France 2030 : Pr Fabrice André, directeur de la recherche, Institut Gustave Roussy

Publié 25/06/2024|Modifié 14/06/2024

Pr Fabrice André, directeur de la recherche de l'Institut Gustave Roussy, a répondu à nos questions dans une interview publiée dans le Rapport d'activité 2023 du Secrétariat général pour l’investissement en charge de France 2030.

1/ Quel regard portez-vous sur l’année 2023 en matière de recherche et d’innovation dans le domaine de la cancérologie ? Y a-t-il une innovation que vous retenez plus particulièrement ?

La période récente marque une rupture complète dans la façon dont nous appréhendons la prise en charge des patients atteints d’un cancer, et j’identifie quatre tendances importantes. La première, c’est qu’aujourd’hui, nous voyons arriver des thérapies issues des biotechnologies : on peut désormais construire des médicaments, avec des bio-ingénieurs. Je pense aux anticorps conjugués ou à certains Car-T qui vont permettre de cibler les cellules cancéreuses et les détruire ou les reprogrammer. Deuxièmement, l’intelligence artificielle est très importante dans le domaine du cancer. L’IA permet de déterminer les traitements dont aura besoin le patient, ceux qui seront efficaces et ceux qui ne le seront pas. Elle permet également de prédire la rechute. Dans ce domaine de la médecine prédictive, la France a un temps d’avance ! Troisièmement, nous voyons arriver des États-Unis une vague de devices dans le champ de la prévention et de la détection précoce des cancers, qui sont capables d’identifier des traces de cancer dans le sang. Nous avons démarré avec du retard et il est important de prendre le virage. Enfin, la médecine digitale représente un apport précieux : les outils digitaux qui voient le jour permettent d’améliorer le suivi des patients et dans le même temps de décharger les médecins de certaines tâches ou de faciliter son travail et in fine d’avoir une meilleure efficience de la consommation de soins.

2/ Le Paris Saclay Cancer Cluster a été le 1er biocluster créé dans le cadre de France 2030, 4 autres l’ont été en 2023. À quels enjeux peuvent-ils répondre selon vous ?

France 2030
Le PSCC a une mission très précise : créer un site qui a la masse critique suffisante et qui agira comme un guichet unique pour offrir à des starts-ups qui ont un beau projet tous les services dont ils ont besoin pour accélérer leur développement : avoir accès à des échantillons, à une plateforme moléculaire, à un centre de recherche clinique, … Il ne s’agit pas que de gagner 6 mois, il s’agit de prendre la place dans un marché mondial en forte compétition, et ainsi gagner sur le plan médical, avec plus de traitements pour les patients, et gagner sur le plan économique avec la naissance de licornes sur notre territoire.
À côté des bioclusters, France 2030 a permis également de financer une nouvelle vague d’instituts hospitalo-universitaires : ce sont 12 nouveaux sites d’excellence qui ont vu le jour en 2023, et cela représente deux bonnes nouvelles : ils sont répartis sur tout le territoire et couvrent un grand nombre de thèmes différents. À ce titre, ils sont des porte-drapeau de la recherche biomédicale en France. Ils vont créer de l’inspiration localement, pour les jeunes notamment. Ensuite, il y a trois IHU dans le domaine du cancer qui vont travailler ensemble, en complémentarité.
Le dispositif des chaires d’excellence complète cette structuration de la recherche à l’innovation, en redonnant de l’attractivité à la France dans la compétition internationale, en finançant des chercheurs de talent. Cela va permettre de faire revenir des talents en France.

3/ Êtes-vous optimiste quant à la capacité de la France à relever les défis de l’innovation ?

Ce que je constate, c’est que la santé est un moteur de l’économie, en plus d’un besoin essentiel pour les citoyens. Et avec le plan Innovation Santé 2030, volet santé de France 2030, et la création de l’Agence de l’innovation en santé, il y a eu une décision politique d’investir sur la santé et la biologie. Et deux ans après, l’ensemble des acteurs de l’état – et les opérateurs notamment – ont travaillé activement pour que ce qui n’étaient que des belles idées deviennent réalité. On voit aujourd’hui les choses pousser, au sens propre. Et je suis admiratif de cette transformation d’une ambition en réalisations concrètes.

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