'Oréal, entre 2020 et 2021, ils ont doublé leur taux de recrutement. Et récemment, 400 CDI pour 2023 avec la tech. Ils ont annoncé que 25 % de leur prochain recrutement serait dans la tech. Est-ce que vous pensez que la tech, et le IA, y compris l’IA qui fait peur, est-ce que ce sera plutôt un booster pour créer des emplois ?
Gabriel ATTAL
D’abord, sur le premier point, oui, vous me demandez si je considère que le travail, permettre à des Français qui aujourd’hui ne travaillent pas de travailler, est-ce que c’est leur apporter de la dignité ? Oui, bien sûr. Parce que c’est ce qui permet de fonder une famille, parce que c’est une fierté. On a vu ici avec les salariés de L’Oréal, ils sont très fiers de travailler dans cette usine et pour cette entreprise. Donc oui, je rejoins totalement cette idée-là. Et ensuite, sur la tech et l’intelligence artificielle, je crois aussi profondément que ça peut être une opportunité pour des créations d'emplois, pour des services publics qui fonctionnent mieux, pour globalement un pays qui s'en sort mieux. Et la France est en train de prendre une position de leader sur l'intelligence artificielle, Bruno LE MAIRE est encore revenu récemment sur ce sujet. Merci beaucoup.